La médiation coupable-victime est-elle une solution ?

Ce 1er février entre en vigueur la loi qui introduit une médiation pour les cas qui relèvent du pénal, allant du vol jusqu'au viol. Le but — désengorger les tribunaux et favoriser l’apaisement social — risque toutefois d’être manqué en raison d’une trop grande marge d’interprétation du texte de loi.

Publié le 1 février 2013 à 12:53

Comme l'on pouvait s'y attendre, la loi proposée par la libérale Alina Gorghiu a soulevé une vague de protestations dans la société civile et dans les médias, qui ont qualifié la proposition d'"aberrante". Or le problème n'est pas que la nouvelle loi permette d'"acheter" son innocence et mette un prix sur le viol. Ni qu'elle soit taxée d’inconstitutionnalité.

Le vrai problème de cette loi est son caractère obligatoire, sur lequel une ambigüité demeure : Alina Gorghiu dit que "la victime n'est nullement tenue à un entretien d'information ni à une médiation" alors que la porte-parole du Conseil National de Médiation soutient que l'entretien d'information sera obligatoire.

Faciliter la réintégration des victimes

Partir du principe que l’on sait mieux que la victime ce qui est bon pour elle ouvre la voie à tous les abus. D'un autre côté, celui d’une médiation entre la victime et l'agresseur vient de ce que l'on appelle la “restorative justice” (RJ, justice réparatrice), qui se propose d'impliquer plus les citoyens que l'Etat dans la bonne marche de la justice. Dans un face-à-face entre la victime et l'agresseur, l'accusé admet sa culpabilité et la victime demande ce qu'elle croit bon pour compenser le préjudice subi. Si en Roumanie la victime peut demander des excuses ou de l'argent, aux États-Unis elle peut prétendre à plus, comme le déménagement de l'agresseur dans un autre quartier.

Certaines études montrent que ce type de justice facilite la réintégration des victimes dans la société qui ont plus souvent le sentiment d'avoir obtenu une réparation juste. Par ailleurs, le taux de récidive des agresseurs baisse.

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Pas de médiation forcée

Le viol en lui-même représente un outrage à la volonté d’autrui : une personne en soumet une autre, sans son consentement. Il est étonnant que, tout en le sachant, on choisisse de contraindre encore une fois la victime à subir des procédures diverses. Tout ce que l'on risque, c'est d'accentuer davantage le déséquilibre entre agresseur et agressé, alors qu’il devrait s’agir d'aider le plus faible. Quiconque propose une médiation obligatoire oublie le rôle de l'Etat qui se doit de protéger le citoyen et de respecter sa liberté.

Par ailleurs, la recommandation du Conseil de l'Europe concernant la nouvelle loi stipule qu'il faut mettre à la disposition de la victime l'option de la médiation, mais qu'il ne faut en aucun cas la forcer à y recourir.

Les discussions autour des amendements de la loi sur la médiation sont emblématiques du niveau des débats publics en Roumanie. Les journalistes sont habitués à ce que les décideurs pondent des lois aberrantes, donc ils critiquent. Et le plus grave est que nous nous retrouvons avec une loi interprétable. Les bonnes intentions sans conséquences équivalentes deviennent plutôt nuisibles.

Point de vue

Une loi compatible avec la mentalité roumaine ?

"Nous devons réfléchir à la manière dont la société roumaine pourra accepter une telle loi, et si elle correspond à la mentalité de ce peuple", affirme, dans une tribune publiée par l'hebdomadaire économique Capital, l'avocat Andrei Nistor.
Avec une once de scepticisme, l'avocat pense que "la médiation telle quelle a besoin d’un fort soutien[de la part de l’opinion publique]pour faire son chemin dans un système très rigide". Selon lui, cette loi "devrait néanmoins apporter quelques réels progrès en ce qui concerne le blocage du système judiciaire". Des actions de divorce, comme de partage, pourraient être par exemple résolues plus rapidement, ajoute-t-il.

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