Actualité Dieselgate

Des milliers de morts en Europe à cause du non-respect des normes anti-pollution

Environ 10 000 personnes meurent prématurément chaque année en Europe en raison de la pollution causée par les voitures diesel liée aux oxydes d’azotes (NOx), selon une nouvelle étude menée par une équipe internationale de chercheurs.

Publié le 19 septembre 2017 à 08:57

Environ 10 000 personnes meurent prématurément chaque année en Europe en raison de la pollution causée par les voitures diesel liée aux oxydes d’azotes (NOx), selon une nouvelle étude menée par une équipe internationale de chercheurs.

La moitié de ces décès est due à des émissions dépassant les limites européennes. Ils sont la conséquence directe des évaluations truquées de l’impact environnemental des voitures qui ont attiré l’attention de l’opinion publique en 2015, au moment du scandale Volkswagen et du Dieselgate qui s’en est suivi.

L’étude, couvrant les 28 Etats membres de l’UE, la Norvège et la Suisse entre 2010 et 2017, a été menée par l’Institut norvégien de météorologie (MetNorway), en coopération avec l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués (IIASA) en Autriche et le Département de l’espace, de la Terre et de l’environnement de l’Ecole polytechnique Chalmers en Suède.

Cette étude collaborative est la première de son genre a quantifier avec succès les décès prématurés dans chaque pays européen, en comparant les différents niveaux de danger qui menacent les citoyens selon l’Etat dans lequel ils se trouvent.

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La France se place en troisième position dans le classement européen du nombre de décès, après l’Italie, l’Allemagne et la France. La plupart des victimes (70 %) sont originaires de ces quatre pays, en raison du nombre important d’automobiles diesel qu’on y dénombre et de leur démographie importante. En effet, 50 % des Européens y habitent.

On retrouve également dans le top 10 des pays comme les Pays-Bas, la Pologne, l’Espagne, la Belgique, la Suisse et la Hongrie. Les 20 pays restant représentent 23 % de la population européenne mais à peine 10 % des décès prématurés. En Norvège, en Finlande et à Chypre, les risques sont au moins 14 inférieurs à la moyenne européenne.

"Si les voitures diesel respectaient les normes européennes en matière d’émissions, environ 5 000 décès prématurés auraient été évités", déclare Jens Borken-Kleefeld, expert des transports à l’IIASA. "Et 7 500 vies auraient été épargnées (soit 80 % de l’ensemble) si les moteurs diesel émettaient autant d’oxydes d’azote que les moteurs à essence." En effet, l’UE a établi des limites bien plus strictes pour les voitures à essence qui, en conséquence, génèrent moins d’émissions toxiques.

Le dépassement des plafonds résulte de failles dans le système de surveillance environnemental européen. Les producteurs automobiles doivent prouver aux agences nationales de contrôle que leurs véhicules respectent les limites contraignantes, appelées normes "Euro". Au fil du temps, l’UE les a rendues plus sévères (Euro 6 étant les plus drastiques) pour que les moyens de transports sur route deviennent progressivement propres.

Néanmoins, ce mécanisme de certification repose sur des tests de laboratoire obsolètes. L’affaire Volkswagen a contraint les gouvernements et le secteur à admettre la vérité : les émissions en conditions réelles se sont avérées bien plus élevées que les valeurs de laboratoire, certaines dépassant de 400 % les limites Euro.

Suite à l’indignation publique provoquée par le scandale, l’UE a accéléré la mise en place de tests sur routes visant à assurer des mesures plus réalistes des émissions automobiles. La nouvelle procédure obligatoire vient d’entrer en vigueur (en septembre) pour les nouveaux modèles. Mais elle ne s’appliquera à tous les véhicules que dans deux ans.

Les transports constituent la principale source de pollution de l’air, responsable de 425 000 décès prématurés dans l’UE, la Norvège et la Suisse, selon l’Agence européenne de l’environnement. Plus de 90 % de ces décès sont dus à des maladies cardio-respiratoires liées à l’exposition aux particules fines (PM). Le gaz NOx représente un facteur clef dans la formation de ce polluant nocif.

"Nous avons réussi à établir un lien entre les émissions excessive de NOx et l’exposition de la population aux PM", explique Jan Eiof Jonson de MetNorway.

Les chercheurs ont utilisé des données publiques et une méthode de calculs se déclinant en trois étapes. Pour commencer, ils ont quantifié l’exposition aux PM générés par les oxydes d’azote émis par les voitures diesel. Ensuite, ils ont évalué le risque de décès prématuré lié à certaines maladies découlant des particules fines. Enfin, ils ont étudié la corrélation entre le risque de décès prématuré et l’exposition aux PM.

"Nous avons pu faire une estimation approximative du nombre de décès prématurés entre 2010 et 2017 et en sommes arrivés à une fourchette comprise entre 6 000 et 13 000 personnes", dit Borken-Kleefeld. "Nous nous sommes intentionnellement concentrés sur les décès liés aux NOx. Si nous devions tenir compte de tous les polluants, nous serions arrivés à un chiffre bien plus important."

Une étude précédente réalisée avec le Conseil international pour le transport propre (ICCT) et publiée sur la revue Nature, a estimé que 6 800 Européens sont décédés prématurément en 2015 en conséquence de l’émission de NOx au-delà des limites européennes.

Notre approche est indépendante, mais elle est semblable à celle publiée par Nature", affirme Jens Borken-Kleefeld. “Le nombre des décès prématurés est inférieur – 5 500. Mais il rentre dans la marge d’incertitude acceptable qui, selon nos calculs, oscille entre 6 000 et 13 000. Nous confirmons donc pour l’essentiel les résultats de l’étude publiée sur Nature. La différence est due aux différentes méthodologies dans l’évaluation de l’impact sur la santé. Et je pense que nos résultats sont valables, car nous prenons mieux en compte les variations entre pays Européens. L’étude de Nature, au contraire prend en considération les pays en bloc, sans séparer les données par Etat.

Cet article est le premier volet d'une enquête internationale sur le Dieselgate, menée par MobileReporter en partenariat avec le European Data Journalism Network.

Cet article est publié en partenariat avec The European Data Journalism Network – CC/BY/NC

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