Actualité Energie électrique

L’union fait la baisse des prix

Contrairement aux intentions de Bruxelles, la libéralisation du marché de l'électricité s'est traduite par une augmentation générale des factures des Européens. Pour inverser cette tendance, des consommateurs ont décidé de se regrouper pour obtenir de meilleurs tarifs.

Publié le 18 septembre 2013 à 15:35

Depuis le 1er janvier 2003, les consommateurs d'électricité en Espagne ont la possibilité de choisir leur fournisseur. Cette initiative a marqué le coup d'envoi d'un long processus de libéralisation du secteur de l'énergie qui reste encore à conclure et devait, en théorie, entraîner une réduction des factures d'électricité. On pensait que la concurrence entre les entreprises, à l'image de ce qui s'est produit sur le marché de la téléphonie, se traduirait par des offres séduisantes afin d'attirer les clients.

Dix ans plus tard, non seulement cela n'a pas été le cas mais les factures se sont envolées. D'après une étude de l'Organización de Consumidores y usuarios Organisation des consommateurs et des usagers, elles ont augmenté de 60% en moyenne depuis 2007. Et selon Eurostat, l'électricité en Espagne est la troisième plus chère d'Europe.

Les consommateurs commencent à réagir. Le 11 septembre, l'OCU a lancé une initiative d'achat collectif pour faire baisser les factures d'énergie. La proposition, qui a plusieurs précédents en Europe, consiste à former un grand groupe de consommation pour acheter l'énergie en gros et négocier le prix directement avec les fournisseurs. En théorie, la note doit baisser : plus on achète de l'énergie, moins elle revient cher.

Toute personne membre ou non de l'OCU peut rejoindre le groupe d'achat en s'inscrivant sur un site Internet jusqu'au 14 octobre. Deux jours plus tard, l'association organisera un appel d'offres auquel pourront participer toutes les entreprises désireuses de fournir de l'électricité à cet ensemble de clients. [[Celle qui offrira le tarif le plus bas l’emportera]]. Le 4 novembre, le nom de l'entreprise gagnante sera communiqué aux consommateurs. Il se peut qu'il y ait deux noms si une offre pour l'approvisionnement conjoint en électricité et en gaz est acceptée. Chaque client sera informé des économies qu'il pourra réaliser. Si l'offre est jugée intéressante, l'usager pourra donner son accord et le fournisseur lui proposera de signer un contrat.

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Problème d'organisation

Plusieurs associations européennes de consommateurs ont déjà mis en place des initiatives similaires, dont certaines ont eu un grand succès. Aux Pays-Bas, où une action a été lancée l'année dernière par [Consumentenbond](www.consumentenbond.nl], 52 000 personnes se sont inscrites et ont réussi ainsi à économiser 277 euros par an en moyenne.
En Belgique, l'initiative a été menée par Tests-Achats et a séduit 152 000 consommateurs qui ont fait baisser leur note d'électricité de 130 euros et celle du gaz de 435 euros. Au Royaume-Uni, l'organisation Which ? a obtenu une économie moyenne de 258 euros pour 285 000 personnes, et au Portugal l'association [DECO](www.deco.proteste.pt] a fait baisser les factures de 25 à 80 euros pour presque 600 000 clients.

Antonio Arranz, responsable de l'énergie à l'OCU, ne s'aventure pas à chiffrer les économies qui pourraient être réalisées en Espagne. "Cela dépendra du nombre de personnes qui s'inscriront et de leur profil", explique-t-il. Mais il assure que la majorité des participants obtiendront mieux que ce qu'ils ont déjà. De fait, selon ses calculs, "il y a des clients sur le marché libre qui croient bénéficier d'une offre intéressante et qui paient 25% de plus que le tarif réglementé".
Reste également à attendre la réponse des entreprises et voir si elles sont disposées à participer à l'appel d'offres et à proposer des prix attractifs. ENDESA, l'une des cinq grandes compagnies qui dominent le secteur en Espagne, s'est présentée à l'appel d'offres portugais et l'a remporté mais n'a pas encore décidé si elle va répondre à celle de l'OCU.

L'Associación Nacional de Ahorro y Eficiencia Energética [Association nationale pour les économies d'énergie et l'efficacité énergétique] (ANAE), créée pour rassembler les consommateurs d'énergie et faire baisser les factures d'eau et d'électricité, travaille depuis plus de six mois à une proposition similaire. "Les précédents en Allemagne, en Angleterre et plus récemment au Portugal nous ont encouragé à tenter de renverser la vapeur dans le système", explique Francisco Valverde, porte-parole de l'organisation. "Nous avons déjà l'accord de la Commission nationale de l'énergie et attendons l'avis du secteur". La date de lancement de la campagne n'a pas encore été fixée.

"Ce sont des propositions avec lesquelles on peut économiser quelques euros, mais elles ne vont pas jusqu'au fond de la question", opine Jorge Fabra, président de l'association Economistas frente a la crisis [Economistes face à la crise], ex-président de Red eléctrica et ancien conseiller à la Commission nationale de l'énergie. "Je ne crois pas qu'elles aient beaucoup d'avenir parce que le problème du système électrique espagnol ne réside pas dans les fournisseurs mais dans l'organisation même du système."

Changer les règles du jeu

Selon lui, le système espagnol est une tour de Babel qui est difficile à comprendre et engendre de grosses erreurs de diagnostic. "Et le principal problème, j'insiste pour le dire, n'est pas dans la présence ou l'absence de concurrence entre les fournisseurs", poursuit-il. "Il est dans le fait que le système n'établit aucune distinction dans les origines de l'énergie : l'énergie produite par les centrales hydro-électriques et nucléaires est moins chère que celle issue du charbon et du gaz naturel, mais elles sont toutes vendues au même prix. Par conséquent, il y en a qui empochent beaucoup plus d'argent qu'ils ne le devraient. Mais aucune des réformes entreprises jusqu'à présent par les divers gouvernements n'a été capable d'aborder ce sujet. [[Il y a beaucoup d’intérêts sectoriels en jeu]]."
Les fournisseurs justifient le manque d'offres attractives en arguant qu'ils travaillent avec une marge étroite, car la partie fixe de la facture, celle qui est déterminée par le gouvernement, est la même pour tous et qu'ils ne peuvent donc faire des économies que dans la phase finale du processus : les coûts administratifs, de personnel et de gestion.
Les coopératives d'énergie verte, des fournisseurs qui sont entrés dans le système en captant les consommateurs défendant les énergies renouvelables, veulent elles aussi changer les règles du jeu.
Cet été, elles ont fait un pas en avant. Après avoir appris que le gouvernement voulait taxer l'autoconsommation, qui consiste à produire de l'électricité chez soi avec des panneaux photovoltaïques ou de petites éoliennes et à l'utiliser, elles ont appelé à l'insoumission pour défendre leur modèle. Le journal El País a recensé une demi-douzaine de fournisseurs verts. Selon leurs représentants, ils sont en pleine croissance et offrent des tarifs intéressants.

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