Idées Après le sommet de Bratislava

Une parodie d’Europe

Le récent Conseil européen à 27 a été un naufrage pour l’UE. Il est temps de former une Europe resserrée avec des Etats qui veulent avancer.

Publié le 30 septembre 2016 à 09:03

Da boul. Daboulganiech. Kouroukoukou roukoukou stach stach !” Les amateurs éclairés auront reconnu l'ouverture et le refrain de ce monument de la chanson française, Stach, Stach!, du groupe Bratisla Boys, mené par Michaël Youn en 1998. C'est bien aux Bratisla Boys, et à eux seuls, que l'on pense en regardant le naufrage du dernier sommet de l'Union européenne, à Bratislava , le week-end dernier. La capitale de la Slovaquie, 5 millions d'habitants et 5 % du PIB de la France, est une ville frontière perdue entre Vienne et Budapest.

Elle serait moribonde sans les milliards d'euros déversés par Bruxelles depuis l'entrée de la Slovaquie dans l'Union en 2004. Il ne s'y passe strictement rien, sauf lorsque l'Union y organise ses sommets ou lui demande de prendre une part très légère à l'effort européen pour absorber les réfugiés venus d'ailleurs. Ce fut le cas en juin 2015 : l'Union demanda à la Slovaquie d'accueillir, jugez du scandale, 471 migrants d'Italie et 314 migrants de Grèce. Sept fois moins que la “jungle” de Calais.

La réponse fut à la hauteur de cet outrage : des émeutes et manifestations ultraviolentes, dignes de casseurs cégétistes. 140 personnes interpellées. C'est donc dans la capitale arriérée de ce pays refusant le moindre début de solidarité européenne, ou de simple décence humanitaire, où l'extrême droite est déjà au gouvernement, que dut se tenir le sommet de l'Union.

Pouvait-on trouver meilleur symbole pour souligner le décalage entre les bonnes intentions et proclamations sans actions de l'Union et la réalité d'un monde en phase accélérée de violence et de repli sur soi ? A l'issue du sommet, le communiqué final, qui se devait d'être à la hauteur de l'enjeu historique du Brexit, fut digne d'un sketch des Bratisla Boys. Le préambule annonça la couleur : “Nous devons mieux communiquer les uns avec les autres, [...] nous avons salué le discours du président de la Commission.” La feuille de route ? Des “bullet points” jetés sur le papier, comme le brouillon de présentation d'un consultant junior.

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Le pinacle est atteint avec les “mesures concrètes” sur les sujets les plus urgents aujourd'hui (migrants, défense et sécurité) : “*Ferme détermination à mettre en oeuvre [six mois après] la déclaration UE-Turquie. [...] Poursuite des efforts visant à élargir le consensus. [...] Intensifier la coopération et l'échange d'informations. [...] Commencer à mettre en place un système d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS). [...] Prendre, lors du Conseil européen de décembre, une décision [...]”.

Un tel arsenal va-t-il vraiment impressionner Daech, et faire regretter aux Anglais d'avoir quitté cette parodie d'autorité politique ? Disons-le sans détour : trois mois après le Brexit, le comportement collectif de l'Union européenne est une honte sans nom. Jamais cette institution, dans la forme qui est la sienne aujourd'hui, ne pourra être à la hauteur des enjeux du monde. Un monde où les forces montantes s'appellent Donald Trump aux Etats-Unis, Recep Erdogan en Turquie, Marine Le Pen en France, Alternative für Deutschland en Allemagne, les partis fascistes en Europe de l'Est, les partisans du Brexit en Angleterre, Vladimir Poutine en Russie, l'Etat islamique en Afrique, au Moyen-Orient et chez nous. Un monde où, en France, d'après l'étude rare de l'Institut Montaigne , 50 % des musulmans de moins de 25 ans préfèrent les lois de l'islam rigoriste aux lois de la République.

Ce monde-là ne peut pas, ne peut plus composer avec les lenteurs, les lâchetés et l'indécision d'une Union européenne à 27. Je propose, depuis le Brexit, le recentrage de l'Union sur quelques grands pays déterminés à avancer ensemble. Des pays désireux et capables de partager souveraineté et moyens d'action, ressources militaires, et budgétaires incluses, pour détruire ensemble l'ennemi commun à l'Europe qu'est le terrorisme islamiste.

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