Le quartier de Plagwitz (Leipzig). Photo de Iwanp.

Leipzig, "ville perforée" en quête de vie

Comme d'autres villes d'Allemagne de l'Est, Leipzig a vu partir beaucoup de ses habitants après la chute du mur du Berlin. Aujourd'hui, certains quartiers industriels laissés à l'abandon sont réhabilités, et la ville tente d'y faire cohabiter une classe moyenne attirée par les petits loyers et les populations défavorisées qui ont toujours vécu sur place.

Publié le 29 juin 2009 à 10:33
Le quartier de Plagwitz (Leipzig). Photo de Iwanp.

Vers 1900, le quartier Plagwitz de Leipzig était l’un des plus grands centres industriels d’Europe. L’industrie textile y prospérait. Aujourd’hui, il ne reste que des squelettes d’usines. Des bâtiments en briques aux yeux vides sur des terrains envahis par les broussailles. Un paysage de ruines industrielles, entouré par les maisons autrefois habitées par les ouvriers. Voilà le triste visage d’une ville rétrécie.

Pourtant, il y a de la vie dans ce quartier à l’Ouest du centre-ville. Un certain nombre de bâtiments d’usines ont trouvé une nouvelle affectation. Des activités à petite échelle, des clubs pour les jeunes, des centres de fitness. L’ancienne filature de coton en est l’exemple par excellence : mi-juin, la chancelière fédérale Angela Merkel y a inauguré une exposition consacrée aux artistes, souvent de renommée internationale, qui y travaillent.

"Certains artistes trouvent que le quartier ouest est devenu beaucoup trop élitiste”, déclare Tobias Habermann. "Ils s’en vont chercher leur salut ailleurs dans Leipzig". C’est à eux que les quartiers doivent leur image branchée. "Autour du Lindenauer Markt par exemple, onze galeries ont récemment ouvert. Mais sur cette place, on voit surtout traîner des chômeurs et de jeunes mères de 16 ans avec des landaus."

Habermann, 32 ans, est le gestionnaire du quartier de Plagwitz. Il doit en partie veiller à ce que l’argent versé par l’Europe et issu des fonds de relance allemands soit correctement affecté. L’un des objectifs est de combattre l’inoccupation et le délabrement des anciens blocs d’habitations. Lorsque, après la chute du Mur, l’industrie s’est trouvée immobilisée, les gens sont partis en masse pour chercher du travail en Allemagne de l’Ouest. La conséquence est effarante : d’innombrables immeubles à moitié démolis et aux fenêtres barricadées de planches.

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Une "ville perforée" comme l’appelle Habermann. Il s’agit de blocs d’habitations qui ont été construits à la fin du dix-neuvième siècle, lorsque l’industrie était prospère. Ce sont de beaux immeubles, mais dans un état lamentable. "Les propriétaires tardent à investir, en espérant que les loyers augmentent. Nous les aidons à trouver des locataires temporaires. De jeunes entrepreneurs, des étudiants, des artistes."

La bordure est de Plagwitz montre les résultats d’une véritable transformation. Par exemple le quartier Schleussig : de jeunes familles de la classe moyenne habitent dans d’anciens immeubles réhabilités, des usines reconverties en lofts et des nouveaux logements modernes. Actuellement, le quartier est assez peuplé, de sorte que les bobos se rabattent à présent sur Plagwitz.

Ce mouvement suscite des sentiments partagés chez Habermann. Il est important pour lui que les gens qui travaillent et vivent actuellement à Plagwitz y soient toujours chez eux, y compris les pauvres. "Environ 45% de la population autour du Lindenauer Markt vivent de l’aide sociale. Chaque ville a ses classes populaires. Ces gens-là aussi doivent bien vivre quelque part ! On ne peut pas les exiler vers les quartiers de HLM." Le principal pour Habermann est que la qualité de l’habitat et du cadre de vie s’améliore. "Remettre en état les cours intérieures, multiplier les espaces verts, réhabiliter les écoles et les bâtiments publics, renforcer la vie associative." Mais aussi "aider les 10% d’étrangers – Iraniens, Cubains, Arabes, Vietnamiens. Car l’extrême-droite a remporté beaucoup de voix dans le quartier."

Les mesures des autorités et les initiatives locales semblent porter leurs fruits. Dans les huit kilomètres carrés dont Habermann est responsable, le nombre d’habitants a augmenté, passant depuis 2000 de 31 500 à 38 000. Cette augmentation est due à la population à faibles revenus des quartiers des HLM de l’Ouest, aux classes moyennes et supérieures des quartiers de bobos de l’Est, ainsi qu’aux jeunes créateurs venus de toute l’Allemagne.

Habermann espère les réunir tous début juillet à l'occasion du grand festival culturel de la Karl-Heinestrasse, une rue branchée qui mène au centre ville. The West is the Best, tel est le slogan du festival. Tobias Habermann, sait de quoi il parle. Il habite avec sa femme et leurs deux enfants dans un idyllique coin perdu de cette rue, directement en bordure de l’eau. Voilà un bel exemple d’habitat de qualité.

OPINION

L'Ostalgie des Allemands de l'Est

"Etat esclavagiste" et "dictature du capital", l’Allemagne ? Ce sont pourtant les qualificatifs qu’emploient les jeunes Allemands de l’Est, qui refusent d’apparaître comme "vieux", "démodés", ou "bêtes" et "nostalgiques" du seul fait qu’ils assument de porter la République démocratique dans leur cœur, constate le Spiegel dans un reportage. L’hebdomadaire remarque que 20 ans après la chute du mur de Berlin, la RDA est plus idéalisée que jamais. "La plupart des citoyens de la RDA ont eu une chouette vie", affirme Birger, économiste de 30 ans. "A l’époque il y avait la Stasi, aujourd’hui, c’est Schäuble [le ministre de l’Intérieur] qui ramasse nos données personnelles."

D’après une étude, 57 % des Allemands de l’Est défendent l’ancien Etat dirigé par un parti unique, le SED (le Parti socialiste unifié d'Allemagne). Pour le Spiegel, cette nouvelle forme d’Ostalgie, "dépasse largement le cadre des anciens fonctionnaires du parti" et concerne aussi les classes moyennes. "La RDA est aussi idéalisée par les jeunes qui ne l’ont guère vécue" car, explique le politologue Klaus Schroeder, "beaucoup d’Allemands de l’Est prennent les critiques contre le système comme une attaque contre leur personne". Comme le dit un jeune cité par le Spiegel : "Ils en ont assez qu’on attend d’eux de se prosterner devant l’Ouest en reconnaissance de la réunification".

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