Venise et ses yachts clinquants contre La Cité des Doges et ses églises baroques. Jaloux de leur patrimoine architectural, religieux et artistique ou tout simplement indifférents à l'art contemporain, les Vénitiens semblent n'avoir que faire du déballage qui se déploie dans leur ville, tous les deux ans à l'occasion de la Biennale. C'est ce qu'observe Olivier Cena, journaliste de Télérama, spécialiste de l'art contemporain, dans un article intitulé "Que c'est kitsch Venise". Toujours plus démesurée, la Biennale qui accueille cette année plus de 30 pays auxquels s'ajoutent 35 pavillons provisoires, finit par lasser ses habitants. "Le développement de la Biennale, son éparpillement dans la ville semblent inversement proportionnels à l'intérêt que les Vénitiens, asphyxiés quasiment toute l'année par le tourisme, lui portent", écrit Oliver Cena.
Ce n'est pas là le seul paradoxe de ce grand raout, souligne le journaliste. Curieusement, "plus la planète se mondialise plus la Biennale devient une addition de nationalismes", un événement où il est surtout question sa puissance, sa richesse et son influence. "On y voit des gloires naître : la Chine, hébergée maintenant dans un hangar situé au bout de l'Arsenal (…) ne tardera sans doute pas à obtenir l'autorisation de se construire un véritable pavillon". En 2011, même le Vatican aura le sien. Il y a quatre ans, les organisateurs avaient eu "l'idée généreuse" d'inviter l'Afrique oubliant que l'Afrique n'est pas un pays mais un continent…"A sa manière, la Biennale de Venise, à travers ses pavillons nationaux, est une carte économique et géopolitique de la planète", conclut Olivier Cena.
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Quelques bonnes surprises
"La Biennale de Venise est une véritable entreprise. Peu l’apprécient vraiment et pourtant tout le monde veut en être", écrit Jan Skřivánek, rédacteur en chef de la revue tchèque Art + Antiques. Mais il estime que cette année la biennale était différente : le pavillon tchèque et slovaque a été l’un des plus intéressants. "En disposant des arbres et des buissons à l’intérieur de ce pavillon, l’artiste Roman Ondák a souhaité briser la frontière entre réalité ordinaire "non-artistique" et galerie d’art, explique Skřivánek. Comme s’il n’existait pas de pavillon. Son installation a été interpétée comme une critique du concept d’exposition nationale, comme la représentation du pavillon d’un Etat tchécoslovaque inexistant."
Le Lion d’or du meilleur pavillon a été attribué aux Américains, avec l’installation Le Cercle des mains de Bruce Nauman. Mais, le journaliste note que les pays scandinaves, qui partagent eux aussi un pavillon, "ont remporté le plus grand succès". Les éléments du décor de leurs deux pavillons transformés en villa de luxe sont des œuvres empruntées à des collectionneurs privés. "Les Allemands ont fait parler d’eux en confiant leur pavillon à un Anglais vivant à Berlin", raconte encore Jan Skřivánek . "Et comme à leur habitude, les Russes se sont fait remarquer par une œuvre extrême : une moto traversant un mur, un espace maculé d’essence et de sang sacrifié aux victimes de la guerre en Tchétchénie."