Partenaire ou paria ? Un portrait du président biélorusse Alexandre Loukashenko, tenu par un vétéran de la Seconde guerre mondiale lors d'une cérémonie, à Minsk.

En attendant un miracle à Minsk

Face à l'absence de progrès de la démocratie en Biélorussie, Bruxelles a changé de stratégie vis-à-vis de son autocratique leader. Aux pourparlers directs avec Alexandre Loukashenko, elle associe à présent des contacts avec la société civile biélorusse.

Publié le 17 août 2010 à 08:32
Partenaire ou paria ? Un portrait du président biélorusse Alexandre Loukashenko, tenu par un vétéran de la Seconde guerre mondiale lors d'une cérémonie, à Minsk.

Depuis près de 10 ans, Bruxelles tente, à coup de sanctions, de mettre au pas le régime autoritaire de Minsk. Elle a ainsi refusé de délivrer des visas à des hauts représentants biélorusses, exclu le pays des partenariats internationaux, entravé ses échanges commerciaux et soutenu l’opposition démocrate. Sans résultats. L’Union européenne a donc décidé, il y a deux ans, d’adopter une nouvelle stratégie. Dans le cadre du Partenariat oriental qui lie l’UE à six anciennes républiques soviétiques, Bruxelles a établi des contacts directs avec le régime de Minsk.

Dans un même temps, elle a décidé de ne plus miser autant sur l’opposition politique. Désormais, elle apporte également son soutien à des organisations non gouvernementales, ainsi qu’à des associations et des initiatives. Reste à savoir si cette politique portera ses fruits. On peut en effet se demander si le fait de nouer des contacts directs avec le gouvernement autoritaire ne contribue pas plutôt à stabiliser le régime. Et si l’Occident ne ferait pas mieux, à l’image de la politique autrefois mise en œuvre par l’ancien président américain Ronald Reagan vis-à-vis de l’empire soviétique, de maintenir une main de fer dans ses relations avec la Biélorussie.

"Loukachenko mène l’UE par le bout du nez"

"Pour moi, il s’agit purement d’une politique de l’apaisement", affirme Andreï Sannikov à propos des récents changements. Parmi les nombreux dissidents qui, à l’approche des élections présidentielles de cet hiver, entendent se présenter contre l’actuel président Alexandre Loukachenko, Sannikov est un des plus grands partisans de l’UE. Avec son mouvement civique Biélorussie européenne, il va jusqu’à prôner une adhésion à l’UE pour son pays. Et si sur le principe il est favorable au Partenariat oriental, il se dit fortement préoccupé par le fait que l’UE a cessé de faire pression sur le gouvernement de Loukachenko : "Bruxelles aurait dû adopter une position dure et exiger du gouvernement de Minsk qu’il remplisse d’abord ses obligations intérieure". Sannikov estime que "Loukachenko mène l’Union européenne par le bout du nez".

En 2008, l’UE a conditionné une attitude bienveillante de sa part à l’égard de la Biélorussie au respect de cinq exigences : l’abolition de la peine de mort, la tenue d’élections démocratiques, la garantie de la liberté de la presse, la fin des brimades infligées aux organisations non gouvernementales et la libération de tous les prisonniers politiques. Il a semblé un moment que les choses allaient changer. Minsk a libéré les dissidents politiques, des journaux interdits depuis des années sont réapparus dans les kiosques et la réforme de la loi électorale a un peu facilité l’émergence de candidatures d’opposition. Mais ce printemps politique a été de courte durée. Les élections municipales qui ont suivi n’ont rien eu de démocratique. Pour les ONG, la liberté en Biélorussie ne représente aujourd’hui qu’un doux rêve.

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Democratisation dans le brouillard

Pour Sannikov, candidat déclaré à l'élection présidentielle, "non seulement le dialogue engagé avec le dictateur n’a été d’aucun effet sur l’état des libertés publiques en Biélorussie, mais surtout la nouvelle ligne politique de l’UE a fortement nui à l’opposition biélorusse".

Au sein même de l'Europe, les avis divergent sur l'attitude à adopter à l'égard de Loukachenko. Tandis que l’Allemagne, la Suède, la Finlande ainsi que les quatre pays du groupe de Visegrad [Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie] prônent traditionnellement une attitude plus conciliante à l’égard de Minsk, le Parlement européen a adressé en mars à ce dernier un avertissement, le menaçant de réintroduire les sanctions mentionnées plus haut en cas de nouvelle violation des droits de l’homme. Mais comme tendent à le montrer de nombreux indicateurs, il apparaît en fait que l’on ne pourra éviter de traiter avec le régime en place si l’on espère voir naître un jour une Biélorussie démocratique.

La Russie tentera par tous les moyens d'empêcher que la Biélorussie devienne membre de l'OTAN et de l'UE. Elle soutiendra donc, autant que possible, Loukachenko. Toujours est-il que même si le pays connaît une dégradation de sa situation économique, il n’est nullement certain que l’on assistera automatiquement à la chute du régime et à la démocratisation du pays. Rien ne permet de savoir quelle politique de l'Occident saura le mieux conduire rapidement à une démocratisation de la Biélorussie. Car comme le dit le sociologue Oleg Manaïev à propos de la fin du communisme en Europe orientale : "Dans une large mesure, ce fut en fait un miracle".

Diplomatie

Entre deux chaises

Pour Minsk, le rapprochement avec ses deux voisins – la Russie et l’UE – tourne au casse-tête : alors que Bruxelles multiplie les efforts pour émanciper la Biélorussie de l’influence russe, Moscou cherche à garder l’ancienne république soviétique dans son giron, explique EUobserver. Ainsi, récemment, le président biélorusse s’est dit prêt à reconnaître l’indépendance des républiques autoproclamées d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Mais, alors que selon le président russe Dmitri Medvedev, Loukashenko a "promis solenellement" de reconnaître les deux enclaves russophones en Géorgie, théâtre d’une guerre-éclair en 2008, ce dernier affirme qu’il a clairement posé ses conditions, demandant à ce que la Russie compense Minsk pour les inévitables conséquences négatives d’un tel geste sur les relations avec l’UE.

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