Des militants du Parti socialiste européen distribuent le manifeste de leur parti pour les élections de juin. Photo Vx Lentz

Citoyens, encore un effort

Le Parlement européen est la seule institution supranationale au monde à être élue démocratiquement. Mais, faute d’un vrai débat sur le sens de son existence, les citoyens le considèrent comme réservé aux élites.

Publié le 22 mai 2009 à 17:40
Des militants du Parti socialiste européen distribuent le manifeste de leur parti pour les élections de juin. Photo Vx Lentz

Depuis 1979, l'Europe a son parlement, élu au suffrage universel direct par tous les citoyens de l'Union européenne. En trente ans, il a connu six élections. La septième, du 4 au 7 juin prochain, constituera un exercice démocratique d'une ampleur inégalée, excepté en Inde. Le Parlement européen est la seule institution supranationale au monde démocratiquement élue et dotée de véritables pouvoirs. Et les députés de cette septième législature auront, selon toute vraisemblance, le privilège d'être les premiers eurodéputés amenés à exercer une réelle pouvoir de contrôle et de décision sur l'ensemble de l'Union.

Qui cela intéresse-t-il ? Peu de gens apparemment. En Europe, aucun scrutin ne suscite aussi peu d'intérêt et de désaffection que les élections européennes. Après trente d'existence, le Parlement européen reste aux yeux des citoyens une parodie de démocratie réservée à quelques élites politiques. Pourtant les chantres de l'Europe ne manquent pas. Pas moins de 52 instituts figurent sur la liste des associations œuvrant pour la promotion de l'Europe. Dans les vingt-sept pays membres, partis politiques et fondations investissent massivement pour l'information des citoyens, comme s'ils voulaient inaugurer une seconde ère des Lumières.

Depuis quelques semaines, les sourires des candidats s'étalent à tous les coins de rue. Angela Merkel et ses ministres ne perdent pas une occasion de nous rappeler l'importance du scrutin. Le boulanger a décoré sa vitrine de petits drapeaux bleus étoilés et, dernièrement, sur la place du marché, une agence publicitaire a organisé un défilé de poulets géants pour attirer l'attention des citoyens sur l'importance de la directive européenne concernant les droits des consommateurs.

Hélas, rien n'y fait ! Le taux de participation aux élections ne traduit pas cet enthousiasme européen. Et comme si cela ne suffisait pas, cette année, le Parlement de Strasbourg et les autres institutions européennes font l'objet de pressions comparables à celles subies par l'entraîneur du Bayern de Munich après trois défaites consécutives. De fait, les eurodéputés, les commissaires, les hauts représentants, bref toute l'élite politique européenne s'agite et ne cesse de discourir sur le devoir citoyen des électeurs, la mission européenne, l'euro et la disparition, déjà ancienne, des postes-frontières. A croire que tous les acquis de l'Europe pourraient subitement disparaître. On dirait que les électeurs se doivent de renouveler leur confiance pour ne pas compromettre ce que l'Europe a déjà réalisé de beau et de grand. Dans ces moments-là, l'Europe nous apparaît à la fois comme une force d'avenir et comme un monstre antidémocratique. C'est comme si à chaque renouvellement du Bundestag, les Allemands devaient se prononcer sur le maintien de la Constitution. Pour un parlement vieux de trente ans, c'est grotesque.

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L'indifférence des citoyens à l'égard de l'Europe peut s'expliquer de bien des façons mais il ne saurait être question de rejeter entièrement la faute sur les institutions. Il est presque comique de voir que l'Union européenne va jusqu'à définir ce qu'elle est sur son portail Internet. Les citoyens aussi ont leur part de responsabilité. Les électeurs ne doivent pas se laisser entraîner à contrecœur dans le système dans lequel ils vivent. Oui, l'Europe est un grand défi mais il faut s'en montrer digne. Espérons que cette élection soit la dernière où il faille rappeler pourquoi il s'agit d'une expérience politique unique au monde qui mérite un peu plus d'attention de la part des électeurs et pourquoi l'union de vingt-septEtats, plus ou moins grands, constitue un atout non négligeable dans un monde en perpétuelle évolution.

OPINION

Pour une politique du téléscope

"Pour bien représenter les intérêts du pays qui l’envoie au Parlement, chaque député européen devrait toujours avoir un télescope à portée de main : pour voir l'Europe, de loin, depuis son pays d’origine et vice versa, son pays d’origine depuis Bruxelles !" C'est le seul moyen, estime Horia Roman Patapievici, politologue et directeur de l’Institut Culturel Roumain, de faire fonctionner la grande machine du Parlement européen et d'intéresser les électeurs". Les citoyens européens rechigneront toujours à venir voter, continue Patapievici, tant qu’ils ne verront pas dans le Parlement une institution capable changer les choses. "L’abstention s’explique par des raisons politiques et non psychologiques. Dans les démocraties en train de se former comme dans les démocraties consolidées, il est clair que les institutions européennes souffrent d'un grand déficit politique", écrit encore l’analyste roumain dans Evenimentul Zilei. Citant J.H.H. Weiler, professeur à l’Université de New York, spécialiste dans l’analyse des institutions européennes, il estime qu'"il n’y a pas de rapport direct entre le vote des citoyens et les futures décisions de l’Union". D’où cette "conscience de l’inutilité du vote qui démoralise l’électeur et le scotche chez lui !"

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