En Europe, on dit d'une personne gentille qu'elle "ne ferait pas de mal à une mouche". Les gros bras impulsifs, président des Etats-Unis ou pas, [en juin, lors d'une interview télévisée, Barack Obama a tué une mouche] peuvent rentrer chez eux. Car que ce soit en Allemagne ("er könnte keiner Fliege etwas zu Leide tun"), en Espagne ("No haría daño ni a una Mosca"), en Suède ("ej göra en fluga förnär") ou même en Lettonie ("neizdarīs mušai pāri") – on considère que ne pas blesser l’insecte est le signe d’un caractère doux.
Mais "l’habit ne fait pas le moine", comme on dit en français. Côté anglais, on se méfie des personnes soit disant prédisposées à la gentillesse : "He looks like he wouldn’t hurt a fly, but he’s a wolf in sheep’s clothing", ajoutent-ils devinant sous la maîtrise de leurs nerfs "un loup sous ses airs de brebis" (idem en l’espagnol "es un lobo con piel de cordero").
Revenons à nos moutons. Au temps du Roi soleil, les femmes coquettes s’amusaient à se coller des faux grains de beauté pour relever la blancheur pure de leur "peau de pêche" : cette "mouche" comme elles l’appelaient, était censée attirer les hommes "comme des mouches sur un pot de confiture", dans le parc de Versailles. Si le monsieur en question avait l’air d’un gros bourdon dégoutant, alors elles pouvaient lui dire d’aller "faire la mouche", traduction littérale de l’expression allemande "mach die Fliege" ("casse –toi!"). Ainsi, l’éventail levé, les coquettes de la cour "faisaient mouche", atteignaient leur but, en chassant les prétendants de moindre qualité.
Jane Mery et Pierre-Anthony Canovas