"J'aime la culture européenne."

Un soupir pour Košice

Avec Marseille, Košice partage cette année le titre de Capitale européenne de la culture. Un titre que les Slovaques abrègent sous le sigle “EHMK” qui évoque plus un soupir qu’un événement culturel de haut vol, note sur place un critique musical slovaque.

Publié le 18 janvier 2013 à 16:38
"J'aime la culture européenne."

Depuis le 1er janvier, la ville de Košice porte le titre de Capitale européenne de la Culture — “Európske hlavné mesto kultúry” en slovaque. Un titre compliqué que l'on remplace le plus souvent par l’abréviation EHMK. Prononcé “Ehmk”, le mot semble sorti tout droit d’un lexique de langage informatique. Il peut aussi s'entendre comme un soupir ... Ehm ... Košice !

Košice n’est pas une ville ordinaire. Tout d’abord, elle est, après Bratislava, la seule véritable ville de Slovaquie. Véritable ville dans le sens où vous n’avez pas l’impression, après 18 heures, de vivre dans un musée abandonné et où vous pouvez aller assister, le même soir, à un concert de jazz, à la première d’un opéra ou à une techno party. Une ville, qui non seulement a un visage, mais aussi une odeur et une vibration particulières.

Relative harmonie

Mais ce n’est pas tout. Košice n’est pas une ville slovaque à proprement parler. Non pas que vous ne puissiez pas vous y faire comprendre si vous parlez slovaque. Mais elle est en fait une [ancienne] ville du Royaume de Hongrie, une ville cosmopolite. On y trouve très facilement des troquets où l’on vous sert le kotyogó, un fort café hongrois, et où la qualité des restaurants dépasse de loin la moyenne nationale.

C’est une ville dans laquelle les gens vont encore se promener sur la Place principale et où vivent ensemble, dans une relative harmonie, Slovaques, Hongrois et Tchèques (Košice est la ville de Slovaquie qui accueille quasiment le plus grand nombre de Tchèques, grâce à ses usines sidérurgiques et son école d’aviation militaire). Et malgré tous les efforts d’ingénierie sociale possibles et imaginables, des Roms vivent toujours dans le centre-ville, pas seulement dans les tours du quartier Luník IX [situé au sud-ouest de la ville], le plus connus des ghettos Roms en Slovaquie. Seuls manquent ici les Juifs. Ils ont laissé quatre synagogues, deux cimetières et un genius loci, un esprit du lieu, que peuvent encore percevoir les personnes sensibles.

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Explosifs factices

On parle, dans le cadre de l’attribution du titre de Capitale européenne de la Culture à Košice, de renforcement de la culture locale, de soutien apporté aux industries de la création artistique et de l’utilisation des fonds européens pour le développement des infrastructures culturelles. Mais le projet accumule les bourdes.

Et cela ne s’explique pas seulement par la mise à l’écart de Zora Jaurová, la talentueuse (et ambitieuse) responsable culturelle et cofondatrice du projet, ou par les nouvelles qu’apportent, presque quotidiennement, les journaux sur diverses suspicions entourant le projet et les pressions qui s’exercent en coulisse. Il y a en fait un autre problème bien visible.

Les 19 et 20 janvier prochains, sera lancé en grandes pompes le projet EHMK. L’installation du groupe d’artistes de Košice, Kassaboys, devait faire partie du “compte à rebours” de l’évènement. Ses membres ont disséminé dans le centre-ville des explosifs factices accompagnés d’extraits de journaux relatifs à la corruption d’élus locaux qu’ils ont dotés d’un compte à rebours version James Bond. Mais lors des fêtes de Noël, quelqu’un a “modifié” l’installation, afin de rendre illisibles les noms cités dans les articles de journaux.

Cerise sur le gâteau

La ville a ensuite diffusé le programme de la cérémonie d’ouverture. Le groupe britannique Jamiroquai en sera l’acteur principal (bien que personne n’ait encore réussi à faire le lien entre Košice et lui, dont les plus grandes heures de gloire remontent à la première moitié des années 90). Et parce qu’il n’est pas en tournée actuellement, les frais du concert ont été revus à la hausse. Pas de soucis, l’argent n’est pas un problème pour EHMK. Il a versé 250 000 euros à l’organisateur. Cerise sur le gâteau, Anna Gaja, chanteuse bien connue pour ses clips osés devrait également être de la fête. Soit dit en passant, elle est l’épouse du maire de Košice-nord.

Bien sûr, le projet EHMK propose un grand nombre d’évènements culturels de qualité et peut-être même que certains des investissements réalisés dans les infrastructures artistiques se révèleront utiles. Košice survivra. Mais tout de même, tout cela est un peu bizarre. Ehm ... Košice !

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