Idées La France et l’UE

La victoire de Macron n’est pas la victoire de l’Europe

Si l’élection d’un européen convaincu et dynamique à l’Elysée est une bonne nouvelle pour l’Union, elle ne suffira pas à elle seule à la sauver des pressions des populismes et des tendances au repli national, met en garde le directeur d’EastWest Magazine.

Publié le 12 juin 2017 à 12:08

Avec l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République en France, l’épouvantail d’une présidence de Marine Le Pen est écarté. Et les observateurs écrivent qu’avec En marche !, le mouvement de Macron, on pourra refonder l’Europe, qu’il n’y a plus de problèmes et ainsi de suite. Non, l’Europe n’est hélas pas encore sauvée. Et elle ne le sera pas tant que les partis traditionnels n’auront pas compris leur défaites, dont la France n’est que le dernier épisode en date. Sans cette conscience, l’Europe ne sera jamais à l’abri.

Pour arriver à l’Elysée, le jeune homme le plus ambitieux du pays a dû courir sur les charbons ardents. D’abord, il y a eu les critiques contre sa femme, puis, celles sur ces rapports avec l’élite financière, ensuite, les attaques de Marine Le Pen ; enfin, les mails piratés. Lorsqu’il a dû attaquer, il a attaqué. Quand il a dû se défendre, il l’a fait avec élégance. Mais il y a un aspect qui, plus que d’autres, a surpris les observateurs extérieurs : le fait que Macron est tendance. Macron, comme nous le l’avons discuté avec le collègue de Bloomberg View Ferdinando Giugliano, est un populiste à l’envers. Il utilise des slogans comme Marine Le Pen, avec la différence que les siens sont positifs et bien argumentés, solides dans leurs fondamentaux, comme dirait un analyste financier. Lui et ses conseillers ont compris que c’était le seul moyen de communiquer s’ils ne voulaient pas perdre les élections.

Macron est contre les partis traditionnels. Il s’est présenté comme une alternative par rapport au duopole habituel entre Socialistes et Républicains. C’est au fond ce qu’a fait aussi Marine Le Pen, en rajeunissant le Front National de manière à le rendre plus attractif dans le Nord. C’est ce qu’a fait aussi Beppe Grillo avec le Mouvement 5 étoiles en Italie. Tous deux – Le Pen et Grillo – ont cherché les voix en vendant l’image du chevalier blanc. Mais le dragon contre lequel il se bat a plusieurs têtes : chômage, présence faible des institutions européennes, système monétaire imparfait, corruption de la classe politique, malversations financières. La liste est longue et elle s’allongera sans doute si les élites politiques continuent à être sourdes.

Peut-on comparer En Marche ! Au Mouvement 5 étoiles ? Techniquement, oui, car ils sont tous deux nés suite au besoin de recueillir le consensus là où il se trouve, c’est-à-dire loin des partis politiques traditionnels. Avec la volonté de renouveler le système politique du pays dans lequel l’on se trouve, mais aussi celle de construire quelque chose de plus grand sur le long terme. Avec toutefois une grande différence : une chose est la destruction créative à la Macron, basée du moins sur le papier sur la compétence et le mérite ; une autre est la destruction improvisée à la Grillo, qui ne propose — derrière ses slogans — pas une véritable alternative de gouvernement capable d’améliorer l’existant. Dans le premier cas, il s’agit de faire évoluer l’Etat et la société ; dans le second, d’accélérer la course vers le déclin.

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Le risque le plus important pour l’Europe, c’est que les partis traditionnels qui sont restés, et ceux qui ont été battus, ne parviennent pas à comprendre complètement la leçon de l’élection de Macron. Nombreux sont ceux qui, comme le Parti démocrate du Premier ministre italien Matteo Renzi, se sont ralliés à Macron et à En Marche !, mais il s’agit là d’une grossière erreur. Parce que la France n’est pas l’Italie et parce qu’il n’y a pas, en Italie, un populiste à l’envers comme Macron. Il y a des formes de recherche du consensus électoral semblables, mais à l’intérieur d’un contenu politique traditionnel, qui, face à des citoyens déçus et fatigués, perd l’allure qu’a eue Macron en France. Une situation qui ne s’applique pas qu’à l’Italie, mais aux Etats-Unis également. Des dynamiques comparables ont amené Donald Trump, un outsider au sein du Grand Old Party, à la Maison Blanche à coups de slogans et de messages anti-establishment. Si on recule dans le temps, une situation semblable s’est vérifiée en Italie dans les années 1990 avec l’arrivée en politique de Silvio Berlusconi.

Il s’agit là d’animaux politiques extérieurs à la sphère politique qui arrivent, détruisent l’existant et recréent. Parfois en bien, parfois en mal, parfois encore en très mal. Mais les dynamiques du changement du consensus politique sont quasiment toujours les mêmes. Macron parviendra-t-il à hisser l’Europe du marasme dans laquelle elle se trouve ? Non. Ou mieux, pas tout seul. Son dynamisme et sa détermination pourraient être très utiles pour recréer un nouvel axe franco-allemand, plus équilibré et plus innovant. Mais sans l’aide des autres pays membres, tout effort sera en vain. Tant que des nationalismes divers, parfois déguisés en protection des intérêts nationaux, existeront, le rêve européen ne pourra devenir réalité. Et l’Union européenne demeurera imparfaite, fragile et vulnérable.

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