Pourquoi l’UE va échouer au G20

Lors du sommet des principales économies mondiales, qui se tient les 26 et 27 juin à Toronto, la France et l’Allemagne veulent porter les propositions européennes sur la régulation des banques. Mais en menaçant de faire cavalier seul, elles risquent l’isolement. Démonstration en quatre points par Público.

Publié le 25 juin 2010 à 12:12

1 - Avant la réunion du G20 organisé à Toronto ce week-end, la Chine a compris qu’elle devait donner des signes de bonne volonté s’agissant de sa monnaie [le 19 juin, elle a annoncé qu'elle favoriserait une plus grande ”flexibilité” du taux de change du yuan]. Cette attitude est le résultat de la pression exercée par les Etats-Unis et montre que la Chine sait où est son intérêt. Avec son économie qui s’échauffe dangereusement et les grèves et manifestations qui se font quotidiennes dans ses usines, elle sait qu’elle doit relancer la consommation interieure et s’appuyer un peu moins sur ses exportations. En laissant flotter sa monnaie, ne fût-ce que de façon marginale, la Chine fait bénéficier de cette mesure l’économie mondiale ainsi que sa propre économie et, par la même occasion, elle réalise une excellente opération de marketing. Ce qui ne semble pas être le cas de l’Europe, qui, curieusement, paraît ne rien avoir appris de l’échec du sommet de Copenhague sur le climat, sa plus grande humiliation internationale et la preuve la plus évidente qu’elle prend le risque de peser de moins en moins à la table des grands acteurs mondiaux.

Le Monde a récemment écrit que les mesures proposées par la chancelière allemande et par le président français pour le G20 étaient purement et simplement populistes. La critique est dure et semble injuste. Toutefois en y regardant de plus près, elle est pertinente. Merkel et Sarkozy, qui se sont entendus sur presque rien en matière de gestion interne de l’Union européenne, étaient bien obligés de se mettre d'accord sur quelque chose lors du sommet européen du 17 juin. Ils ont donc décidé d'être les défenseurs des deux propositions sur la régulation des marchés financiers que l’Europe va porter au G20. Il s'agit d'une taxe sur toutes les transactions financières et d'une taxe sur les banques afin de créer un fonds qui leur porterait secours (au lieu de l’argent public) en cas de nouvelle crise.

En soi, les mesures sont bonnes. Les Etats-Unis défendent la même taxe sur les banques. Les transactions financières pourraient aider à financer la croissance économique. Le problème est que la France et l'Allemagne savent que leurs propositions vont être rejetées par le G20. Le couple franco-allemand affirme que cet éventuel rejet n’est pas important, et que l’Europe est prête à les appliquer seule.

2. C’est ici que résonnent les échos de Copenhague. Là aussi, l’Europe avait les propositions les plus avancées et se déclarait prête à les appliquer indépendamment du résultat du sommet. Elle a oublié de les négocier avec les autres partenaires mondiaux. Le président américain a, pour sa part, tenté de négocier et, quand est arrivé le moment de parvenir à un accord, personne n’a cru bon de l’inviter à la table des négociations. Avec qui Merkel et Sarkozy ou Barroso et Van Rompuy ont-ils négocié leurs excellentes mesures ? Entre eux, pour sauver le sommet de Copenhague, pour contenter leur électorat. Obama négocie avec la Chine le besoin de trouver un meilleur équilibre entre importateurs et exportateurs, débiteurs et créanciers, afin de garantir la reprise de l’économie mondiale. Que fait l’Europe pour résoudre ce même problème ? On parle de plus en plus de pénaliser les importations chinoises.

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3. Le président américain veut également débattre avec les Européens d’un meilleur équilibre entre la dette et l’épargne mondiales. C’est la teneur de la lettre qu’il a envoyée aux autres dirigeants du G20 à la veille du sommet. Il a multiplié les efforts pour convaincre Merkel de ne pas appliquer un rigoureux plan d’austérité à l’économie allemande. Certains prétendent que celui qu’elle a décidé de mettre en place est finalement moins dur que ce que l’on pourrait croire. Mais le président américain n’a pas obtenu la réponse qu’il souhaitait. L’Europe veut maîtriser le déficit et la dette (ce qui est une bonne chose), mais avec une équation où la croissance ne serait pas une variable, pour la simple raison que l’Allemagne, Chine européenne, ne veut pas favoriser une relance de l’économie par la consommation. La population des Etats-Unis est toujours plus jeune et continue de s'accroître, la population européenne vieillit et diminue. En acceptant ce piège démographique dans lequel elle est empêtrée, l'Europe accepte son déclin, qui à long terme, est inévitable. Personne ne voit l’Union européenne s’en inquiéter sérieusement et modifier en conséquence ses politiques d’immigration et de natalité avec la même ardeur que celle déployée pour faire respecter le Pacte de stabilité et de croissance (PSC).

4. L’UE continue sa route sans avoir une vision de son avenir qui lui permettrait de dépasser cette crise, hormis le châtiment sévère administré aux pays indisciplinés du sud et une logique monétariste basée sur les objectifs du PSC, lesquels ne sont pas seulement la lutte contre le déficit et la dette mais aussi contre l’inflation. Il n’y a pas, en somme, de nouvelle équation pour la croissance. C’est de la politique et, politiquement parlant, le ballet européen ne pourrait pas être plus confus.

UE/Etats-Unis

Austérité contre croissance

"L’Europe et les Etats-Unis se heurtent à la question des déficits à la veille du G20", résume El País. Tandis que pour Washington, la croissance est une priorité, Bruxelles – "dominée par l’Allemagne – plaide pour la rigueur budgétaire." Tandis que l’hypothèse d’une crise entre la Chine et les économies occidentales a été écartée suite à la décision de Pékin d’assouplir le taux de change du yuan, ”le bras de fer au G20 risque de se jouer entre les Etats-Unis et l’Europe”. A Bruxelles, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et celui du Conseil européen, Herman Van Rompuy, demandent une réduction drastique des déficits publics avant 2011 ; à Washington, Barack Obama a repoussé à 2015 son objectif de réduire le déficit de 3%, ”une fois que la croissance sera consolidée”. Selon le Financial Times, toutefois, l’opposition croissance-austérité est un faux débat : "En règle générale, les pays industrialisés ont besoin de jouer à la fois sur les ajustements fiscaux et sur une stimulation de la croissance à moyen terme", estime-t-il.

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