Une médaille de citoyenneté britannique présentée lors d'une cérémonie à Londres en 2007 (AFP)

La citoyenneté, une idée neuve

Face à la disparition des frontières et aux revendications de sa forte minorité russe, l’Estonie remet en question sa notion du "vivre-ensemble". Une réflexion qui s‘impose à tous les pays d’Europe, notamment pour prendre en compte le phénomène de l’immigration.

Publié le 7 octobre 2009 à 12:22
Une médaille de citoyenneté britannique présentée lors d'une cérémonie à Londres en 2007 (AFP)

Le 1er octobre, le ministre de la Justice, Indrek Teder, a déclaré devant le Parlement estonien que l’Estonie était trop ethnocentrée et qu’il conviendrait de repenser les principes et la philosophie de l’Etat estonien. Selon lui, il faudrait progressivement passer à une pensée plus citoyenne [En Estonie, on différencie les nationaux et les non-estoniens].

Après les émeutes d’avril 2007 [des heurts avaient opposé police et membres de la minorité russe après le déplacement du Soldat de bronze, une statue en hommage aux forces soviétiques victorieuses du nazisme], l’Etat estonien a activement cherché à intégrer la jeune génération de non-estoniens dans la société. Mais quand l’opinion s’est apaisée, d’autres sujets beaucoup plus brûlants ont remplacé la préoccupation de la cohésion sociale. A part quelques projets de loi ou de propositions en la matière, la question de l’intégration a été l'objet d'un débat au ministère de la Population [dissous depuis cet été] sans susciter de débat plus large dans la société.

Progresser vers une société centrée sur le citoyen

Les propositions faites au gouvernement par le ministre de la Justice doivent de ce fait être applaudies car elles ont permis de relancer de nouveau le débat sur la question nationale en Estonie. Avec ces propositions, le chancelier Teder véhicule une réflexion cosmopolite qui n’a pas trouvé beaucoup de partisans dans l’Estonie actuelle. Il est politiquement plus correct de parler de l’Etat-nation et de la force vitale du sentiment estonien que de voir les dangers provenant des principes d’un Etat ethnocentré.

Le meilleur du journalisme européen dans votre boîte mail chaque jeudi

En Europe, le concept d’Etat-nation est perçu de manière très différente. Les vieux pays européens privilégient en général l’approche selon laquelle toute personne vivant dans le pays et parlant la langue doit être considérée comme un membre de la société à part entière. De par leur histoire, les nouveaux arrivés, les Etats de l’Europe de l’Est, sont plus ethnocentrés, car pendant plus de 50 ans, ils n’ont pas pu participer au processus de disparition des frontières en Europe. Tout cela est quelque chose de très nouveau pour nous.

Qu'un Etat traite la question nationale en parlant de citoyens plutôt que de nationaux est le signe d’une société mûre. Progresser vers une société plus cohérente et "citoyen-centrée" comme l’a proposé le ministre de la Justice estonien est probablement inévitable car il n’est pas possible d'envisager la réflexion sur la question nationale de la même au XXIème siècle qu’au XIXème siècle. La question se résume à savoir si ce processus va être piloté au niveau de l’Etat ou il s’exprimera par de nouveaux "excès" incontrôlés [de la société] comme ce fut le cas en 2007. Il est clair qu’il serait plus sage d’entamer le processus pendant que l’Etat est encore capable d’en garder le contrôle plutôt que de rester passif et risquer de le perdre.

OPINION

Une nouvelle citoyenneté pour intégrer l’immigration

La globalisation du phénomène de migration "touche au vivre ensemble, c'est-à-dire à la définition même de la citoyenneté", estime Catherine de Wenden du Centre d'études et de recherches internationales, à Paris. Et les Etats européens, "à la différence des Etats-Unis, du Canada ou de l'Australie" qui ont redéfini leur citoyenneté dans les années 1960, font "depuis peu l'expérience du multiculturalisme", explique la chercheuse dans un entretien publié dans Le Monde. Ayant longtemps été une région de départ, elle a donc "du mal à s'accepter comme un continent d'immigration" voire de peuplement. Puisque les immigrés deviennent constitutifs de la population des pays européens, il est urgent, selon Catherine de Wenden, que ces derniers établissent un statut du migrant.

"Les pays ne sont gagnants qu'à condition que les migrants aient un statut, qu'ils paient des cotisations sociales, consomment, envoient de l'argent à leurs proches". De plus, il conviendrait, selon elle, d'introduire un droit universel à la mobilité car beaucoup de migrants - comme les travailleurs riches et qualifiés - aspirent à inscrire la mobilité comme mode de vie. "Le grand perdant de cette mobilité, c'est l'Etat, dans sa tentative d'imposer sa souveraineté sur le contrôle des frontières, sur la définition de l'identité national", observe la chercheuse. De fait, le principe de mobilité butte encore contre la résistance des gouvernements qui continuent à privilégier l'approche sécuritaire de l'immigration. "On criminalise la migration, au détriment de l'approche économique et sociale", affirme Catherine de Wenden.

Tags
Cet article vous a intéressé ? Nous en sommes très heureux ! Il est en accès libre, car nous pensons qu’une information libre et indépendante est essentielle pour la démocratie. Mais ce droit n’est pas garanti pour toujours et l’indépendance a un coût. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à publier une information indépendante et multilingue à destination de tous les Européens. Découvrez nos offres d’abonnement et leurs avantages exclusifs, et devenez membre dès à présent de notre communauté !

Média, entreprise ou organisation: découvrez notre offre de services éditoriaux sur-mesure et de traduction multilingue.

Soutenez le journalisme européen indépendant

La démocratie européenne a besoin de médias indépendants. Rejoignez notre communauté !

sur le même sujet