"Taupek", la petite taupe du peintre et illustrateur tchèque Zdeněk Miler.

Les bonnes manières sont de retour

Soi-disant peu enclins à la politesse, les Tchèques veulent se débarrasser des mauvaises manières héritées de la période communiste et fréquentent à nouveau les cours de bienséance. Mais comme le remarque la Süddeutsche Zeitung, la monarchie des Habsbourg a laissé quelques traces de savoir-vivre. Tout de même !

Publié le 4 août 2009 à 09:57
"Taupek", la petite taupe du peintre et illustrateur tchèque Zdeněk Miler.

Il était inévitable que les garants des bonnes manières s'attaquent un jour au téléphone portable. Il fait de nous des témoins involontaires de bavardages amicaux, de drames conjugaux ou d'échanges excessifs de banalités. C’est pourquoi quiconque a vécu cette situation à plusieurs reprises, par exemple dans le tramway à Prague, approuvera avec ferveur Ladislav Špaček, lorsque ce dernier érige en règle d’or cette solution pour le maniement du portable : "Avant tout, ne pas déranger !"

Ladislav Špačekincarne une catégorie de personnes qui n’a plus été sollicitée en République tchèque et dans d’autres pays d’Europe centrale et orientale depuis des décennies. Et ce n'est qu'à présent qu'il recommence à faire l'objet d'une certaine considération. Ce bel esprit de soixante ans, qui a été maître de conférences en histoire de la langue tchèque à l’université Charles de Prague, puis présentateur du journal télévisé, est connu dans son pays comme un expert en bonnes manières et en convenances sociales. Il n’enseigne désormais pas seulement le tchèque, mais également la bienséance, une discipline proscrite du temps du communisme. Comment les bureaucrates prolétaires et les Blockwarte [gardiens d’immeuble chargés d’espionner leurs concitoyens pendant la période nazie, puis sous le communisme] auraient-ils pu trouver du plaisir dans les bonnes manières, une survivance des habitudes chevaleresques du Moyen-Age, qui a acquis sa forme définitive à Versailles, à la cour du roi Louis XIV ?

En ce qui concerne les anciens pays communistes, s’ajoute le fait, selon Špaček, que ces nations commencent à revenir dans le cercle de la civilisation européo-atlantique après des années d’isolement. Et les hommes d’affaires, les politiques ou les diplomates ressentent "l’influence dévastatrice" du communisme sur les bonnes manières comme un défaut qui complique les échanges internationaux. En effet, en Europe centrale et orientale, on vit quotidiennement des situations dans lesquelles un ton grossier prédomine. Les discussions politiques sont plus que jamais empreintes d'hostilité et de grossièreté. D’un autre côté, on trouve davantage de jeunes qui laissent leur place à une personne âgée dans les tramway à Prague qu’à Munich ou à Hambourg. Et l’un des hommes politiques préférés des Tchèques reste tout de même le prince Karl Schwarzenberg, qui est revenu en République tchèque après avoir vécu en Autriche et en Suisse et qui observe "l’étiquette" sans aucune retenue - jusqu’au baisemain, qui, en République tchèque et à la différence de la Pologne, est particulièrement démodé.

Václav Havel en pull-over au château de Prague

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Des vestiges fondamentaux des anciennes bonnes manières sont donc encore présents. De même, les Tchèques ont aussi gardé, des siècles durant, en tant qu’héritage de leur appartenance à la monarchie des Habsbourg, la formule de politesse devant les titres : Monsieur l’ingénieur, Madame le maître des arts, Monsieur le rédacteur et ainsi de suite. Le reste a été jeté aux oubliettes. Ainsi, Monsieur le précepteur Špaček a été frappé par le fait que beaucoup de Tchèques tiennent leurs couverts en l’air lors des repas au lieu de les diriger vers l’assiette. Le communisme a vraiment causé les pires ravages dans les restaurants et dans l’art culinaire.

Le professeur d'"étiquette" n’a pas besoin de recourir aux recommandations des Habsbourg ou même au baron allemand Adolph Knigge [la Nadine de Rothschild allemande] pour dispenser ses conseils. Il lui suffit de suivre quelques traditions nationales. Peu après la création de la République tchèque en 1918, l’écrivain, traducteur et président du Comité olympique tchécoslovaque Jiři Stanislav Guth-Jarkovsky, alors maître de cérémonie du président Tomáš G. Masaryk, avait adapté l'ancien protocole impérial aux nouvelles règles républicaines. Il est aujourd’hui vénéré par l’élite cultivée tchèque et représente évidemment aussi un modèle pour Špaček.

Ce dernier a également puisé dans ses propres expériences, accumulées tout au long de ses treize années au poste de porte-parole du président de la République Václav Havel, qui l’ont amené à participer à des galas dans plus de cinquante pays. Il est vrai qu'au début, Havel arrivait au château de Prague vêtu d’un pull-over, pour disparaître au bistrot à la première occasion. Mais par la suite, il est devenu un parfait gentleman.

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