Barack Obama (à dr.) entouré des leaders européens lors de la conférence de l'ONU sur le climat de Copenhague, en décembre 2009. (AFP)

La Maison Blanche et les 27 nains

L'annulation de la visite de Barack Obama au prochain sommet UE-USA renvoie l'Europe à ses propres faiblesses. Censé introduire un interlocuteur européen unique, le traité de Lisbonne les a en fait multipliés, souligne la presse, qui comprend l'agacement de Washington.

Publié le 3 février 2010 à 16:20
Barack Obama (à dr.) entouré des leaders européens lors de la conférence de l'ONU sur le climat de Copenhague, en décembre 2009. (AFP)

"Après la déroute face à la Chine lors de la Conférence de l'ONU sur le climat de Copenhague, l'Europe doit-elle se résoudre aussi à son insignifiance face aux Etats-Unis ?", s'interroge Le Figaro au lendemain de l'annulation de la visite de Barack Obama à Madrid pour le sommet UE-Etats-Unis des 24 et 25 mai prochain. "A en croire le ton suffisant de la déclaration américaine annulant la venue d'Obama, les Etats-Unis se sont lassés des querelles entre les dirigeants européens", écrit la Süddeutsche Zeitung. "Le fait que les Américains recourent précisément au traité de Lisbonne pour justifier la non-venue d'Obama ne manque pas d'ironie. Pendant dix ans, on a souvent entendu l'argument suivant: si on veut être entendu dans le monde, il faut parler d'une même voix. Certes, le traité de Lisbonne est désormais en vigueur, mais au lieu de parler d'une voix, l'UE parle de quatre voix – au minimum ! Il est compréhensible que ces étranges arrangements intra-européens déplaisent aux Américains", souligne le quotidien allemand.

Une pléthore de présidents

Car, comme le souligne le Wall Street Journal, l'Union a à présent "une pléthore de présidents : il y a celui du Conseil, Herman Van Rompuy, celui de Commission, José Manuel Barroso, sans compter la présidence tournante de l'Union, actuellement occupée par l'Espagne." Dans son blog consacré à l'Union européenne, The Economist rappelle "le cauchemar du 'bienvenue à Lilliput' vécu par Obama lors de sa visite à Prague en 2009, lorsqu'il s'est retrouvé dans un sommet UE-Etats-Unis dénué d'enjeu. Après la réunion, les responsables américains s'étaient plaints du fait que les 27 dirigeants nationaux avaient tous baratiné les mêmes choses à M. Obama, avant de se chamailler pour figurer à ses côtés devant les photographes".

Le résident de la Maison Blanche a pris la bonne décision, estime quant à elle Ilana Bet El dans le Guardian. Depuis que le traité de Lisbonne a été ratifié, "Bruxelles est obnubilée par elle-même et ses institutions". Les querelles internes sur "qui fait quoi" se multiplient et les pays membres sont "repliés sur eux-mêmes : le Royaume-Uni, en pleine enquête sur l'Irak; les Français, mobilisés par leur débat sur l'identité nationale et l'Italie, trop occupée par les scandales de Berlusconi". Au point que les récents discours de Richard Morningstar - représentant des Etats-Unis en Eurasie pour les problèmes énergétiques – et d'Hillary Clinton – secrétaire d'Etat américaine - sur les enjeux européens dans le domaine de l'énergie et de la sécurité auraient de quoi faire rougir les dirigeants de l'UE. "Les citoyens d'Europe devraient être reconnaissants aux deux émissaires américains : ils ont livré une vision de l'avenir du continent avec autorité. Comme jamais aucun dirigeant de l'Europe ou de l'UE n'a été capable de le faire.", ironise le Guardian.

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Un compliment caché

Il n'y a pas de quoi dramatiser, tempère toutefois Antonio Missiroli dans The Independent : d'une part, comme l'affirme le directeur du European Policy Centre, parce que ce sommet qui ne comporte "aucun gros dossier à l'ordre du jour", est purement formel. D'autre part, "parce que cette annulation peut s'interpréter comme une sorte de compliment", quoique quelque peu tordu, s'amuse Gideon Rachman dans le Financial Times. Car, "contrairement à l'Afghanistan, au Pakistan, à la Chine et la Russie, grandes priorités de la politique extérieure américaine, Obama considère l'Europe comme un endroit tranquille qui semble bien se débrouiller tout seul".

Côté espagnol, le quotidien El País note qu'à Madrid, qui disputait à Bruxelles le privilège d'accueillir le sommet, cette volte-face fait grincer des dents. Elle révèle l'optimisme béat du gouvernement espagnol et "l'emphase avec laquelle on a vendu la peau de l'ours" de la venue en Espagne de Barack Obama avant de l'avoir tuée, ainsi que la "pathétique confiance [du chef du gouvernement espagnol José Luis Zapatero] en l'effet thaumaturgique des photos-souvenir" – Zapatero, qui fait face à une grave crise économique, misait beaucoup sur cette fameuse photo avec Obama. Mais la cause de l'absence de ce dernier est ailleurs, note le quotidien espagnol. Elle a surtout à voir avec l'agenda du président américain : "Contrarié par les sondages", il a décidé de "reléguer au second plan la politique étrangère" pour se concentrer sur l'économie et le social.

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