La régie d'Euronews.

Euronews, la tour de Babel de l’info

La chaîne d’information européenne fête cette année ses 20 ans. Animée par 400 journalistes provenant d’une trentaine de pays et diffusée en 13 langues, elle a su se donner un style, afin d’atteindre un public qui va de l’homme d’affaire allemand au manifestant égyptien.

Publié le 29 mars 2013 à 12:07
Euronews  | La régie d'Euronews.

Demeurer impartial, voilà un vrai pari pour les 400 journalistes issus d'une trentaine de nationalités, et portant autant de regards sur le monde. Pour cela, "il existe des garde-fous", insiste François Chignac, rédacteur en chef adjoint. À commencer par l'organisation de la rédaction, divisée en services (monde, économie, etc.), composés chacun de 11 journalistes. Un pour chacune des langues diffusées sur Euronews – les Grecs font bande à part.

"Cette diversité est un défi permanent. Je suis moi-même d'un pays, l'Espagne, qui ne couvre pas les sports d'hiver. Et lorsque le journaliste anglais propose un sujet sur le cricket, c'est tout le service qui tremble !", explique Pedro Lasuen, chef du service des sports. Malgré les règles strictes qui régissent le choix des sujets, "il y aura toujours quelqu'un pour ne pas être d'accord. Les journalistes veulent tous satisfaire leurs téléspectateurs nationaux", reconnaît-il.
Une fois les sujets arrêtés et mis en images, aux 11 journalistes de rédiger dans leur langue maternelle un commentaire qui différera de celui de leurs confrères. Une question de style, propre à chaque culture. Mais aussi de hiérarchisation de l'information, chacun s'adaptant à son audience.
"Concernant le Mali, le journaliste francophone précisera le nombre de soldats déployés au sol, l'Ukrainien, non", illustre François Chignac. La forme change, pas le fond, assure-t-il : "Les images priment."

Vérifier la prononciation

Il arrive pourtant que, en de rares occasions, les commentaires divergent. Miguel Sardo en a fait l'expérience en 2002, lors du naufrage du Prestige au large de la péninsule Ibérique. "La question était de savoir si les côtes étaient exposées à une marée noire", se souvient ce journaliste portugais. "Le chef d'édition, espagnol, rappelait la position très prudente de son gouvernement. Mais j'avais de mon côté des informations de la marine portugaise évoquant des nappes de pétrole menaçant les côtes…", explique-t-il.

Il est des thèmes récurrents plus sensibles encore. Comment présenter l'organisation terroriste basque ETA, longtemps considérée différemment en Espagne et en France? Alors que les titres affichés à l'écran sont communs à toutes les éditions, peut-on employer le terme de "génocide arménien" quand les massacres de 1915 ne sont pas reconnus comme tels en Turquie, dont la TRT, comme d'autres chaînes publiques, est actionnaire d'Euronews ? "Il m'arrive d'entendre des appels à la prudence, mais au final, nous bénéficions d'une grande liberté", rapporte un journaliste. "C'est un poids qui nous empêche d'approfondir certains sujets", déplore un autre.

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"Il est important de prendre en considération les différentes sensibilités nationales", reconnaît Lucian Sârb, directeur roumain de la rédaction. Sans sacrifier l'information, ajoute aussitôt cet amoureux des "faits". "Nous avons mis vingt ans pour faire d'Euronews la plus impartiale des chaînes d'information". Même discours de la part d'Ali Ihsan Aydin, "chef de langue" des journalistes turcophones, dont une Arménienne et un Kurde. "L'approche collective empêche les journalistes de se faire les avocats d'une cause patriotique", insiste-t-il. "C'est un vrai gage de neutralité."
Et de qualité, plaident les journalistes. "Pour vérifier la prononciation d'un nom ou appeler des sources locales, on trouvera toujours un confrère du pays en question", souligne l'Iranien Babak Kamiar.

Bien sûr, l'"écriture" Euronews s'en ressent. "La meilleure solution est de demeurer neutre, limite ennuyeux", glisse Pedro Lasuen, le chef du service sports, qui organise un tournoi de football interne, où s'alignent des équipes pour une fois rassemblées sous leur drapeau. Dernier vainqueur en date, comme un clin d'œil, l'administration, qui a monté pour l'occasion une équipe… multinationale.

Compte à rebours

Encore un an à attendre. Dans le hall d'accueil d'Euronews, un écran égraine les secondes avant le déménagement de la chaîne à la pointe de la presqu'île de Lyon. Ainsi, Euronews demeurera dans la ville où elle a commencé à diffuser le 1er janvier 1993 en cinq langues (anglais, allemand, espagnol, français et italien).
Vingt ans plus tard, Euronews revendique la place de première chaîne d'information en continu en Europe, avec 3,4 millions de téléspectateurs par jour, loin devant CNN (1,6 million) et BBC World (1,2 million).
Malgré la concurrence croissante des chaînes d'information nationales, Euronews poursuit son développement. Après l'arabe, le turc, le persan ou le grec, le hongrois deviendra cette année la treizième édition linguistique d'Euronews qui diffuse ses programmes sur l'ensemble de la planète depuis 2004. Aujourd'hui, ses actionnaires les plus importants en part de capital sont France Télévisions, Rai (Italie), RTR (Russie), TRT (Turquie) et SRG SSR (Suisse).

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