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Une Europe unie : une bonne affaire pour les eurocrates

Tony Blair a déclaré qu'il fallait à l'Europe davantage d'intégration et un président démocratiquement élu à sa tête, mais un journaliste du Daily Telegraph avance que les seules personnes qui en bénéficieraient seraient l'armée d'eurocrates de Bruxelles.

Publié le 15 juin 2011 à 14:56

La semaine dernière a vu son cortège de nouvelles désespérément familières en provenance de l'UE : des hauts fonctionnaires qui voyagent séparément en avion privé tout en faisant la morale au monde sur la nécessité de réduire les émissions de CO2 ; des parlementaires qui exigent une augmentation du budget et proposent de nouveaux impôts pour "harmoniser" davantage la situation des Etats de l'UE en dépit des réductions budgétaires opérées sur tout le continent.

La plupart des responsables politiques européens et la plupart des politiques mises en oeuvre par l'UE manquent de légitimité et ils le savent. Quand Tony Blair a déclaré avec insistance qu'il fallait à l'Europe un "président élu", il exprimait donc la conviction profonde de presque toutes les personnes impliquées dans l'administration politique paneuropéenne, qu'une plus grande unité est meilleure pour tout le monde.

Peu importe que "le projet" manque de soutien populaire. Même le fait que les électeurs expriment leur préoccupation à propos (par exemple) de l'ouverture des frontières au sein de l'UE n'a pas le moindre effet sur la conviction des eurocrates qu'on ne peut aller que dans une direction: vers une union plus étroite et donc vers la disparition finale de l'Etat-nation.

Pourquoi soutenir que l'Etat-nation sera et doit être remplacé par les autorités européennes? Tout revient aux propos apparemment anodins tenus par M. Blair la semaine dernière : "Il est raisonnable que les pays européens s'associent et se servent de leur poids collectif pour pouvoir exercer une influence." Comment l'entité formée en "s'associant" en vient-elle à avoir une autorité politique légitime supérieure à celle des Etats-nations qui la constituent? Cette question reste toujours sans réponse.

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Il y a une raison évidente à ce silence assourdissant : pour la population de chaque pays, l'Etat et ses assemblées élues sont les seules institutions ayant compétence pour faire des lois qu'elle a approuvées. L'élection d'un président européen ne changera rien à cela. Elle ne fera que donner un semblant de vernis démocratique au projet d'unification alors qu'elle aura pour effet concret d'éroder le seul lien entre la façon dont les lois sont faites et la volonté du peuple. La législation qui émerge de Bruxelles ne possède pas ce lien. C'est pourtant ce sur quoi le projet européen s'est construit.

Un projet pour permettre aux eurocrates de se sentir importants

Je peux comprendre qu'une extension de l'Union européenne présente des bénéfices pour les responsables politiques du continent qui ont droit aux babioles qui vont avec leur fonction: cortèges d'automobiles, avions privés, officiels serviles et impression de pouvoir enivrante. Mais quelles sont les conséquences pour nous?

Les partisans de cette idée affirment qu'une Europe unie sera une Europe puissante et pourra négocier de meilleures accords en matière de commerce et de sécurité. La liberté des échanges entre les pays présente de gros avantages mais il n'est pas nécessaire pour y parvenir d'aller au delà d'une coopération entre les Etats. Il n'est certainement pas nécessaire de remplacer l'Etat-nation par une administration supranationale.

Et l'idée qu'une Europe unie sera mieux à même de défendre la sécurité et les valeurs de sa population est illusoire. "L'Europe" possède tout l'appareil d'une politique de défense unifiée : une administration de la défense, un ministère des Affaires étrangères et un ministre des Affaires étrangères.

L'opération libyenne a été décidée par l'UE mais comme Robert Gates, le ministre de la Défense américain sur le départ, l'a fait remarquer la semaine dernière, les pays européens sont incapables de l'organiser. La campagne de bombardements a nécessité "une augmentation considérable du nombre de spécialistes du tir, essentiellement américains, pour pouvoir se faire." Après onze semaines de campagne, les pays européens "commencent à manquer de munitions et demandent une fois de plus aux Etats-Unis de venir à la rescousse."

Si on en est là, c'est parce qu'il y a trop de pays de pays européens qui entendent profiter des bénéfices de la coopération militaire mais sans être prêts à en partager les risques et le coût : ils veulent tout pour rien.

Ceci est d'une certaine façon rassurant, car cela montre que le projet d'union accrue échoue sur l'écueil de l'intérêt national. Ceci laisse entendre qu'au fond, il n'est rien de plus qu'un moyen destiné à permettre aux eurocrates de se sentir importants. Le drame, c'est qu'il risque ainsi de finir par détruire notre démocratie.

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