José Manuel Barroso est candidat à sa propre succession à la tête de la Commission européenne.

Barroso, toujours là

Réunis à Bruxelles les 18 et 19 juin, les dirigeants européens devraient soutenir la reconduction de José Manuel Barroso à la tête de la Commission. Le Portugais est pourtant loin de faire l’unanimité. La preuve par ce portrait à charge du Guardian.

Publié le 17 juin 2009 à 15:13
José Manuel Barroso est candidat à sa propre succession à la tête de la Commission européenne.

Dans les semaines qui viennent, tout Bruxelles ne devrait bruire que d'un seul sujet de conversation: l'emploi. Rien à voir avec la triste litanie de licenciements dont les journaux du monde entier nous abreuvent ces temps-ci. Ce ne seront que les caquetages d'une clique d'hommes - ainsi qu'une ou deux femmes – fades, surpayés et arrogants, obnubilés par l'idée de préserver leurs privilèges.

Les spéculations sur l'avenir de José Manuel Barroso devraient aller bon train maintenant qu'il s'est officiellement déclaré candidat à sa propre succession pour la présidence de la Commission européenne. L'intéressé a souligné que le renouvellement de son mandat était soumis à l'approbation des gouvernements et des députés européens, mais je serais surpris que ses ambitions suscitent une grande opposition. Et c'est bien dommage.

Ses partisans laissent entendre qu'il jouit d'une sorte de mandat naturel au prétexte qu'il est membre d'un parti de centre-droit et que c'est ce camp qui a emporté une majorité de sièges lors des dernières élections. Pourtant, le nom de Barroso ne figurait sur aucun des bulletins de vote proposés aux électeurs des vingt-sept pays membres. Et, à ma connaissance, aucun candidat n'a fait campagne en disant qu'il fallait voter pour lui afin de faire réélire Barroso à la présidence de la Commission.

Loin de faire l'unanimité auprès des électeurs, Barroso a été très sévèrement critiqué chaque fois que les citoyens européens ont eu l'occasion de se prononcer sur sa politique. Après le rejet par la France et les Pays-Bas du projet de constitution européenne qu’il défendait, Barroso a manigancé avec les chefs d'Etat et de gouvernement afin de le présenter à nouveau sous la forme du traité de Lisbonne. Il y a tout juste un an, celui-ci a été rejeté par l'Irlande, le seul pays ayant soumis son approbation à un référendum populaire. Mais Barroso refuse d'accepter le "non" irlandais et réclame la tenue d'un second vote.

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Ne serait-ce qu'à cause de son mépris des pratiques démocratiques, Barroso mériterait d'être chassé sans autre forme de procès. A l'heure où les difficultés économiques et écologiques mondiales exigent abnégation et créativité, Barroso s'est entouré des représentants d'une orthodoxie discréditée et d'une rapacité incalculable. Pour l'aider à sortir de la crise financière, il a fait appel à Callum McCarthy, ancien président de la Financial Services Authority [autorité chargée de réguler les services financiers au Royaume-Uni], lequel qualifiait de "réaction irrationnelle" les appels lancés en 2007 pour un contrôle plus étroit des marchés financiers. Pour lutter contre le réchauffement climatique, Barroso a recruté Peter Sutherland, dont la société, British Petroleum, figurait en 2005 parmi les dix entreprises les plus mal notées dans le monde en matière de protection de l'environnement.

Barroso n’a jamais cessé de faire passer les profits des entreprises avant le bien commun. Non content d'essayer d'ouvrir à la concurrence la fourniture de certains biens et services essentiels, Barroso a aussi intrigué avec Peter Mandelson afin d'obliger les pays pauvres à accepter des accords commerciaux désastreux pour leur économie. Il a également défendu la production d'organismes génétiquement modifiés et a tenté de faire autoriser sur le marché des milliers de produits chimiques sans tests sanitaires préalables.

Il y a cinq ans, Barroso a dû renoncer à faire nommer Rocco Buttiglione au poste de commissaire européen à la Justice devant le tollé des députés européens, indignés par l'homophobie de ce dernier. Barroso s'était alors engagé à accorder une attention particulière au respect des droits fondamentaux des citoyens. Pourtant la Commission n'a cessé de tergiverser pour l'adoption de nouvelles lois anti-discrimination. Sa politique en matière d'immigration et de droit d'asile s'inspire de la droite radicale et soutient l'emprisonnement jusqu'à 18 mois des demandeurs d'asile ayant vu leur requête rejetée.

Par ailleurs, Barroso n'a toujours pas fourni d'explication satisfaisante sur la participation du Portugal au programme d'emprisonnement et de torture de la CIA (pudiquement baptisé "programme de reddition extraordinaire") à l'époque où il était Premier ministre. Les militants pacifistes, en outre, ne lui pardonneront jamais d'avoir organisé le sommet des Açores en 2003, au cours duquel George W. Bush et Tony Blair ont mis la touche finale à leur plan d'invasion illégale de l'Irak qui a le mis le pays à feu et à sang.

Les députés européens nouvellement élus à Strasbourg ont fait d'innombrables promesses sur leur détermination à défendre les intérêts des citoyens. S'ils pensaient vraiment ce qu'ils disaient, ils devraient maintenant relever Barroso de ses fonctions.

CONTREPOINT

D'abord un pragmatique

"J'ai plusieurs fois eu l'occasion de m'entretenir avec José Manuel Barroso", écrit le bloggeur Konrad Niklewicz, ancien correspondant à Bruxelles de Gazeta Wyborcza. "Sur les bases de ces conversations, je peux affirmer que Barroso est d'abord un pragmatique. Ce n'est pas un visionnaire mais plutôt quelqu'un qui change ses plans en fonction de la possibilité d'emporter l'adhésion sur tel ou tel projet. S'il voit que la majorité des gouvernements est contre lui, il refuse de se jeter à l'eau. Il botte en touche. C'est pour cette raison que Barroso ne sera jamais un nouveau Jacques Delors. Ni un Jacques Santer non plus - il ne risque pas de plonger la Commission européenne dans des problèmes politiques. Somme toute, il pourrait se révéler un pas si mauvais président, à un moment où les Etats-membres ont repris du pouvoir sur Bruxelles. 'Je suis un réformiste pas un révolutionnaire; un centriste pas un fondamentaliste du libre marché', dit-il de lui même. Mias il n'est pas à l'aise sur le devant de la scène. C'est une de ses faiblesses. A chaque fois que les commissaires souhaitent lancer une réforme favorable aux consommateurs et soutenue par les mouvements nationaux, Barroso est le premier à parler en conférence de presse. Mais quand la Commission doit annoncer une réforme impopulaire, il est soudainement absent."

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