"Un documentaire sur la crise". L'affiche de "Debtocracy".

“Debtocracy”, le procès de la crise

Diffusé sur Internet, un documentaire retrace l'histoire de la dette grecque et pointe les responsabilités de la classe politique. Un film militant qui provoque un large débat.

Publié le 26 avril 2011 à 14:35
"Un documentaire sur la crise". L'affiche de "Debtocracy".

Tout le monde sur le web parle de Debtocracy, un documentaire des journalistes Katerina Kitidi et Ari Hatzistefanou sur la crise grecque. Tourné avec leur argent personnel et les dons de quelques amis, il est diffusé gratuitement sur debtocracy.gr. En moins de dix jours, près de 600 000 visiteurs l’ont visionné. Chaque jour, partisans et adversaires du documentaire échangent leurs points de vue sur Facebook, Twitter ou sur les blogs.

Les principaux acteurs de ce documentaire (environ 200 personnalités) signent une demande de création d’un comité d'audit international, qui aurait pour but de préciser les raisons de la création d’une dette souveraine et la condamnation de ses responsables. En l’espèce, la Grèce a le droit de refuser le remboursement de sa "dette injustifiée", c'est-à-dire de la dette constituée par des actes de corruption contre l’intérêt de la société.

Debtocracy est une action politique. Elle présente un point de vue sur l'examen des évènements qui ont conduit la Grèce au bord du gouffre. Les opinions vont toutes dans le même sens, sans contrepoint. C’est le choix des auteurs, qui livrent leur manière de voir les choses dès les premières minutes: "En près de 40 ans, deux partis, trois familles politiques et quelques grands patrons ont conduit la Grèce à la faillite. Ils ont cessé de payer les citoyens pour sauver leurs créanciers."

Les "complices" de la faillite n'ont pas droit à la parole

Les auteurs du documentaire ne donnent pas la parole à ceux qu’ils considèrent comme les "complices" de cette faillite. Les Premiers ministres et ministres des Finances de ces dix dernières années en Grèce sont présentés comme les maillons d’une chaîne de complices qui ont poussé le pays dans le vide.

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Le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, qui s’est présenté aux Grecs comme le médecin du pays, est comparé au dictateur Georges Papadopoulos, Premier ministre sous le régime des colonels, de 1967 à 1974. Le parallèle est établi avec une facilité remarquable dès le début du documentaire, mais le personnage concerné (DSK) n’a pas le droit à la parole.

A la question "Pourquoi ne pas faire intervenir les personnes pointées du doigt ?", Kateina Kitidi, l’une des auteurs répond que "c’est une question qu’il faut poser à de nombreux médias qui, ces derniers temps, diffusent en permanence un seul point de vue sur la situation. Nous considérons que nous offrons une autre approche, qui manquait depuis longtemps."

Le public, garant de l'indépendance du film

Pour son collègue Aris Hatzistefanou, c’est l’indépendance du documentaire qui compte: "Nous n’avions pas le choix, précise t-il. Pour éviter les contraintes sur le contenu du film, qu'auraient exigé les sociétés de production, institutions ou partis auraient certainement exigé, on s’est adressé au public pour assurer les frais de production. Le documentaire appartient donc à nos 'coproducteurs' qui ont fait des dons sur internet, et c’est la raison pour laquelle il n’y a pas de problèmes de droits. Notre but est, de toutes façons, de le diffuser le plus largement possible", explique-t-il.

Le documentaire se sert du problème de l’Equateur et de l’Argentine pour soutenir l’argument selon lequel le rapport d’un comité d'audit peut servir d'outil de négociation pour effacer une partie de la dette, du gel des salaires et des retraites.

"Nous essayons de prendre les exemples de pays comme l’Argentine et l’Equateur, qui ont dit non au FMI et aux créanciers étrangers qui ont mis à genoux, même partiellement, les citoyens. Pour cela, nous avons parlé aux personnes qui ont mené un audit en Equateur et prouvé qu’une grande partie de la dette est illégale", reprend Katerina Kitidi. Debtocracy évite toutefois de souligner des différences majeures et évidentes entre l’Equateur et la Grèce. Entre autres, le fait que l’Equateur possède du pétrole.

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