L'architecte Balthasar Neumann, qui figurait sur le billet de 50 marks, entouré de personnages d'autres anciennes monnaies nationales.

Le retour au mark serait un chemin de croix

Que se passerait-il si l’Allemagne quittait la zone euro ? L’économiste Gustav Horn de la fondation Hans Böckler – proche du milieu syndical – imagine les répercussions d’une sortie de la zone euro. L’eurosceptique le plus en vue d’Allemagne, Thilo Sarrazin, est également de la partie.

Published on 14 November 2012 at 16:01
L'architecte Balthasar Neumann, qui figurait sur le billet de 50 marks, entouré de personnages d'autres anciennes monnaies nationales.

Petit exercice intellectuel : que se passerait-il si l’Allemagne quittait la zone euro, comme le préconise par exemple le grand spéculateur George Soros ?

A la majorité des deux tiers, le Parlement allemand décide d’abandonner la monnaie unique et de réintroduire le mark. Seuls les Verts s’y opposent. Le taux de change est de un mark pour un euro. Le président de la Bundesbank quitte le conseil des gouverneurs de la BCE, une décision à effet immédiat.

Les marchés financiers et les marchés des changes sont les premiers à réagir au départ de l’Allemagne. Les liquidités affluent vers l’Allemagne, en provenance des autres pays de l’union monétaire. La nouvelle devise s’apprécie brusquement de 50 % sur l’euro. Un mark coûte désormais 1,50 €. Les placements réalisés en Allemagne voient leur valeur chuter fortement en euros. Dans le même temps, la valeur des garanties de l’Etat allemand destinées au fonds de sauvetage de la zone euro s’effondre. Dans un premier temps, les risques pesant sur les finances publiques sont moindres.

Décrochage des exportations

Quelque 200 économistes allemands applaudissent la liberté retrouvée de l’Allemagne. Thilo Sarrazin déclare que l’Allemagne n’a nul besoin de l’euro lors du talk-show politique en vue de Günther Jauch.

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Dans le reste de la zone euro, les marchés financiers sont en émoi. La BCE, qui a délocalisé son siège de Francfort à Paris juste après le départ de l’Allemagne, annonce des rachats illimités d’obligations. Ce faisant, les banquiers centraux restaurent rapidement le calme à la bourse. Dans le même temps, elle rachète – en euros – la quote-part de l’Allemagne au mécanisme européen de stabilité (MES). Or, en marks, celle-ci a perdu un tiers de sa valeur. Pour la Bundesbank, la perte a un goût amer. La dette publique allemande se met à gonfler.

Après avoir été soulagé quelques semaines d’avoir fui la crise, plusieurs grands constructeurs automobiles rapportent que leurs volumes de ventes dans le reste de la zone euro sont en chute libre. Les voitures allemandes coûtent trop cher pour les autres Européens. Les constructeurs recourent au chômage partiel et suppriment des postes.

Peu après, la confédération du patronat allemand annonce que l’économie allemande n’est plus compétitive et appelle les syndicats à la modération salariale. Un trimestre plus tard, le bureau fédéral des statistiques fait savoir que l’excédent du solde de la balance des paiements a fondu de moitié en raison du décrochage des exportations à destination des autres pays de la zone euro. Thilo Sarrazin déclare dans le talk-show politique en vue d’Anne Will que l’euro ne lui manque pas et que ses revenus ne se sont pas effondrés.

L'économie nationale marque le pas

Dans le reste de la zone euro, les pays en crise obtiennent un délai supplémentaire pour réduire la voilure. Parallèlement, les autres pays majorent leur contribution au MES afin de compenser la perte de l’Allemagne.

Le pacte budgétaire est suspendu et remplacé par un pacte de stabilité. Celui-ci astreint les pays à respecter certains objectifs en matière d’inflation, et donc à éviter les déséquilibres de la balance des paiements. Le MES est reconverti en Fonds monétaire européen (FME). Tout pays qui enregistre des excédents ou des déficits importants de sa balance des paiements doit céder au FME une partie des recettes fiscales provenant de son impôt sur le revenu.

Entre-temps, la balance des paiements allemande est revenue à l’équilibre en raison du recul sensible des exportations. La conjoncture allemande fléchit nettement. Les industries exportatrices sont en récession et sabrent largement dans la masse salariale. L’économie nationale commence à son tour à marquer le pas. A l’inverse, dans le reste de la zone euro, la situation économique se stabilise progressivement. Thilo Sarrazin déclare dans l’émission politique de Frank Plasberg que l’euro n’a rien à voir là-dedans.

Volkswagen fait savoir qu’il délocalise une grande partie de sa production dans d’autres pays de la zone euro. "Le mark allemand est trop faible pour notre production et nous avons besoin d’un taux de change plus stable". Le cours de VW monte en flèche. BMW et Daimler annoncent des plans de la même eau. Dans le secteur public, le plafonnement de la dette se traduit par des suppressions de postes sur fond de recul des recettes fiscales. Les négociations salariales débouchent sur une revalorisation des salaires de 0,5 %.

La Grèce et l'Espagne en plein essor

Un an après son départ de la zone euro, l’Allemagne traverse une récession profonde assortie d’une forte envolée du chômage. Entre-temps, la demande intérieure dévisse à son tour, les faibles hausses de salaires et les suppressions de postes pesant désormais sur la consommation. Dans le même temps, un nombre croissant d’entreprises annoncent des délocalisations de postes dans la zone euro, en Asie ou aux Etats-Unis. La place boursière de Francfort voit son influence nettement amoindrie au profit de la bourse de Paris. Les capitaux fuient à l’étranger. Le mark ne s’apprécie plus.

La zone euro s’est stabilisée et affiche toujours une croissance économique faible. Les exportations des pays en crise – à destination de l’Allemagne, notamment – sont en hausse. Volkswagen prévoit d’agrandir ses usines espagnoles et évoque la construction d’un nouveau site en Grèce.

Deux ans plus tard, la zone euro affiche une croissance nettement supérieure à 2 %. Pendant ce temps, les performances économiques de l’Allemagne sont au point mort et le chômage y demeure élevé. Quelque 200 économistes allemands publient un appel solennel à renforcer la compétitivité du pays. Le marché de l’emploi allemand manque de souplesse, clament-ils, les salaires sont trop élevés, et les prestations sociales trop généreuses. La Grèce et l’Espagne sont en plein essor, quand l’économie allemande est à la traîne, écrivent-ils deux ans après le départ de la zone euro.

Thilo Sarrazin déclare dans le talk-show politique de Maybrit Illner : "Je n’ai jamais préconisé de sortir de l’euro, mais on peut tout de même dire que nous n’avons pas besoin de l’euro".

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