La plus grande des eurosceptiques? La chancelière Angela Merkel au Bundestag, Berlin, le 12 Novembre, 2009. (AFP)

Angela contre tous

Que cela plaise ou non aux Vingt-sept, réunis ces jours-ci à Bruxelles pour discuter entre autres de l'aide à apporter à la Grèce, la chancelière allemande impose la discipline au sein de l'Union. Pour elle, ce ne sont pas seulement les intérêts allemands qui sont en jeux, mais l'Union telle que nous l'avons connue jusqu'à présent.

Publié le 25 mars 2010 à 17:44
La plus grande des eurosceptiques? La chancelière Angela Merkel au Bundestag, Berlin, le 12 Novembre, 2009. (AFP)

L'Allemagne traverse sa crise de politique étrangère la plus grave depuis des décennies. Rares sont ceux à l'avoir remarqué, mais la crise a isolé l'Allemagne en Europe, comme le pays n'avait pas été isolé depuis longtemps. Cette fois, c'est en puissance monétaire qu'elle se présente. Elle a créé des institutions supposées réconcilier le pays dominateur du continent européen qu'elle était avec ses voisins. Mais, de fait, ils la voient à nouveau comme le pays donneur de leçons qui décide de tout.

Et désormais, il est clair aux yeux de tous que l'euro permet à l'Allemagne de profiter, sans commune mesure avec les autres pays, du marché commun. Avec des salaires inférieurs, de meilleures performances et une qualité supérieure, elle domine les exportations européennes et crée de ce fait des dépendances que les économies moins puissantes sont incapables de compenser. L'Allemagne vit la belle vie des dealers, et les toxicomanes roulent en Mercedes ou en BMW. Les obligations d'État - grecques par exemple - sont souscrites en priorité, y compris par les banques allemandes.

Grèce, le premier domino

La Grèce est aujourd'hui le premier domino qui menace de tomber, sous la pression d'un double fardeau - la crise économique mondiale et ses défaillances internes, aggravées par les filoutages de tous ordres. Le Portugal et l'Espagne menacent de chuter à leur tour. Mais l'Allemagne s'est montrée insensible à leur sort. Ces pays ne doivent attendre aucune aide de notre part, a fait savoir la "chancelière de fer". Pour elle, il ne saurait y avoir de péréquation financière en Europe, car les règles du jeu ne le permettent pas.

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Quiconque veut comprendre le désastre européen doit se pencher sur ces règles. Celles-ci n'ont pas été faites pour résister aux coups multiples de la crise économique mondiale, des déficits abyssaux et des fraudes. Elles ne tiennent pas compte de la faillite éventuelle d'un État. Elles ont été conçues pour faire de l'Allemagne, la première puissance économique du continent, le serviteur de toutes les économies européennes.

Les concepteurs de ces règles n'ont pas songé qu'une monnaie commune réclamait également une politique économique et budgétaire commune. Seul, le marché intérieur n'est pas capable d'assurer l'équilibre nécessaire. Si ce marché venait à s'effondrer, voire si la monnaie unique venait à être abandonnée, c'est toute l'œuvre politique de plusieurs générations - l'Union européenne - qui s'en trouverait menacée.

La chancelière dans la tempête

Angela Merkel doit-elle prêter main forte à la Grèce, enfreindre toutes les règles, mettre l'euro en danger, inviter les spéculateurs à partir à l'assaut de l'Espagne et du Portugal ? Et déclencher par dessus le marché une tempête sur la scène politique allemande, à l'heure où l'opposition demande, à quelques semaines des élections du parlement régional de Rhénanie du Nord-Westphalie, si le contribuable allemand doit aussi financer les treizième et quatorzième mois des Grecs ? Doit-elle inciter les opposants à l'euro à déposer un recours en inconstitutionnalité [La Cour constitutionnelle de Karsruhe indiquait en 1998 dans un arrêt sur l'Union économique et monétaire que celle-ci n'était conforme à la loi fondamentale que pour autant que l'euro garantissait la stabilité monétaire], une occasion qu'attendent les ennemis de la monnaie européenne depuis dix ans ?

En d'autres termes, Angela Merkel a été amenée à se demander si elle voulait mettre en péril l'instrument de politique extérieure le plus précieux de Berlin, à savoir l'Union européenne. Ou si, au contraire, elle devait respecter les règles du jeu, garder la tête froide au milieu du feu roulant de critiques et imposer à l'Europe l'une de ces vertus germaniques tant redoutées, la discipline ? Angela Merkel a su garder la tête froide, aidée en cela par le président français Nicolas Sarkozy. Le chef d'État français, qui n'aurait sans doute pas refusé de débourser quelques euros à titre exceptionnel, s'est laissé convaincre par Angela Merkel d'observer la discipline allemande. Quelques semaines à peine après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l'Europe voit devant elle un nouveau défi, et de taille.

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