Appellations d'origine douteuse

Du vin en poudre, du fromage sans lait, des produits bio aux OGM. Tous ces produits sont conformes aux normes européennes. La faute aux lobbies agroalimentaires du nord de l'Europe, dénonce La Stampa. Les pays méditerranéens, l'Italie en tête, aimeraient que l'Union européenne soutienne davantage une agriculture de qualité.

Publié le 28 mai 2009 à 15:51

La boîte est carrée en carton plastifié, ornée d’un magnifique coucher de soleil. Il s'agit d'un "wine kit" qui permet de fabriquer du vin chez soi avec cinq sachets de poudres de perlimpinpin telles que du concentré de raisin lyophilisé, de la bentonite, du disulfite et du sorbate de potassium, des agents fixateurs sans identification plus précise. Il faut vingt jours d’élaboration, un processus complexe qui demande du temps, un contrôle précis des taux d’humidité et des températures. Si toutes les conditions sont remplies on obtient trente bouteilles de vin pour la modique somme de quarante euros.

Le paquet contient aussi d’"élégantes étiquettes" qui certifient que ces récipients de verre contiennent du "barolo" [vin italien de la région piémontaise]. Du barolo, mais en poudre. Un nom sans aucun lien avec ses origines, au point qu’on peut même "déguster" du barolo blanc. Luca Zaia, le ministre de l’Agriculture, l’a rangé très pertinemment dans ce qu’il appelle "la galerie des horreurs" ces aberrations déclarées conformes aux normes européennes et qui hérissent tant le consommateur italien.

La Coldiretti [puissante fédération d'entreprises agricoles] a improvisé une mini exposition de ces "horreurs" dans un grand hôtel de Bruxelles : des fromages sans lait, les produits issus de l’agriculture biologique contaminés par des OGM, des poulets apatrides, du jus d'orange sans orange. "Toutes choses qui se retrouvent sans qu’on n’y prenne garde dans le panier de la ménagère, regrette Sergio Marini, président de l’organisation agricole. La grande distribution fait des profits en jouant sur l’ambiguïté de l’information".

En Europe, ce grand terrain en copropriété où les joueurs sont de plus en plus nombreux à jouer, la tendance actuelle - faire passer les intérêts nationaux avant les intérêts européens - semble ne plus connaître de limites. Du vin sans vin ? En Allemagne et dans d’autres pays du nord, cela fait des années que certains agriculteurs vendangent avec des pommes, des framboises et du cassis et vendent les jus obtenus en prétendant que c'est du "vin". Ces pays se sont battus pour continuer à en produire et même à en vendre à l’étranger. L’Italie s’y est opposée mais a dû ensuite se résigner à l’inéluctable vote majoritaire qui, sur de nombreuses questions agricoles, s’est concrétisée par une majorité de 14 (Etats d’Europe du Nord et de l’Est) contre 13 (les pays méditerranéens et leurs voisins). Reste l’espoir que les consommateurs lisent les étiquettes et ne se laissent pas berner. La Coldiretti et le ministre ne semblent pas en être convaincus.

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Au Conseil européen de Bruxelles ce sont les lobbies les plus forts – allemands, français et scandinaves - qui l’emportent. Presque jamais l’Italie qui a pourtant une agriculture de bien meilleure qualité. Berlin défend bec et ongles ses grands élevages et ses immenses terres agricoles. Chez nous les cultivateurs disposent de surfaces réduites. Et la défense de nos droits en Europe est encore une science jeune. Nous ne nous sommes pas encore remis de cette malédiction qui, dans les années 1980, avait poussé le gouvernement à accepter des quotas laitiers en échange de soutiens dans le domaine de la sidérurgie. On a vu le résultat.

Sergio Marini veut qu’on travaille Bruxelles au corps pour se protéger contre ces guet-apens. Contre ceux, par exemple qui se cachent derrière l’abolition des standards minimaux pour les fruits et légumes, au risque de mettre sur le marché des produits de rebut à des prix incontrôlables. Ou encore contre cette autorisation, en vigueur depuis janvier, d’ajouter jusqu’ à 10% de caséine lors de la fabrication de fromages. Fort bien. Mais ceci ne doit pas faire oublier ce que l’Europe a fait pour notre économie verte, à commencer par la protection des appellations contrôlées. Le premier juillet prochain arrivera aussi l’étiquette A.O.C (Appellation d'Origine Contrôlée) pour l’huile d’olive de qualité produite dans des zones géographiques protégées. Pour les producteurs, c’est un triomphe. L’Union européenne, comme toutes les copropriétés, montre tantôt le bon tantôt le mauvais côté de la médaille.

ROUMANIE

Les agriculteurs mal défendus

"Il n'y a pas un seul spécialiste en agronomie parmi les candidats aux élections européennes", se désole România libera, qui regrette "la décapitation de l’agriculture roumaine au Parlement européen". Drôle de constat, continue ce journal, pour un pays qui est la troisième surface agricole de toute l’Union, et qui met sur ses listes des professeurs, des mécaniciens et des analystes politiques, mais aucun ingénieur agronome…sauf un, placé en 39e position sur la liste du parti hongrois (UDMR), qui n’a que 5 places éligibles. "Pourtant, l’agriculture est un enjeu européen stratégique et la législation dans ce domaine est adoptée à Bruxelles, et non dans nos pays", rappelle le quotidien. "Plus de 80 % des décisions qui influencent l’agriculture roumaine viennent de l'Union". Un enjeu d’autant plus important que l’année prochaine, l’UE adoptera le budget pour 2013-2018 et "les grands pays, du centre et du nord, qui ont déjà réglé leurs problèmes agricoles, vont très certainement demander la réduction des subventions. Et pendant ce temps le fermier roumain priera Dieu pour un peu de pluie et d'argent, alors que les subventions, faute d'accord à Bucarest, resteront dans les ordinateurs de Bruxelles".

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