Actualité Traité de Lisbonne
La chancelère allemande Angela Merkel et le Premier ministre irlandais Brian Cowen lors d'une conférence de presse à Berlin, 2008. (AFP)

L'Irlande devrait dire oui, pour l'Allemagne

La victoire annoncée de la chancelière Angela Merkel aux législatives allemandes dimanche 27 septembre donne un argument supplémentaire aux partisans du oui au traité de Lisbonne, estime The Irish Independent. Les Irlandais doivent se prononcer le 2 octobre.

Publié le 23 septembre 2009 à 16:40
La chancelère allemande Angela Merkel et le Premier ministre irlandais Brian Cowen lors d'une conférence de presse à Berlin, 2008. (AFP)

Sur beaucoup d’aspects, Angela Merkel est une pionnière. Elle est la première Allemande de l’Est et la première femme à diriger l’Allemagne, mais surtout la première chancelière à ne pas avoir vécu personnellement l’horrible histoire de son pays [sans compter Gerhard Schröder]. Ses prédécesseurs, des hommes comme Helmut Kohl ou Helmut Schmidt, avaient connu la guerre, ce qui les avait poussés à construire l’Europe que nous connaissons aujourd’hui. Leur fervent soutien au projet européen englobait des pays plus pauvres comme le nôtre et nous a permis de créer l’Irlande moderne. Bien que consciente du passé de l’Allemagne, la chancelière Merkel, comme beaucoup de ses successeurs potentiels, ne partage pas ce profond intérêt qu'avait Helmut Kohl pour l’Union européenne.

En bref, l’Allemagne s'est rapidement transformée en un pays normal, et les pays normaux font ce qu’ils ont toujours fait : ils s'occupent d'abord d'eux-mêmes. Ceux qui en doutent n’ont qu’à observer les relations de l’Allemagne avec la Russie. Merkel a unilatéralement courtisé son gigantesque voisin pour s’assurer de l’approvisionnement de son pays en gaz. Il y a dix ans, l’Allemagne aurait été embarrassée d’agir seule et aurait cherché à assurer un approvisionnement pour l’Europe, tout en condamnant l’attitude de la Russie en Géorgie.

La locomitive toussote

Aujourd’hui, à l’instar de la France ou de la Grande-Bretagne, l’Allemagne agit dans son propre intérêt. Ce n’est pas un hasard si nous utilisons le mot allemand Realpolitik en relations internationales pour qualifier une politique basée sur le pragmatisme plutôt que sur des considérations morales ou idéologiques. On peut se féliciter que l’Allemagne soit redevenue un pays normal. Elle n’est pas seulement la locomotive économique de l'Europe, elle est aussi une puissance militaire, et son absence virtuelle des affaires internationales a laissé un vide politique, comblé par des voisins pas toujours aussi réalistes. Même si ce processus inévitable et irréversible est le bienvenu, il représente un défi pour l’Irlande. Si l’ancienne bienveillante locomotive de l’intégration européenne toussote, les petits pays doivent s’investir s'ils ne veulent pas voir le projet européen mourir sur place.

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En Irlande, nous ressentons déjà certains effets de la nouvelle attitude de l’Allemagne à l'égard du projet européen. Dans les années 1990, le chancelier Kohl, un politicien rusé et quelque peu guindé, comme on en trouve beaucoup ici, aurait imaginé une espèce de paquet de subventions à l’agriculture pour pousser certains groupes sceptiques, tels que les agriculteurs, à voter "oui". En bref, il aurait tenté d’acheter le référendum sur le traité de Lisbonne avec de l’argent et des traités inutiles. Cette fois, même pas besoin d'incitation financière. A peine une demande froidement polie du reste de l’UE pour un nouveau vote. Les autres gouvernements ne se sont même pas donné la peine de fournir à notre administration un cache-misère convainquant lorsqu’ils se sont invités dans la campagne, alors qu’il est clair que nos réserves quant aux incohérences du traité sur l’avortement et les conflits militaires les exaspèrent.

L'Europe n'est plus en pilotage automatique

Je ne dis pas que l’Allemagne n’a rien fait pour nous aider. En fait, c’est la promesse de la chancelière Merkel, plus tôt dans l’année, que l’Irlande serait secourue si son économie s’écroulait qui a donné un coup de pouce aux marchés obligataires et a fait baisser les coûts d'emprunts en Irlande. Même si elle a reçu bien peu de remerciement de notre pays en retour, c’était là un tournant dans l’inquiétant empressement du monde à comparer l’Irlande à l’Islande et à parier contre notre survie à long terme. Pour paraphraser John F. Kennedy, le flambeau est passé à une nouvelle génération d’Allemands, nés après la guerre, que la paix a disciplinés et rendu peu disposés à continuer de payer pour les erreurs de leurs parents. Tout cela signifie que l’Europe n’est plus réglée en pilotage automatique, c’est pourquoi l’Irlande doit accorder plus d’attention au projet européen. Si les Allemands perdent leur ferveur, c’est à nous de devenir plus enthousiastes ou accepter que l’Europe ne trébuche et tombe tandis que d’autres grandes puissances se lèvent en Extrême-Orient.

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