La paperasse a aussi du bon

Les eurosceptiques se plaignent de la bureaucratie bruxelloise, en particulier avec le rapport publié le 15 octobre par le gouvernement britannique sur la question. Mais toute bureaucratie n'est pas mauvaise, et l'on doit distinguer entre la "paperasse" inutile et les réglementations pour protéger les salariés.

Publié le 15 octobre 2013 à 15:18

Tracasseries administratives ou réglementations nécessaires ? La différence est de taille, et lourde de conséquences. Personne n'aime la paperasse. Comme le nom lui-même l'indique, il y en a trop. La réglementation, en revanche, c'est autre chose. Contrairement à la tracasserie administrative, la réglementation n'est ni bonne, ni mauvaise. Il y a à boire et à manger. La plupart des réglementations ont à la fois du bon et du mauvais. Tout dépend de la réglementation et de ce qui est réglementé.
Il n'y a aucun mal à débattre de la réglementation. En revanche, on soupçonne toujours un débat sur les "tracasseries administratives" d'être un écran de fumée masquant une tentative de se débarrasser des réglementations, bonnes comme mauvaises.
Le rapport du gouvernement britannique sur les formalités administratives européennes, publié mardi, en est une bonne illustration. Puisque personne n'aime la paperasse, les préconisations du groupe de travail "Entreprises", qui demande une harmonisation entre les pays européens, semblent de prime abord relever du bon sens. Mais dès que l'on se plonge un peu plus avant dans les méandres du rapport, l'enjeu devient nettement plus problématique. Les questions soulevées concernent en effet moins les lourdeurs administratives que l'équilibre à trouver entre les intérêts économiques des employeurs et les intérêts des employés en matière de sécurité d'emploi.

Un débat est légitime

Si les réglementations sur la santé et la sécurité, par exemple, peuvent en effet coûter excessivement cher aux PME, comme le dénoncent les auteurs du rapport, elles sont aussi un moyen de prévenir les préjudices corporels et les risques professionnels, peut-être même des décès. Le débat doit permettre de trouver un équilibre entre les deux. La même chose vaut pour bien d'autres domaines réglementés abordés dans le rapport – la protection des données, les rapports non-financiers des entreprises, les contrats d'apprentissage, les congés maternité, le temps de travail et l'intérim. Dans chacun de ces cas, le débat est légitime.
Or, regrouper toutes ces questions dans le même sac estampillé "tracasseries administratives" est tout simplement fallacieux, en plus de fausser notre regard sur l'UE. La façon dont le débat est mené en Grande-Bretagne ne permet pas de le savoir, mais une bonne partie des textes pointés du doigt car émanant de l'UE permettent la plupart du temps (pas toujours, c'est vrai) de simplifier efficacement une situation, et non de la complexifier – en remplaçant 28 régimes nationaux par un régime unique. [[Si l'UE ne réglementait pas un domaine, les Etats membres le feraient très certainement, chacun à sa manière]].
En résumant le débat sur l'Europe aux tracasseries administratives, la droite se donne le beau rôle, puisque les trois-quarts des citoyens européens s'accordent à dire qu'il y en a trop. On ne saurait nier que les pesanteurs administratives et la bureaucratie sont deux problèmes bien réels – comme l'a montré la Commission européenne en reprenant à son compte une idée britannique et allemande consistant à abolir un vieux texte chaque fois qu'elle en adopte un nouveau. Les partis de gauche doivent, eux aussi, se doter d'une vraie stratégie de lutte contre la bureaucratie, et non se contenter d'invoquer le prétexte d'alléger la paperasserie pour en réalité raboter la protection sociale.

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