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Vers une hausse des inégalités entre les retraités européens

La crise de 2008 a creusé l’écart entre les pays européens tant pour ce qui est de l’âge du départ à la retraite que du montant des pensions. Un phénomène qui va s’accentuer avec le vieillissement de la population.

Publié le 23 février 2018 à 11:53

L’attention que les citoyens européens accordent à leur retraite a pris de l’ampleur depuis la crise : à titre d’exemple, les Italiens sont désormais 16 % à considérer cette question comme un des deux principaux enjeux auquel doit faire face leur pays, contre 8 % il y a 10 ans. C’est d’ailleurs l’un des principaux sujets en débat à l’approche des élections générales italiennes qui doivent se tenir le 4 mars prochain ; les partis de droite s’étant d’ores-et-déjà mis d’accord sur une annulation des hausses progressives de l’âge de départ en retraite prévues par la réforme de 2011. En France, le Président Emmanuel Macron propose – sans toucher aux paramètres d’âge ni de durée de cotisation – de rendre le système de retraites plus lisible en en faisant un système « à point ». Ce projet délicat a pour l’instant été repoussé à 2019.

Dans toute l’Europe, la question des retraites est amenée à prendre une place centrale dans les débats économiques et sociaux à venir, d’une part à cause des pressions croissantes qui pèsent sur les budgets publics et, d’autre part aux vues des évolutions démographiques. En 2050, l’OCDE devrait ainsi compter plus de 50 retraités pour 100 actifs, soit le double du ratio atteint en 2015. Ce taux devrait même atteindre plus de 70 retraités pour 100 actifs en Espagne et en Italie.

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Outre la progression de l’espérance de vie, qui augmente le nombre d’années passées en retraite (19,6 ans pour les femmes et 14,6 pour les hommes en 1990, contre respectivement 22,5 et 18,1 ans aujourd’hui en moyenne dans l’OCDE) et donc les pensions perçues ; l’arrivée en retraite de la génération des baby-boomers et la stabilisation des taux de natalité à un niveau relativement bas dans l’ensemble de l’OCDE risquent de se traduire soit par une baisse des taux de remplacement (le rapport entre le montant de la retraite à percevoir et la dernière rémunération perçue en activité, exprimé en pourcentage).  pour les futurs retraités, soit par une hausse des dépenses des Etats pour leurs systèmes de retraite.

Si la qualité de vie des seniors semble avoir été préservée depuis la crise, cette situation ne devrait cependant pas durer longtemps, alerte l’OCDE dans un récent rapport sur les inégalités d’âge dont la première édition a été publiée en novembre dernier – preuve que cette question émerge dans les débats politiques. « L’âge sera vécu de manière différente pour les générations nées à partir des années 1960, sous l’effet de l’allongement de la durée de vie, de la diminution de la taille des cellules familiales, du creusement des inégalités tout au long de la vie active et des réformes qui ont réduit les pensions de retraite », alerte l’institution.

Trois leviers d’action

Pour assurer la soutenabilité de leurs systèmes de retraite dans ces conditions, les Etats peuvent jouer sur trois leviers : rehausser l’âge de départ en retraite, augmenter les cotisations retraites prélevées sur les salariés ou réduire les pensions versées aux retraités. Si le relèvement des cotisations réduit mécanique le déficit d’un système de retraites, « il augmente les coûts non-salariaux du travail et peut, en retour, affecter les salaires nets ou l’emploi, selon la façon dont le marché du travail réagit dans le temps », souligne l’OCDE dans son dernier panorama sur les retraites, publié en novembre 2017.

Quant à une éventuelle réduction des niveaux de retraite, elle semble également peu acceptable aux vues de l’accroissement des inégalités aux âges avancées de la vie. De nombreux pays européens ont ainsi préféré miser sur le troisième levier : le relèvement de l’âge de départ en retraite. Via un allongement de la durée de cotisation requise pour toucher une retraite à taux plein (passé en France de 41,5 à 43 ans) ou un recul de l’âge légal de départ. D’ici 2060, l’âge normal de départ doit reculer dans la moitié environ des pays de l’OCDE, de 1,5 an pour les hommes et environ 2 ans pour les femmes. Une mesure qualifiée par l’OCDE de « gagnant – gagnant (...) tout du moins pour ceux qui peuvent effectivement travailler plus longtemps ».

Inégaux face au vieillissement

Relever l’âge de départ risque cependant d’exacerber les inégalités entre retraités, car l’espérance de vie n’augmente pas au même rythme pour toutes les catégories sociales. En France par exemple, 13 années d’espérance de vie séparent les 5 % d’hommes les plus pauvres (niveau de vie moyen de 470 euros par mois) des 5 % les plus aisés (5 800 euros), selon une récente note de l’INSEE. « Une augmentation d’un an de l’âge de départ en retraite représente donc un manque à gagner plus important pour les travailleurs à faible revenu que leurs concitoyens plus aisés », souligne l’organisation internationale. Un recul de trois ans de l’âge moyen de départ européen d’ici 2060 réduirait ainsi la pension relative des travailleurs pauvres de 2,2 %.

L’autre question qui se pose est celle de la capacité des seniors, qualifiés ou non, à se maintenir sur le marché de l’emploi en fin de carrière. Si l’OCDE note une amélioration du taux d’emploi des Européens âgés de 55 à 64 ans (44 % en 2000 contre 58 % en 2016), des progrès restent à faire.

Reproduction des inégalités de salaire

Alors que les jeunes générations feront face, selon l’OCDE, « à des risques accrus d’inégalités à un âge avancé par rapport aux retraités actuels », l’institution note, dans son dernier panorama des pensions, l’incapacité de la plupart des systèmes de retraite européens à combler les inégalités qui se créent au long de la vie, et en particulier les inégalités de salaires. En Belgique, en France, en Espagne ou encore en Italie, les travailleurs pauvres (qui gagnent moins de 50 % du revenu moyen) ont des taux de remplacement plus faibles que les autres.

En moyenne dans les pays de l’OCDE, près des trois quarts des inégalités de salaire accumulées au cours d’une carrière se perpétuent lors du départ en retraite. Ce taux atteint 90 % en Espagne, en France ou en Italie. Le Royaume-Uni semble faire figure d’exception, mais « si l’on ajoute les régimes de retraite complémentaires, c’est tout de même 20 à 25 % des inégalités de salaire qui se reproduisent lors de la retraite » nuance l’institution. La priorité est donc à l’amélioration de l’équité de nos systèmes de retraite.

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