Merkel nous protège du mur budgétaire

A Washington, les négociations pour éviter une crise budgétaire montrent à quel point la politique américaine est court-termiste. Elles montrent aussi qu'en dépit de sa gestion controversée de la crise de l'euro, la chancelière allemande est assez sage pour défendre des solutions de long terme.

Publié le 3 janvier 2013 à 16:16

Pour reprendre une formule rendue célèbre par l’historien américain Robert Kagan, “les Américains viennent de Mars et les Européens de Vénus”, quand il s’agit de traiter de la santé budgétaire sur le long terme.

Pour braver le supposé “mur budgétaire”, les meilleurs politiciens de Washington n’ont pas réussi à trouver mieux qu’un accord rudimentaire et minimaliste, ce qui prouve que les États-Unis ne cherchent pas réellement à résoudre leur déficit budgétaire sur le long terme.

La raison principale de cet échec n’est pas le clivage entre les partis politiques (même si c’est ce qu’on entend souvent). Quel que soit leur camp, les Américains ne prennent tout simplement pas au sérieux la santé financière de leur pays.

Des mesures modestes

Comment expliquer autrement que le seul moyen de faire accepter aux politiciens de Washington quelques mesures modestes d’austérité budgétaire pour assurer une bonne santé financière à l’avenir, était de les convaincre – grâce à des stratagèmes comme le “mur budgétaire” – qu'ils devaient s’attendre à davantage d’austérité s’ils refusaient de prendre une petite dose du remède budgétaire dès maintenant.

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Si Barack Obama et le Congrès souhaitaient réellement résoudre le problème du déficit budgétaire aux Etats-Unis, ils se seraient empressés de sauter par dessus ledit “mur budgétaire” pour assumer les restrictions budgétaires et les hausses d’impôts, au lieu de marchander sans relâche pour essayer de le contourner.

Cette situation est à l’opposé de ce qui se passe en Europe, où Angela Merkel est la première à monter au créneau pour imposer une discipline difficile à avaler dans l’immédiat, mais qui promet des bénéfices à long terme.
Les Keynésiens et tous ceux qui veulent soutenir l'offre plutôt que la demande ne sont pas d’accord, mais la chancelière reste sur ses positions : pour elle, l’Europe ne renouera pas avec la prospérité et une croissance durable si elle ne met pas d’abord de l’ordre dans ses livres de comptes. De façon créative, elle se sert des fonds de son pays pour instaurer le règne allemand qu’elle souhaite pour l’Europe.
Sans oublier qu’elle s’est montrée suffisamment maligne et courageuse pour adopter le rachat d’obligations devant stabiliser le marché – un mécanisme proposé par Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne – alors même que la Bundesbank s’y opposait fermement. Pour toutes ces raisons, elle mérite à mes yeux d’être nommée la personne de l’année en Europe.

Tsunami sur l'économie mondiale

Par ailleurs, les investisseurs doivent aussi noter que 2013 sera probablement l’année où les marchés commenceront à se rendre compte que “le peuple venu de Vénus” est sur la bonne voie, alors que les “Martiens” ont tort. Les Américains cherchent à appliquer un cataplasme sur une jambe de bois, contrairement aux Européens.
Cette stratégie met toutefois en danger les deux continents. L’incapacité de Washington à s’attaquer aux problèmes budgétaires à long terme pourrait déclencher un tsunami sur l’ensemble de l’économie mondiale. Nous vivons dans un monde où tout est interconnecté, de sorte que “le peuple de Vénus” pourrait subir de graves revers si les “Martiens” ne s’occupent pas de leurs affaires.
Une flambée du marché obligataire américain pourrait provoquer des dégâts considérables à la fois aux Etats-Unis et en Europe (sans parler de l’Asie).
Les problèmes de santé financière américains sont en partie le fait de la Réserve fédérale, dont les mesures d’assouplissement budgétaire ont permis –intentionnellement ou non – aux politiciens de reléguer au second plan les questions de déficit à long terme.
Pourquoi se donner la peine de mettre en place de douloureuses réformes fiscales pour protéger la dette souveraine, quand l'acquisition sans conditions d'obligations américaines par la banque centrale fait le travail ? La BCE exige des réformes avant de dépenser un euro de plus pour le rachat d’obligations.
Le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, serait sans aucun doute peu disposé à l’admettre, mais les mesures d’assouplissement budgétaire ont contribué à remiser les réformes budgétaires américaines.

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