Photo: Jessica Reeder

Des vacances de Wwoof

Wwoof, un réseau mondial de fermes converties à l’agriculture biologique accueille chaque année des milliers de bénévoles qui donnent un coup de main au sein de l’exploitation, en échange d'un toit et du couvert. Lilian Maria Pithan a tenté l'expérience dans le Devon.

Publié le 14 août 2009 à 11:10
Photo: Jessica Reeder

Je suis terrée dans un sous-bois humide d'un des comtés les plus pluvieux d'Angleterre, et le pire, c’est que j’y suis venue volontairement. Mes bottes en caoutchouc sont trop grandes d’au moins trois pointures, et restent désespérément humides alors que d'énormes en font l’ascension. Il fait sombre, je gèle et je commence à me faire du souci. Qu’est-ce que je fais là, assise à côté d’un vieux fermier, posée sur une serviette au milieu de la forêt à attendre qu’un blaireau sorte de son trou ?

La réponse est simple : je suis devenue une Wwoofer. Rien avoir avec l'univers canin. Wwoofsignifie : "World wide opportunities on organic farms". Cette organisation dédiée au soutien et à la diffusion de la culture biologique a été fondée en 1971, en Angleterre. A l’époque, il fallait verser quelques livres sterling pour adhérer au groupe et recevoir par la poste un petit cahier dans lequel étaient répertoriés tous les agriculteurs biologiques d’Angleterre se proposant d'accueillir des bénévoles. En quelques coups de téléphones, les vacances à la ferme sans OGM étaient conclues.

Un réseau planétaire

Près de quarante ans plus tard, le réseau Wwoof s’est étendu au monde entier. Mali, Réunion, Amérique du Nord ou Chypre… presque tous les pays sont représentés dans la liste des exploitations agricoles biologiques, et tous les jours, des petits nouveaux viennent l’allonger. Toutefois, les frais d’adhésion (20 euros) sont restés constants. Une fois sur place, il faut travailler quatre à huit heures par jour au quotidien, auprès des agriculteurs, pour payer le lit et le couvert. Le reste du temps, libre à vous de voyager pour explorer les environs. Quatre heures de désherbage ou de nettoyage d’étable sont ainsi récompensées par une vue époustouflante sur les Pyrénées françaises ou les chutes du Niagara.

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Mon expérience de Wwoofing m'a fait rencontrer Roy, vieux chasseur de blaireau, qui vit dans une caravane verte, romantique, avec vue sur les vastes forêts du Devon. Un potager bien entretenu, deux fourneaux ouverts, une douche en plein air bricolée par le propriétaire, et les meilleures framboises de toute l'Angleterre viennent parfaire ce tableau bucolique. Sans soleil, pas d'électricité ni d’eau chaude. Pour se laver, Roy m’explique que je dois aller à la piscine publique de la ville la plus proche. La source à côté du grand champ s'est tarie depuis longtemps (à quoi servent les pompes ?) mais croyez le ou non, ce bout de paradis s’appelle "Waterland".

"When are you coming back ?"

Contrairement aux clichés, les agriculteurs biologiques sont pour la plupart des hommes intelligents et dynamiques ayant un jour découvert par hasard leur amour pour la culture maraîchère. Outre quelques économistes et d’anciens directeurs d’entreprises, j'ai aussi fait la connaissance de professeurs d'université et de microbiologistes, qui ont, à un moment de leur vie, renoncé à leur carrière pour se consacrer à la culture des pommes de terre. Une vie plus saine suppose de fait un déplacement à la campagne, et ce concept ne pouvait que me plaire.

La loupiote a déjà rendu l’âme depuis longtemps et je gèle. J'ose une timide question : les blaireaux se hasarderont-ils à sortir aujourd'hui ? Roy me prie de me taire. Le son de ma voix risque d’effrayer les animaux. Quand enfin, quelques minutes plus tard, je m’assoie dans la caravane pour dévorer un bol de lentilles à la cuillère, je réalise que malgré mes moqueries, mon hôte vient de m’enseigner les rudiments des constellations, la nuit et les étoiles. Quelques jours plus tard, en Cornouailles, je reçois un SMS : "Seen a badger [blaireau] yesterday. When are you coming back ?" Je suis retournée voir Roy quelques fois. Et je n'ai toujours pas vu de blaireau. Mais ce n’est qu’un prétexte pour chausser une nouvelle fois mes bottes en caoutchouc !

Lilian Maria Pithan. Traduit par Helene Gouhier

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