Le président de la BCE, Mario Draghi, à Francfort, le 5 juillet 2012.

La BCE joue la politique du pire

Pression des marchés, manifestations contre l’austérité, quasi-faillite des régions : le gouvernement de Mariano Rajoy n’a plus beaucoup de marge de manoeuvre. Et la Banque centrale européenne, qui pourrait lui venir en aide, semble tout faire pour favoriser un sauvetage global, impliquant une mise sous tutelle, dénonce ABC.

Publié le 23 juillet 2012 à 14:53
Le président de la BCE, Mario Draghi, à Francfort, le 5 juillet 2012.

Dans les conclusions du dernier Conseil européen, un paragraphe consacre l’accord permettant à la Banque centrale [européenne] d’intervenir si la crise de la dette souveraine atteint un point de non retour. Ce n’est pas un euphémisme : c’est écrit noir sur blanc dans le texte que Mariano Rajoy garde dans son porte-documents, comme s’il s’agissait d’un laissez-passer moral. Voilà pourquoi le chef du gouvernement reste dubitatif face aux indices financiers et qu’il ne cesse de s’étonner en privé de ce qu’il considère un manquement flagrant [de la part de l’UE]. Sa colère ne fait aucun doute. Il a le sentiment que les institutions européennes ne se prennent pas au sérieux

**Peut-être qu’à l’heure où la prime de risque et les obligations approchent du point de fusion, il s’est déjà rendu compte que le problème ne vient pas de la négligence de l’UE, mais plutôt d’une intention déclarée et ferme d’imposer un plan de sauvetage à l’Espagne.

L’impassibilité de Mario Draghi doit être stratégique : derrière les gestes et les décisions officiels, il semble y avoir un dessein auquel l’Espagne ne peut pas se soustraire. Le pays est condamné à une intervention en bonne et due forme, sous la menace forcée d’une cessation de paiements.**

Une situation d'urgence

Si, ce lundi 23 juillet, la BCE n’annonce pas un rachat massif de la dette espagnole pour stabiliser le marché, ce sera parce qu’Angela Merkel s’y sera opposée en privé, alors qu’en public, elle continue de défendre devant le Parlement allemand la nécessité de soutenir notre système financier. Avec le retard accumulé en raison de ses erreurs, le gouvernement espagnol a tout de même réussi, tant bien que mal, à respecter la partie du traité qui le concerne. Il a improvisé – c’est le terme qui convient – un plan extrêmement sévère de restrictions budgétaires, à cause duquel les manifestants ont envahi les rues. Il s’est également mis à dos ses partisans avec de nouvelles hausses d’impôts et il a ébauché un budget encore plus austère pour 2013. Rien. Les marchés n’en ont que faire et anéantissent tout espoir sans que quiconque ne bouge d’un iota à Francfort pour arrêter le châtiment. La méfiance est généralisée : elle touche non seulement le gouvernement, mais aussi l’Etat. Le pays tout entier.

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**Les raisons d’avoir peur ne manquent pas : économie surendettée, résistance des dirigeants à élaguer la structure administrative, mutinerie des communautés autonomes contre la réduction obligatoire du déficit, faillite technique de certaines communautés, capitulation de Valence le 20 juillet [la Région a fait appel à l’aide de l’Etat espagnol], appareil tentaculaire et intact des pouvoirs locaux et territoriaux. Sans parler du malaise civil, qui révèle une société incapable de comprendre la gravité de cette situation d’urgence.

Pourtant, tout cela existait déjà lorsque le Conseil européen, l’Eurogroupe, le Conseil ECOFIN et les autres hauts responsables se sont engagés à recourir à l’unique instrument disponible de la politique monétaire. Un contrat a été passé et avec une audace impassible, l’une des parties a tenté de s’y soustraire. Il est bien possible que tout change, dans le jardin calme de La Moncloa [la résidence du chef du gouvernement]. Mariano Rajoy a très peu de temps pour déterminer si on l’a abandonné, c’est-à-dire si on nous a abandonné.**

Finances

3 mois à tenir

“L’Espagne dispose de liquidités pour résister pendant trois mois", titrait La Vanguardia le 22 juillet, reprenant des déclarations anonymes d’un ministre. Alors que le coût de la dette se révèle intenable avec des taux dépassant largement les 7%, le quotidien qualifie cette marge de :

modeste matelas avec lequel traverser les “50 jours maudits”. C’est ainsi que l’on qualifie en Italie le délai [jusqu’au 12 septembre] que s’est auto-accordée la Cour constitutionnelle allemande pour décider si l’élargissement des attributions du nouveau Mécanisme européen de stabilité (MES), pour qu’il puisse acheter des obligations des pays en difficulté, est en régle avec la Constitution de la Republique fédérale. Jusque là, il va falloir résister à la tempête dans laquelle les marchés ont laissé l’Espagne en pariant de plus en plus sur le défaut [de paiement] du pays et la rupture de l’euro. [...] Combien de temps cette situation peut-elle durer ?

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