Idées Tsipras devant les eurodéputés

Enfin un moment de démocratie européenne

La venue d'Alexis Tsipras devant le Parlement européen ce 8 juillet a été un beau moment de vie démocratique, estime le bloggeur Fabien Cazenave. Bien sûr, ce débat n'a pas résolu la crise grecque. Mais quelle différence avec les Conseils européens se déroulant derrière des portes closes !

Publié le 8 juillet 2015 à 21:59

Enfin, un échange clair a été mené avec le Premier Ministre grec, le président du Conseil européen, Donald Tusk, et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. On sortait enfin du point de vue allemand, slovaque, français ou grec. L'Europe devenait politique au bon sens du terme, car nous n'étions plus dans l'Europe feutrée des diplomates.

C'était un moment “européen”, preuve que l'espace public médiatique existe aussi au niveau européen. Qu'on soit pro- ou anti-Grexit, les arguments étaient posés sur la table. C'était bien plus clair que les discours policés de nos dirigeants nationaux : tiraillés entre leur intérêt national et ne pas déconstruire l'Europe, ils sont souvent mous dans leurs déclarations. Par exemple, le rendez-vous entre François Hollande et Angela Merkel où rien de nouveau n'est sorti en dehors de cette image du président français et de la chancelière allemande côte-à-côte.

Même s'il était décevant de ne pas avoir de nouvelles propositions grecques apportées par Tsipras, le positionnement des grandes familles politiques européennes était passionnant. On ne s'attendait ainsi pas du tout à ce que Manfred Weber, le chef du PPE (droite), soit aussi dur publiquement avec les Grecs. Lors de sa réponse, Alexis Tsipras n'a pu lui répondre qu'en lui demandant de se rappeler l'annulation de la dette allemande en 1953 après la Seconde Guerre Mondiale. Enfin cet échange prenait une dimension européenne. D'habitude, on avait ce genre de discours séparés entre espaces publics nationaux. Les reproches notamment énoncés en Allemagne passaient par le filtre des journaux pour arriver dans les autres pays, dont la Grèce. Cette fois, pas de filtre déformant mais un échange direct. Les citoyens peuvent ainsi vraiment se faire leur avis.

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Le bug du site du Parlement européen

Cependant, tout n'a pas été parfait. Le site du Parlement et le service audiovisuel de la Commission ne diffusaient pas dans des conditions correctes les débats. On était obligé de se contenter de la diffusion en direct par les chaînes nationales d'infos en continu. Or dans le cas de la France, les débats étaient interrompus par un retour en plateau jusqu'à ce qu'intervienne un eurodéputé français. Il est vrai que tout le monde n'a pas les moyens d'avoir des traducteurs en direct pendant plusieurs heures... Quel dommage que les chaînes de télévision ne puissent pas reprendre la diffusion en direct du site du Parlement européen dans sa propre langue. Pourtant le système technique existe, on le voit chaque année avec l'Eurovision.

Mais comme le fameux concours de chansons, le débat a traîné en longueur. Plus de trois heures de débats, c'est impossible à suivre. Autant pour les citoyens que pour les médias. Cela affaiblit d'autant plus l'impact de cet échange européen qu'Alexis Tsipras n'a eu que quelques minutes pour répondre à la fin. Il a d'ailleurs concentré ses réponses sur les leaders des groupes politiques. Une réforme des discussions au Parlement européen s'impose donc.

L'espace public européen existe loin des diplomates

Mais cela ne gâche pas pour autant ce formidable moment de démocratie européenne que nous avons vécu. L'espace public européen existe malgré sa segmentation en médias nationaux. Encore une fois, le Parlement européen était à l'avant-garde. Ses débats méritent décidément mieux que leurs diffusions actuelles. Car quand on parle d'Europe, cela suppose de casser les frontières nationales. Cela ne veut pas dire uniformité pour autant. Durant ces échanges, nous avons vu des lignes politiques très différentes, des pro- aux anti-Européens, en passant par les eurosceptiques et les fédéralistes. La nationalité de l'eurodéputé n'était plus l'enjeu de son discours. C'est après tout pour ça qu'on fait l'Europe.

Le temple de la démocratie européenne”, comme a dit Tsipras, a joué parfaitement son rôle. Elle est tellement plus passionnante que l'Europe des diplomates qui ne font pas vivre l'intérêt européen mais celui de chacune de leur Nation.

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