Des membres de Start-up Sauna lors d'une interview pour l'émission de télévision sur Internet "Date with Hermione"

Un seul mot d’ordre : innovation !

La dépendance au géant de la téléphonie mobile Nokia, c'est du passé : la Finlande a choisi de diversifier son économie et de mettre les start-ups au coeur de son avenir. Le prochain défi sera de garder les jeunes entrepreneurs au pays.

Publié le 5 février 2013 à 16:11
The Next Web  | Des membres de Start-up Sauna lors d'une interview pour l'émission de télévision sur Internet "Date with Hermione"

En 2010, un groupe d’étudiants de l’université d’Aalto, dans les environs d’Helsinki, en Finlande, a lancé le projet le plus constructif jamais réalisé dans l’histoire du militantisme universitaire. Durant une visite au Massachusetts Institute of Technologyy (MIT), aux Etats-Unis, ils s’étaient laissés convaincre par le pouvoir de l’entreprenariat. De retour au pays, ils ont organisé un “été des start-ups” pour défendre l’idée que l’avenir de la Finlande réside plus dans les jeunes entreprises que dans les vieux mastodontes de l’économie. L’été des starts-ups s’est transformé en une saison d’innovation.
Le “Start-Up Sauna”, un accélérateur d’entreprise toujours géré par de jeunes passionnés mais désormais financé par l’Etat, le monde des affaires et l’université, occupe un entrepôt désaffecté proche du campus. Il propose une large gamme de services : locaux, formation de jeunes entrepreneurs, voyages d’études à la Silicon Valley et de nombreuses possibilités de tisser des réseaux (notamment dans le cadre des multiples sections - ou saunas).

Dangereuse dépendance

Les “Sauna-mestres” ont une conception révolutionnaire de l’entreprenariat. A leurs yeux, l’innovation ne se limite pas aux technologies de pointe, et le Sauna ne néglige ni le design, ni les usines de tricot. Ils reconnaissent l’importance de combler le fossé entre l’ingénierie et la conception. Pour eux, promouvoir l’entreprise, ce n’est pas seulement apporter des capitaux, c’est également changer la culture. Ils s’intéressent autant à la Russie et aux Etats baltes qu’à Boston ou à San Francisco.
La révolution étudiante s’inscrivait dans une réflexion plus large sur les relations entre l’Etat et les entreprises. Elle avait commencé en 2008, en même temps que la réforme des universités (et la création d’Aalto) lancée par le gouvernement dans le but de favoriser l’innovation. Mais elle a connu un coup d’accélérateur avec les ennuis de Nokia. La Finlande était devenue dangereusement dépendante d’une seule entreprise. En 2000, le géant des télécommunications a ainsi contribué à hauteur de 4 % au PIB national. Le gouvernement voulait rendre aussi moins douloureux que possible le déclin du géant de la téléphonie mobile et s’assurer que la prospérité du pays ne repose plus jamais sur une seule firme.
Les Finlandais ont mis sur pied une agence de l’innovation et de la technologie, Tekes, dotée d’un budget annuel de 600 millions d’euros et d’un effectif de 360 personnes. Ils ont également créé un fonds de capital-risque, Finnvera, qui a pour vocation de débusquer de toutes jeunes entreprises pour les aider à s’établir. La clé de voûte de leur système en faveur de l’innovation est constituée par un réseau d’accélérateurs d’entreprise, financés conjointement par l’Etat et le secteur privé, et dont le champ de compétence s’étend à tous les grands secteurs d’activité. Dans ces structures, les entreprises à fort potentiel de croissance trouvent conseils et soutien de la part d’hommes d’affaires expérimentés et d’investisseurs providentiels (“business angels”).
Résultat, la Finlande est devenue un pays bien plus favorable à l’entreprise et au marché. Elle a connu un nombre impressionnant de créations d’entreprise, dont 300 financées par des salariés de Nokia. Microtask se spécialise dans la sous-traitance du travail administratif et Zen Robotics dans le recyclage automatisé. Valkee fabrique un appareil qui permet de remonter le moral, au moyen d’une lumière vive projetée dans le canal auditif. Le pays s’est également constitué un arsenal technologique avec, par exemple, un blog spécialisé (Arctic Startup) et un nom calqué sur celui de la Silicon Valley (Arctic Valley). Il est désormais de bon ton de prétendre que la déconfiture de Nokia représente “la meilleure chose qui soit jamais arrivée à ce pays”.

Géant du ménage

La nouvelle Finlande est particulièrement fière de sa florissante industrie du jeu vidéo, dont les fleurons ont pour nom Rovio Entertainment, l’éditeur d’Angry Birds et un important soutien de Start-Up Sauna, et Supercell, le producteur de Clash of Clans. Les entrepreneurs les plus intéressants de la région se positionnent souvent dans des activités qui ne font guère appel à la technologie de pointe. Par exemple, ils aident les parents à faire face aux problèmes pratiques rencontrés en jonglant entre famille et travail à plein temps. Ainsi, Niklas Aronsson, cofondateur de Linas Matkasse, applique le modèle d’Ikea, le roi du meuble à monter soi-même, aux dîners familiaux. Il livre des sacs contenant tous les ingrédients nécessaires à la confection d’un repas, coupés et prêts à cuisiner.
Monica Lindstedt, fondatrice de Hemfrid, vend également du temps. Elle a fait de son entreprise un géant du ménage, en appliquant un modèle de gestion professionnelle au nettoyage de la maison et en persuadant les entreprises d’offrir ce service à leur personnel comme avantage en nature. Mme Hemfrid a obtenu de l’Etat que le ménage du domicile soit déductible de l’impôt, au même titre qu’une voiture de société. Elle compte désormais 10 000 clients réguliers et emploie 1 326 personnes (70 % de ces dernières étant nées à l’étranger).

Jeunes loups et capitaines d'industries

Malgré ce dynamisme débordant, la région Nordique peine toujours à transformer ses start-ups en entreprises durables. Les exemples abondent d’entrepreneurs qui, après avoir monté avec succès leur affaire, s’en vont ailleurs. Il ne se trouvent pas seulement parmi la génération de l’après-guerre comme Ingvar Kamprad, le père d’Ikea (qui vit désormais en Suisse) et Hans Rausing, le fondateur de Tetra Pak, un grand de l’emballage (qui a élu domicile en Angleterre), mais également parmi les jeunes loups d’aujourd’hui. Trop de start-ups qui ont réussi décident d’entrer dans le giron de multinationales étrangères (principalement américaines) au lieu de devenir des champions locaux.
Néanmoins, il est permis d’espérer que ce boom entrepreneurial débouche sur l’apparition d’une nouvelle génération de capitaines d’industrie d’envergure internationale.
Les entrepreneurs de la région, spécialisés dans l’art de vivre, ont toutes les chances de devenir des magnats de stature mondiale pour la même raison que Kamprad l’a été avant eux : parce qu’ils surfent sur la vague du changement démographique. Et les entrepreneurs de la haute technologie dans la région ont, eux, toute chance de créer des affaires qui durent parce qu’ils bâtissent leur entreprise en même temps qu’ils maîtrisent les technologies nouvelles.

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Vu de Scandinavie

Fierté et modestie du “top modèle” social

Le dossier de The Economist n’est pas passé inaperçu chez les “Vikings”, notamment dans le principal pays nordique, la Suède. Ainsi, à Västerås, le Västmanlands Länstidning estime que “la clé du succès de notre société tient à son gouvernement efficace et fiable” et dans le fait que “les Suédois font confiance en leurs concitoyens — une qualité difficilement exportable”.
“Allez la Suède !”, titre crânement son confrère de Stockholm, Expressen qui note toutefois que

le contraste entre la perception extérieure de la Suède et la nôtre a rarement été aussi marqué qu’aujourd’hui. Ici, tout est dépeint en noir : on parle de chômage de masse, de crise de l’éducation, d’augmentation des inégalités, de déclin des infrastructures et de gens expulsés sans pitié du système d’assurance sociale. […] Or, la Suède a accompli un parcours remarquable depuis les années 1970. […] Le gouvernement et l’opposition devraient être remerciés de cet effort.

“Le modèle nordique n’est pas parfait”, estime quant à lui le Sydsvenskan de Malmö, pour qui

les dépenses publiques par rapport au PIB, sont encore trop élevées. La pression fiscale pousse encore les entrepreneurs à émigrer. Trop de personnes restent toujours dépendantes des allocations sociales.

En Norvège, Aftenposten parle d’un “respect croissant en Europe pour les pays nordiques”, prenant à témoin le changement d’attitude de The Economist vis-à-vis de leur système social : dans les années 1990, l'hebdomadaire fustigeait l’économie suédoise ; en 2003, il citait Shakespeare en qualifiant de “songe d’une nuit d’été” le mélange de prospérité et de protection sociale. “Ce qui est frappant”, conclut le journal, c’est que

les pays nordiques sont ceux de l’OCDE qui dépensent le plus par rapport au PIB. En même temps, la dette publique est plus basse que dans presque tous les autres pays européens. En d’autres termes : les autres pays européens, qui ont un Etat-providence moins développé, doivent réduire leurs dépenses davantage que les pays nordiques.

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