Oussama Ben Laden sur la chaîne de télévision arabe Al Jazira, le 7 octobre 2001.

Ce que nous laisse Ben Laden

La mort du chef d'Al-Qaida, aussi symbolique soit-elle, ne met pas un terme à la lutte contre le terrorisme, ni à ses conséquences sur notre manière de vivre, rappelle Le Monde.

Publié le 2 mai 2011 à 14:12
Oussama Ben Laden sur la chaîne de télévision arabe Al Jazira, le 7 octobre 2001.

Le hasard fait, parfois, bien les choses. L'homme qui a incarné le djihadisme international meurt au moment où le "printemps arabe" vient de porter un coup à ce fantasme totalitaire. Dès lors que les peuples arabes se révoltent au nom de la démocratie et non de l'islamisme ou du retour au califat prônés par Al-Qaida, Oussama Ben Laden était un moribond politique.

C'est presque la deuxième mort du fondateur d'Al-Qaida qu'a annoncée dimanche soir 1er mai le président Barack Obama, en indiquant qu'un commando américain avait tué Ben Laden au Pakistan.

Le premier avis de décès, politique celui-ci, du dissident saoudien, on pouvait le lire dans les slogans des manifestants de Tunis et du Caire. Y transparaissaient non pas la haine de l'Occident, "des croisés et des juifs", la haine de l'Amérique, cris de ralliement habituels de Ben Laden, mais un désir de liberté et de démocratie, deux "valeurs" abhorrées par le chef djihadiste.

Dans le monde arabe, au moins, Ben Laden avait perdu la bataille : la révolte en cours ne célèbre pas l'islamisme, cette illusion mortelle que portait le chef d'Al-Qaida selon laquelle le retour au califat et à l'islam des origines est la réponse à tous les problèmes des pays musulmans - voire à ceux du monde entier.

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Ben Laden meurt au moment où la capacité de mobilisation et d'entraînement de l'islamisme est sur le déclin. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura plus d'attentats. Ni même qu'Al-Qaida et ses filiales maghrébine et sahélienne ne séviront plus. Il y aura toujours des groupes se réclamant de la marque pour tuer et enlever, ici et là. Le Maroc vient d'en faire l'expérience.

Ce culte de la violence la plus aveugle n'est pas le seul héritage laissé par Ben Laden. L'homme qui disparaît a profondément marqué - pour le pire - ce début de XXIe siècle. Oussama Ben Laden, ce fils d'une riche famille saoudienne qui fit ses premières armes dans la lutte contre les Soviétiques en Afghanistan, a façonné le paysage stratégique qui est le nôtre.

Parce qu'ils ont cru devoir répondre par la guerre aux attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis sont toujours empêtrés dans deux conflits : en Irak et, surtout, en Afghanistan. Ces aventures les ont épuisés militairement, budgétairement ; elles ont durablement terni leur image dans le monde arabo-musulman.

M. Obama va pouvoir tirer profit aux Etats-Unis de l'élimination de Ben Laden ; il n'en reste pas moins enlisé dans l'imbroglio afghan.

L'héritage encore : Al-Qaida a prouvé qu'un petit groupe pouvait perpétrer un crime de masse. Si Ben Laden, doté d'une arme chimique ou biologique, avait pu tuer non pas 3 000 mais 3 millions de personnes à New York, il l'aurait fait.

Cette perspective a posé la lutte contre le terrorisme en priorité absolue. Et, au nom de celle-ci, en Amérique, en Europe et ailleurs, l'obsession sécuritaire a conduit à limiter les libertés publiques. On n'en a pas tout à fait fini avec Ben Laden.

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