Idées Référendum sur les réfugiés en Hongrie
Viktor Orbán s'adresse à la presse après avoir voté lors du référendum du 2 octobre.

Première défaite pour Viktor Orbán

Faute d’avoir atteint le quorum suffisant, la consultation du 2 octobre est invalide. Même si les “non” aux quotas de réfugiés décidés par l’UE l’ont largement remporté, pour la première fois depuis 2006, le Premier ministre a été désavoué.

Publié le 7 octobre 2016 à 13:59
Reuters  | Viktor Orbán s'adresse à la presse après avoir voté lors du référendum du 2 octobre.

Une campagne qui a englouti plus de 10 milliards de forints (plus de 30 millions d’euros) et une propagande qui a envahi tout l’espace médiatique proche de la Fidesz n’ont servi à rien : au lieu de 50 % plus une voix, seuls 43,3 % des 8,2 millions d’électeurs ont exprimé un bulletin valide lors du référendum du 2 octobre sur la répartition des quotas de réfugiés.

Même si 98,3 % d’entre eux ont répondu “non” à la question posée par le gouvernement sur les quotas (et plus généralement sur les étrangers), la droite n’a pas recueilli davantage de soutien par rapport au printemps 2014, lorsque la liste Fidesz-KDNP et le Jobbik ont totalisé 3,285 millions de voix. A présent, ces mêmes partis ont soutenu le “non” et les élus qui ont répondu présents ont été quasiment les mêmes.

Mais le véritable enjeu du référendum – en l’absence de conséquences juridiques du résultat – consistait à vérifier si, en fomentant l’hostilité envers les migrants, la formation au pouvoir était effectivement parvenue à conquérir de nouveaux électeurs. Elle n’y est pas parvenue – ou, au maximum, elle a pris quelques voix au Jobbik – et il s’agit bien là d’une défaite. Quelques jours avant le référendum, des représentants de la Fidesz, sur la base de sondages et non rendus publics, avaient commencé à refroidir les attentes. Alors que dimanche soir, ils évoquaient une victoire écrasante.

Les jours derniers, on devinait déjà que les choses ne se passaient pas comme prévu : d’abord, le chef des députés de la Fidesz Antal Rogán a déclaré que rien que trois millions de voix pour le “non” constituaient un message fort. Ensuite, Viktor Orbán a déclaré que la participation au référendum n’avait qu’une valeur émotionnelle. Dimanche, après avoir voté, le Premier ministre a même déclaré qu’il se serait satisfait de ce que les “non” l’emportent sur les “oui”, et il continuait non sans humour à parler de démission si le “oui” devait l’emporter, soutenu en cela uniquement par le mini-parti Libéral de Gábor Fodor. Mais cela n’a pas non plus suffi pour pousser les Hongrois à voter.

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Un autre comportement inhabituel : pendant les derniers jours de la campagne, le chef du gouvernement a tenté de mobiliser la population lors d’interviews accordées uniquement aux médias qui étaient de son côté ; il n’a tenu ni meetings, ni ne s’est présenté aux forums citoyens organisés dans deux cents gares, où plusieurs personnalités liées à la droite – y compris des experts de sécurité terrorisés par les OVNI – expliquaient aux gens comment l’immigration détruisait la civilisation occidentale.

Même lors du référendum sur l’adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN, le taux de participation n’avait pas atteint 50 %, mais elle avait été supérieure à celle d’aujourd’hui. La Fidesz est tombée dans son propre piège : ses propres règles ont rendu pratiquement impossible l’obtention d’un vote valide. Par le passé, le vote unanime d’un quart de la population en âge de voter (deux millions d’électeurs) était suffisante pour atteindre le résultat – un seuil que le gouvernement aurait atteint facilement dimanche. C’est pour cela que même la joie exprimée par les partis d’opposition, qui demandent la démission d’Orbán, n’a pas beaucoup de raisons d’être. Leur satisfaction est toutefois compréhensible, si l’on songe que, depuis 2006, il s’agit de la première élection dont le résultat final n’est pas du goût d’Orbán.

La situation est différente si l’on songe aux élections – et à la haine envers l’étranger – comme à l’instrument magique avec lequel la Fidesz a donné pendant des mois du grain à moudre à l’opinion publique. Si elle le voulait, la Fidesz pourrait – avec le soutien du Jobbik – introduire le refus des quotas obligatoires indépendamment de la validité du référendum. Elle pourrait même le faire sans référendum, et dans son communiqué de presse “victorieux”, Orbán a annoncé qu’il en prendra l’initiative. Mais s’il le fait, le gouvernement hongrois devra très probablement faire face à une procédure d’infraction devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Orbán poursuit avec sa rhétorique belliqueuse en annonçant de nouvelles batailles, en clamant qu’il faudra faire accepter “la décision” à Bruxelles aussi. Son argumentation semble déjà toute tracée : le chef du gouvernement se vante du fait que dimanche on comptait 200 000 voix de plus pour le “non” que celles exprimées en son temps en faveur de notre adhésion à l’UE. Orbán a déclaré que c’était là une chose magnifique, soulignant que la participation a dépassé de 15 % le niveau atteint lors des élections du Parlement européen.

Il y a toutefois d’autres chiffres qui méritent l’attention et dont Orbán n’a pas parlé : les 200 000 bulletins nuls. Un chiffre qui donnera probablement une force politique au parti du Chien à deux queues (Kétfarkú Kutya Párt), qui a fait campagne en faveur du boycott. A Budapest, 11 % des électeurs ont annulé leur bulletin.

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