Bruxelles, nid d'espions

Capitale politique de l'Europe, Bruxelles est aussi un haut lieu de l'espionnage mondial, car il s'y concentrent des enjeux économiques, technologiques, géopolitiques et militaires.

Publié le 26 mai 2009 à 14:22

Bruxelles est un nid d’espions. Non seulement l’activité des services secrets étrangers dans la capitale belge n'a pas faibli après la fin de la Guerre froide mais elle s'est, depuis, considérablement développée. A tel point que la Commission européenne a récemment diffusé une note interne auprès de ses cadres les incitant à prendre des mesures pour lutter contre les tentatives répétées de “se procurer des documents officiels et sensibles” sur les activités de la Commission. La note indique que “certains pays, groupes de pression, journalistes et agences privées essaient de se procurer des informations protégées”. Et elle précise que “des personnes liées aux services secrets” opèrent sous la couverture de “boursiers, journalistes, fonctionnaires d’Etats et techniciens informatiques de l’Union européenne (UE) affectés à la Commission européenne”.

Bruxelles est, avec Washington et Genève, l’une des trois villes-clés pour les services d’espionnage du monde entier”, explique Kristof Clerix, auteur du livre Les services secrets en Belgique. En toute impunité ?Les méthodes restent les mêmes que pendant la Guerre froide : gagner puis exploiter la confiance de ses cibles. Ce qui a changé c’est l’utilisation des nouvelles technologies et l’importance croissante des questions économiques”, ajoute Clerix, journaliste au MO, mensuel belge de politique internationale.

Dans les affaires politiques et militaires, Bruxelles est encore plus intéressante pour les espions qu’à l’époque de la Guerre froide”, souligne-t-il. L’OTAN ne se limite plus à la défense des alliés mais entreprend désormais des opérations militaires en Bosnie, au Kosovo, en Afghanistan et a étendu son influence sur les anciennes Républiques soviétiques d’Asie centrale. L’UE a quant à elle des compétences en matière de politique extérieure et de défense. Elle développe également des interventions militaires et politiques de grande envergure, notamment en Bosnie, au Kosovo, en Macédoine, au Congo, en Somalie.

Outre ces questions politiques et militaires classiques, trois autres facteurs font de Bruxelles une destination prisée par les services secrets étrangers : la présence en Belgique de centres technologiques à vocation spatiale et militaire, l'utilisation du territoire comme base arrière du terrorisme international et l'implantation de fortes communautés d’immigrés turcs, marocains et d’Afrique centrale, très actives politiquement et surveillées de près par les gouvernements de leurs pays d’origine. “Au cours de ces 20 dernières années, la Belgique a joué un rôle important dans le domaine du terrorisme international. C’est un petit pays dont il est facile de s’enfuir et qui compte une importante communauté d’immigrés musulmans”, fait remarquer Clerix.

Le meilleur du journalisme européen dans votre boîte mail chaque jeudi

Sur l’échiquier de l’espionnage en Belgique, la Chine est l’un des pays les plus actifs. Si elle cherche surtout à se procurer des informations scientifiques et technologiques, elle suit aussi de près la question tibétaine, l'activité de ses opposants politiques et le mouvement religieux Falun Gong.

En marge de l’espionnage américain sur les transactions bancaires mondiales à travers la société Swift - qui continue d’opérer malgré le scandale dont elle a fait l’objet -, la dernière grande affaire en date visait le Conseil des ministres de l’UE. Pendant huit ans, le Conseil des ministres a été espionné de façon continue, jusqu’à ce que l’on découvre le pot aux roses en 2003. Cinq boîtiers installés pendant la construction du bâtiment permettaient d’intercepter les conversations téléphoniques des délégations espagnole, française, allemande, italienne, britannique et autrichienne. Des sources diplomatiques ont pointé du doigt Israël mais personne n’a jamais osé formuler la moindre accusation officielle. A en croire des sources proches de l’affaire, les enquêteurs belges ont reçu l'ordre de ne pas trop approfondir leurs recherches.

Avec 56 000 diplomates, 15 000 lobbyistes, 1 200 journalistes et des milliers d’interprètes et d’étudiants étrangers, Bruxelles est l’endroit idéal pour se lancer dans le deuxième plus vieux métier du monde. C’est aussi la ville où vous avez le plus de chance d'être contact avec un espion…sans le savoir.

Tags
Cet article vous a intéressé ? Nous en sommes très heureux ! Il est en accès libre, car nous pensons qu’une information libre et indépendante est essentielle pour la démocratie. Mais ce droit n’est pas garanti pour toujours et l’indépendance a un coût. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à publier une information indépendante et multilingue à destination de tous les Européens. Découvrez nos offres d’abonnement et leurs avantages exclusifs, et devenez membre dès à présent de notre communauté !

Média, entreprise ou organisation: découvrez notre offre de services éditoriaux sur-mesure et de traduction multilingue.

Soutenez le journalisme européen indépendant

La démocratie européenne a besoin de médias indépendants. Rejoignez notre communauté !

sur le même sujet