Une famille sicule en Transylvanie. Photo (non datée) : www.magyarmuzeum.org

Qui a peur des Sicules ?

A l’approche de l’élection présidentielle roumaine du 22 novembre, les leaders de la communauté hongroise de Transylvanie agitent la question de leur autonomie. Dans les villages, pourtant, la population multithnique coexiste sans histoires, remarque Evenimentul Zilei.

Publié le 29 septembre 2009 à 10:14
Une famille sicule en Transylvanie. Photo (non datée) : www.magyarmuzeum.org

Sur la route menant de Brasov à Covasna, en Transylvanie, plane du matin au soir l'odeur de kurtos kalacs (brioche parsemée de sucre caramélisé) et de pain maison aux pommes de terre. Ici commence la zone historique du Pays des Sicules, la minorité hongroise de Roumanie, dont le Conseil national s'est donné récemment un hymne, un symbole et un drapeau en vue de d'incarner le "futur territoire autonome du Pays sicule".

Zagon, l'une des plus grandes municipalités du comté, compte 5 000 habitants, parmi lesquels environ 2 700 Roumains, presque autant de Hongrois et quelques 40 Roms. Zagon se flatte d'être un exemple de diversité ethnique du point de vue de l'administration : le maire magyar Joseph Kis fait équipe avec son adjoint roumain, Nicolae Coznean. Les deux se connaissent depuis les bancs de l'école primaire. "Je suis né ici et des problèmes ethniques entre nous, magyars et tsiganes n'ont jamais existé, explique l'adjoint au maire. Honnêtement, je ne comprends pas cette affaire avec le Pays Sicule. Je discutais ces jours-ci avec un policier d'ethnie magyare qui m'a dit : 'Alors, si on le fait, ce Pays Sicule, je vais avoir le double du salaire de mon collègue roumain ?'". N'importe qui à Zagon connait la langue roumaine autant que la langue magyare, et à la mairie c'est pratiquement une condition pour être embauché.

Les gens débattent plus sur la patate

En cette journée de septembre, des charrettes et des tracteurs chargés de pommes de terre, les principaux fruits de cette terre que les habitants de Zagon travaillent du matin au soir, sillonnent les rues. Ici, dans les conversations, le débat sur la patate et le travail de la terre prend le pas sur toute autre discussion. Dans le quartier roumain, plusieurs artisans travaillent sur le toit d'une maison. Lorsqu'elle sera terminée, deux jeunes mariés y habiteront : la roumaine Sorina et le hongrois Gyusz Kertenz. "Il n'y a jamais eu de problèmes, parce qu'il est hongrois et elle roumaine ou inversement. Les gens d'ici ont grandi ensemble, ils ne peuvent pas se haïr, contrairement à ce que l'on entend à la télé", croit fermement Gabriela Cretu, ancienne institutrice à l'école maternelle de la commune, se référant aux revendications identitaires au sein de la communauté magyare fomentées par les nationalistes de Budapest.

Le meilleur du journalisme européen dans votre boîte mail chaque jeudi

Sur un banc près de la mairie, Tartoli Bila se repose à l'ombre. Il a 75 ans et il a toujours vécu à Zagon. Il ne sait pas grand chose de l'autonomie, et d'ailleurs ça ne l'intéresse pas beaucoup. Il estime que là où il a passé la plupart de sa vie, aux champs, il n'y a pas de place pour les disputes et que tout le monde travaille dans les mêmes conditions. "Nous vivons tous ici, les filles roumaines épousent des hommes magyars et inversement. Ce problème est pour les gens importants, ceux qui apparaissent à la télévision. Moi je vais au champ, au bois, je m'occupe de mon travail et bonne chance", dit le vieil homme.

"Un Pays sicule indépendant est impossible"

Devant une maison du quartier roumain, une affiche électorale du PNL, le Parti nationallibéral, flotte au gré du vent. Le propriétaire, Mugurel Grigorescu, est le président de la section locale du PNL. Gardien d'immeuble à Covasna, il est "l'épine dans le pied des Hongrois" : "J'ai de nombreux amis magyares, dit-il. *L*es gens ordinaires sont trop occupés à travailler la terre. La question de l'autonomie des Sicules n'est soulevée que par une poignée de politiciens. Ils réclament l'autonomie : eh bien, qu'on leur donne un petit bout de territoire quelque part, et qu'ils se débrouillent tout seuls pour leur pitance, leur électricité et tout". Car, selon lui, un Pays sicule indépendant est impossible : "Ce n'est pas logique, de faire un Etat dans l'Etat. De toute manière, il n'est pas possible d'avoir l'autonomie d'un Etat avant d'avoir l'autonomie économique. Ils dépendent de la Roumanie en tout : gaz, pétrole, électricité".

Depuis des années, les leaders de l'UDMR (Union démocrate des Magyars de Roumanie) se battent pour l'autonomie de leur territoire, mais les habitants de Zagon semblent ne jamais avoir entendu parler d'eux. La minorité hongroise de Roumanie bénéficie déjà de certains droits fondamentaux : l'enseignement du hongrois à l'école et des écoles de hongrois, la protection et la mise en valeur de sa culture, ainsi que la liberté de créer des médias (journaux, télévision, radio). Elle bénéficie d'espaces sur les chaînes publiques de télévision et de radio, et ses membres peuvent pratiquer leur religion sans discrimination, construire leurs lieux de culte, élire leurs représentants au Parlement national et utiliser leur langue maternelle devant les tribunaux.

Tags
Cet article vous a intéressé ? Nous en sommes très heureux ! Il est en accès libre, car nous pensons qu’une information libre et indépendante est essentielle pour la démocratie. Mais ce droit n’est pas garanti pour toujours et l’indépendance a un coût. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à publier une information indépendante et multilingue à destination de tous les Européens. Découvrez nos offres d’abonnement et leurs avantages exclusifs, et devenez membre dès à présent de notre communauté !

Média, entreprise ou organisation: découvrez notre offre de services éditoriaux sur-mesure et de traduction multilingue.

Soutenez le journalisme européen indépendant

La démocratie européenne a besoin de médias indépendants. Rejoignez notre communauté !

sur le même sujet