Endre Tót : Zero Demo, Viersen, 1980, documentation de performance; Courtesy de l'auteur

D’Est en Ouest, l’art reste politique

Présentée à Paris, l’exposition "Les Promesses du Passé" montre que dans la partie orientale de l’Europe, avant comme après la chute du rideau de fer, la création artistique a évolué mais gardé l’ambition de changer le monde.

Publié le 18 juin 2010 à 08:52
Endre Tót : Zero Demo, Viersen, 1980, documentation de performance; Courtesy de l'auteur

"A l'Est de l'Europe, les gens croient encore que l'art peut changer le monde" - la citation est approximative, mais l'étiquette qui accompagne ce cycle d'œuvres d'art albanaises dans l'espace public parisien hante mon esprit. "Le cas Tirana" est une section particulière de l'exposition "Les Promesses du Passé", présentée depuis avril au Centre Georges Pompidou de Paris [jusqu’au 14 juillet]. Cette section est consacrée au projet initié par le maire de la capitale albanaise, Edi Rama, un ancien artiste issu des écoles de l'Occident, de transformer des façades d'immeubles racornies en œuvres d'art débordant de couleurs. Il est vrai que, parmi toutes les oeuvres présentées, c'est la seule postérieure à 1990 qui affiche clairement son objectif de changement social. Pourtant, au-delà du ton légèrement enjoué de l'étiquette, la réalité est que, quelque soit le nom que vous donniez à cette partie de l'Europe, elle est, d’un point de vue artistique, profondément sociale et politique.

Le titre "Les Promesses..." est walterbenjaminien [inspiré de l'œuvre de l'écrivain Walter Benjamin]. Y sont exposées les œuvres d'un grand nombre d'artistes de "l'ex"-Europe de l'Est, de la Serbe Marina Abramović au Roumain Daniel Knorr (avec une installation spécialement créée pour "Pompidou", un "détournement" d'un tuyau - les tuyaux étant le leitmotiv architectural du Centre imaginé par Renzo Piano et Richard Rogers - par lequel circule du gaz lacrymogène), en passant par des œuvres du Roumain Ion Grigorescu ou du Croate Mladen Stilinović. Auxquels viennent se joindre le Français Cyprien Gaillard ou l'Israélien Yael Bartana, qui traitent de thèmes "orientaux-européens" sans être originaires de cette région.

Au-délà du rideau de fer, réinventer la roue

Avec son bâtiment futuriste du centre commercial-historique de Paris, le Centre Pompidou est une combinaison éblouissante d'attraction touristique et d'institution révolutionnaire des arts visuels (mais qui, quand il s'agit d'investir, investit dans les classiques contemporains). Dans ce paysage muséal complexe, "Les Promesses du Passé" tente de "réinventer la roue" (expression utilisée dans le catalogue de l'exposition, comme titre du chapitre albanais) de la difficile, voire impossible redéfinition de l'art au-delà de l’ex-rideau de fer et de son intégration, si ce n'est dans les canons occidentaux, du moins aux yeux de l'Occident. Qu'il existe un autre point de vue possible sur l'art "oriental", c'est ce que prouve la rétro-avant garde, un concept par lequel le collectif Neue Slowenische Kunst (NSK) inventait leur propre contexte, refusant d'essayer de se glisser dans une possible faille du complexe schéma canonique occidental.

Perçu tantôt en bloc (communiste et post-communisme), tantôt selon des critères nationaux ("Présences polonaises" a été également hébergée par "Pompidou", en 1983), l'art associé à la partie orientale du continent est nécessairement, conceptuellement, périodiquement réinventé. Paradoxalement, le passé communiste est celui qui a offert, du point de vue occidental, un dénominateur thématique commun et unique : le traumatisme, la mémoire, la (n)ostalgie [Ost est l'Est, en allemand]. Tout est politique, disent les bâtiments de Tirana.

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