La fin d'un colloque sur le système de santé, sur le site de réalité virtuelle "Second Life". Davee Commerce / Daneel Ariantho

Attention au bug de l’e-société

Vie politique, santé, éducation : depuis plusieurs années, l’Etat balte est à l’avant-garde de l’utilisation d’Internet dans la vie publique. Mais ce rêve d'une e-société pourrait faire oublier le véritable sens des choses, prévient un éditorialiste estonien.

Publié le 9 décembre 2009 à 16:56
La fin d'un colloque sur le système de santé, sur le site de réalité virtuelle "Second Life". Davee Commerce / Daneel Ariantho

Nous avons tellement l’habitude de vivre avec tout ce qui est e- que l’on parle d’une e-police, d’un e-gouvernement, d’un e-Etat, d’une e-école, d’une e-santé, etc. Or, derrière tout cela, plusieurs dangers guettent. Toutes ces solutions des technologies de l’information sont magnifiques – elles permettent d'épargner du temps, de l’argent, nos nerfs et bien d’autres choses encore. Mais elles peuvent comporter un danger lorsque ces moyens deviennent des objectifs en soi. Ce qui devient alors important, pour l’e-gouvernement, c’est l’e-connexion, dont ne dépendent ni le contenu ni la qualité du travail réel du gouvernement.

On parle souvent de l’e-santé, qui permet de transmettre des données de façon rapide et globale. Or la santé réelle pourrait en souffrir. On finance une e-école, mais l’argent ne va pas à son organisation et aux programmes d’enseignement : il sert à mettre en place une autre base de données. Le véritable sens des choses a été oublié en chemin. Autrement dit, la réalité disparaît, les vrais sentiments s’affaiblissent et finiront par être remplacés par un e-amour (le sexe virtuel existe déjà) ou des textos cryptés. Plus il y aura d’e-solutions et d’e-communication, moins il y aura de communication réelle. Il peut être amusant et économique d’organiser des e-mariages, avec à la clef du e-bonheur et des e-invités. Ceux-ci dégusteront des amuse-bouches qui descendront dans leurs assiettes comme des cubes de Tetris, et boiront de l’e-alcool qui ne les saoulera pas. Si tout cela convient aux masses, c’est parfait. C’est ce qu’il faut pour être réélu. Les e-élections sont déjà en train de devenir un objectif en soi. Résultat, le sens du processus électoral - confier un mandat à quelqu’un pour qu’il représente les citoyens et défende leurs intérêts - est en train de se perdre, ou du moins de devenir flou.

L’e-gestion est aussi confortable que rapide, mais a donné naissance à un système où l’humain est secondaire et en partie exonéré de toute responsabilité. "Envoyez-nous un mail et on verra", et bien sûr lorsqu’on reçoit une facture qui contient une erreur (si tant est qu'on la reçoive), on obtient une excuse du genre : “Mais c’est ce que mon ordinateur m’avait indiqué." Les moyens de communication sont devenus tellement importants que la vie des gens est progressivement remplacée par une e-vie qui commence à jouer un rôle dans tous les domaines. Mais peut-être vaut-il mieux échapper à la vie réelle, lorsque celle-ci ne nous satisfait plus, et se cacher derrière une e-vie, nouer des e-relations et se laisser conduire jusqu'à l’e-cimetière par le système d’exploitation ?

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