L’UE divisée donne des leçons sur la liberté de culte

L’UE prépare des directives à l’intention des diplomates européens à l’étranger en vue de promouvoir la laïcité hors du continent. Une entreprise délicate, tant l’Union est partagée et ambiguë à ce sujet.

Publié le 30 avril 2013 à 11:17

Bon nombre de pays de l’UE ne sont pas neutres vis-à-vis de la religion. La reine d’Angleterre est à la tête de l’Église anglicane, la devise God zij met ons (que Dieu nous garde) est frappée sur les euros néerlandais, et la Cour européenne des Droits de l’homme n’est pas opposée à ce que des crucifix soient accrochés dans les écoles publiques italiennes.

Malgré cette grande tolérance vis-à-vis de l’interaction entre l’Église et l’État au sein de l’UE, les diplomates de l’UE recevront bientôt des directives leur demandant de promouvoir à l’étranger la neutralité des pouvoirs publics, qui protège la liberté de culte.

Cela semble contradictoire, ont déclaré, le 25 avril, différents participants à un débat au Parlement européen sur la liberté de culte.

Définir l’identité européenne

Nous devons d’abord savoir comment définir l’identité européenne avant de nous engager sur cette voie”, a fait remarquer Lorenzo Zucca, juriste attaché au King's College à Londres, qui avait été invité pour le débat. “Chacun sait qu’il est extrêmement problématique de parler de religion à l’échelle européenne”. La levée de bouclier à propos du gouvernement hongrois, qui catholicise les institutions publiques, ainsi que le grand débat ayant entouré la référence à la “tradition judéo-chrétienne de l’Europe dans la constitution européenne qui a été rejetée, en sont deux exemples.

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Robert-Jan Uhl, conseiller sur les droits de l’homme de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, estime que l’UE devrait conserver une approche très pragmatique. “L’important, ce sont les droits élémentaires, de faire en sorte que les gens puissent importer et diffuser de la littérature religieuse ou encore que des détenus puissent prendre des repas conformes à leur religion”. Il évoque le cas de bouddhistes polonais en prison, qui dans un premier temps, ne pouvaient pas obtenir de repas végétariens. “L’affaire a été référée à la Cour européenne des Droits de l’homme. Elle a décidé qu’il fallait distribuer de tels repas.

Le droit de ne pas être croyant

M. Uhl signale un autre problème : de nombreux pays ne sont prêts à protéger une religion minoritaire que si les gens commencent par s’inscrire officiellement. “C’est absurde. On doit pouvoir prier avec qui l’on veut, sans avoir à s’inscrire au préalable. L’UE pourrait intervenir concernant ce genre de problèmes.

Deux europarlementaires néerlandais se sont livrés à un énergique lobbying en faveur de ces directives, qui seront probablement approuvées en juin par les ministres de l’UE. Peter van Dalen (parti de l’Union chrétienne) et Dennis de Jong (du Parti socialiste) ont ébauché le concept sur lequel planche actuellement le Service européen pour l’action extérieure.
Un aspect important à défendre est aussi le droit de changer de religion ou de ne pas être croyant. Dans certains pays, on est exclu, mais la liberté de culte et les convictions religieuses couvrent aussi le droit de ne pas être croyant.

Introspection de l’UE

Jean-Bernard Bolvin, du Service européen pour l’action extérieure, reconnaît qu’il existe aussi en Europe des situations inadmissibles sur le plan religieux. La Commission européenne n’a pratiquement pas de compétences dans ce domaine, les décisions de la Cour européenne des Droits de l’homme se font souvent attendre longtemps et ne sont pas toujours appliquées.
Il n’empêche que nous pourrions y être attentifs en définissant notre politique étrangère. Nous n’avons vraiment pas l’intention de marteler que seul un État séculier est la bonne solution. Mais si des catégories de la population font l’objet de discriminations, si on pend des gens à cause de leur religion, mieux vaut que nos représentants sachent quels arguments juridiques évoquer. 
Selon lui, ce débat produira aussi son effet au sein de l’Union européenne : “
Cela va inciter les pays de l’UE à se livrer spontanément à un travail d’introspection*”.

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