Manifestation de l' English Defence League à Newcastle, en mai 2010

La nouvelle vague de l’extrême droite

L’English Defence League (EDL), qui rassemble notamment des Sikhs, des juifs et des homosexuels hostiles aux musulmans, s’associe à d’autres mouvements européens représentant une nouvelle vague d’extrémisme de droite sur le continent. Ces militants ont prévu de défiler en octobre à Amsterdam pour défendre leur héros, le xénophobe, Geert Wilders.

Publié le 1 septembre 2010 à 11:48
Gavin Lynn  | Manifestation de l' English Defence League à Newcastle, en mai 2010

L’English Defence League est une milice anti-musulmans essentiellement composée de hooligans qui, depuis quelques années, fait régulièrement la une des journaux britanniques après des manifestations souvent violentes. Le mouvement a prévu un rassemblement de soutien à Geert Wilders, l'homme politique néerlandais célèbre pour ses positions anti-immigration, en octobre à Amsterdam, où devraient également se rendre la Ligue française de défense et la Dutch Defence League [la ligue néerlandaise] – récemment inspirées du modèle britannique – ainsi que divers militants anti-islamistes venus de toute l’Europe.

Fondée en 2009, l’EDL a organisé plus d’une dizaine de défilés et manifestations, souvent mouvementés, dans plusieurs villes du Royaume-Uni. Leurs rassemblements, qui n’attiraient que quelques centaines de personnes à la fin de l’année dernière, en comptent désormais plusieurs milliers. Le 28 août dernier, leur manifestation à Bradford, dans le Yorkshire de l’Ouest, où vit la seconde plus grande communauté sud-asiatique du Royaume-Uni, a mal tourné lorsque des militants ont commencé à se heurter aux forces de police et à lancer des briques, des bouteilles et des fumigènes sur leurs opposants anti-racistes. Les médias avaient alors rapporté l’arrestation de treize personnes.

Une tendance très inquiétante du paysage extrémiste

Pour les associations de défense anti-racistes, la progression de l’EDL est une des tendances les plus inquiétantes dans le paysage extrémiste britannique depuis les années 70 et l’époque du National Front, un parti néo-nazi prônant ouvertement la suprématie des Blancs. Le mouvement semble aujourd’hui s’exporter avec un certain succès sur le continent en mêlant ses attaques contre les musulmans à des rassemblements violents et en essayant de recruter parmi les hooligans des stades de foot en programmant ses manifestations les jours de match.

Distincte de la droite dure traditionnelle, l’EDL - issue à l’origine de la sous-culture violente du football - s’affiche comme un mouvement multi-ethnique hostile aux musulmans et dont la rhétorique rappelle davantage celle des néo-conservateurs anti-musulmans que la nostalgie du nazisme qui caractérise d’autres formations extrémistes.

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"Les membres de l’English Defence League sont conscients de cette menace qu'est l’immigration musulmane et qu’il faut contrer à tout prix. Tous nos amis chrétiens, juifs, sikhs et hindous ont une expérience de l’impérialisme islamique", peut-on lire dans la rubrique "Exposing the myth" de leur site Internet. L’un de leurs chefs, Guramit Singh, est un sikh né au Royaume-Uni.

A l’instar de Geert Wilders, Guramit Singh soutient activement Israël et maintient deux "divisions" - juive et LGBT (Lesbiennes, Gay, Bisexuels et Transgenres) – tout en militant pour l’interdiction des mosquées et de la burqa. Lors d’un rassemblement à Bolton [Grand Manchester] en mars dernier, l’un des participants arborait un triangle rose au milieu des panneaux et bannières anti-islam. La division LGBT du mouvement compte actuellement 107 membres.Symbole ordinairement frappé d’anathème par les groupes traditionnels antisémites, le drapeau israélien est devenu une figure récurrente des rassemblements de l’EDL. D’après le Jewish Chronicle, la division juive du mouvement avait attiré plusieurs centaines de membres sur sa page Facebook avant sa récente suppression.

Tout comme d’autres formations européennes qualifiées par les associations de défense civile d’ "extrémistes light", tels que le mouvement de Geert Wilders, le People’s Party néerlandais et celui de feu Pim Fortuyn, certains membres de l’EDL tentent de se distancier des "néanderthaliens adorateurs d’Adolf", pour reprendre la formule de leur site Internet. Si l’EDL n’est pas ouvertement "fasciste" ou néo-nazie, les observateurs de la société civile reconnaissent qu’elle garde néanmoins des liens avec l’extrême droite traditionnelle.

Des membres difficiles à cerner

Toutes les manifestations organisées par l’EDL l’année dernière – à l’exception de deux – se sont conclues par des arrestations. Les défilés du groupe comportent souvent des slogans anti-musulmans et virent fréquemment à la violence. Lors d’un rassemblement à Dudley [West Midlands], en juillet dernier, un temple hindou a été pris pour cible par les militants ainsi que plusieurs commerces, restaurants, maisons et voitures. Il n’est pas facile d’évaluer l’importance du mouvement, ses membres étant difficiles à cerner et nous ne disposons d’aucun chiffre sur ses filiales à l’étranger. Le mouvement se vante de compter des milliers de partisans. Selon les estimations de la police, ils étaient entre 1500 et 2000 à défiler dans les rues de Newcastle upon Tyne, en mai, pour l’un des plus gros rassemblements du mouvement.

La manifestation à Amsterdam devrait avoir lieur le 30 octobre prochain, peut-on lire sur le site Internet. Le procès de Geert Wilders pour incitation à la haine raciale devrait s’ouvrir le 5 octobre et le verdict est attendu pour le 2 novembre. Sur place, les membres de l’EDL devraient être rejoints par ceux des nouvelles Dutch Defence League et de la Ligue française de défense, calquées sur le modèle anglais. La Ligue française de défense, fondée en mai, s’est récemment rebaptisée Ligue 732, en référence à un groupe de supporteurs du Paris Saint Germain souhaitant "rassembler tous les ‘casuals’ [supporters de football parmi les plus violents], les ultras et les supporters français contre l’islam radical". Le chiffre 732 fait référence à l’année où Charles Martel, grand-père de Charlemagne, mit un terme à l’avancée des Arabes lors de la bataille de Poitiers.*

Des partisans du "mouvement anti-djihad" venus d’Allemagne, de Belgique, de Suisse et "d’autres pays européens" devraient rejoindre l’EDL à Amsterdam pour lancer le projet de "European Defence League", également baptisée avec plus d’optimisme "European Friendship Initiative" [Initiative européenne de l'amitié], déclare M. Steve Simmons, le porte-parole de l'EDL. "Vous savez peut-être que le grand Geert Wilders va comparaître en justice pour incitation à la haine raciale, poursuit-il. Nous avons le sentiment que la liberté de parole est bafouée et que l’on cède énormément à l’islam et aux musulmans radicaux. Geert a le courage de se saisir de ce problème et nous voulons lui montrer notre soutien." "Nous voulons en faire une sorte de célébration avec de quoi boire, de quoi manger et de quoi se divertir, plutôt qu’une manifestation", dit-il ensuite en tentant de minimiser la réputation sulfureuse de l’EDL. D’après lui, plusieurs soldats allemands, néerlandais et britanniques ayant rejoint l’Armed Forces Unite (issue du groupe Facebook Armed Forces Defence League ouvert par des soldats et marines favorables à l’EDL) devraient profiter de leur repos pour aider la police néerlandaise à éviter tout débordement.

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