Un navire porte-container dans le port de Hambourg (Photocapy)

Le trafic des containers en plein naufrage

La crise économique mondiale a considérablement affecté le transport maritime. La demande et les prix se sont effondrés. Résultat, les ports sont pleins de cargos…vides. Hambourg, l'un des plus importants centres d'activité dans le domaine subit la crise de plein fouet.

Publié le 14 août 2009 à 13:20
Un navire porte-container dans le port de Hambourg (Photocapy)

Le secteur du transport maritime a été le premier à profiter de la mondialisation et de son rythme incessant, exigeant la livraison de toujours plus de marchandises, toujours plus vite. Depuis que la Chine est devenue l’atelier du monde, cette branche a affiché un taux de croissance annuel phénoménal. En 2008, près de 500 millions de conteneurs standards (TEU) ont sillonné les océans, soit le double d’il y a environ dix ans. Année après année, les bateaux se sont agrandis, les ports se sont développés et les liaisons régulières se sont multipliées. La capacité de transport de la totalité de la flotte mondiale est passée de 4 millions de TEU en 2000 à 12,5 millions aujourd’hui. Compagnies maritimes, banquiers, investisseurs, nombreux sont ceux qui ont fait fortune pendant la croissance de ces dernières années, notamment à Hambourg. Au cours de la décennie passée, la ville hanséatique s’est hissée au rang de premier centre d’activité et de financement des navires cargos les plus modernes. Aujourd’hui, 35% des grands bateaux cargos appartiennent à des propriétaires allemands. Près de 60 institutions bancaires spécialisées ont établi leur siège à Hambourg.

Des cargos à moitié vides

Du jour au lendemain, la crise financière et économique a coupé court à l’activité du secteur. Pour la première fois dans son histoire, la branche du transport maritime s’est contractée, affichant un repli de presque 16% au premier semestre de cette année. Les nouveaux bateaux cargos sont bien trop gros pour les quantités de marchandises à transporter. Bien souvent, ils naviguent à moitié vides, quand ils ne restent pas à quai. Les grandes liaisons régulières sont menacées de faillite et avec elles, les compagnies maritimes et ceux qui les financent. Alors qu’il a été parmi les principaux gagnants de la mondialisation, le secteur pourrait aujourd’hui en être une des premières victimes. La crise est visible, à Hambourg peut-être plus qu’ailleurs. Etablie près du Binnenalster [un des deux lacs artificiels de Hambourg] depuis près d’un siècle, la société Hapag-Lloyd, patrimoine de la ville, qui figurait parmi les premières compagnies maritimes au monde est à présent, le symbole de la crise. Ses résultats sont scrutés dans le monde entier par les entreprises concurrentes, les banquiers et les responsables du secteur qui se demandent avec anxiété : si même Hapag-Lloyd n’arrive pas à s’en sortir, qui sera la prochaine victime ? Pour l'aider à surmonter la crise, l’Etat a décidé de se porter garant de la compagnie à hauteur d’un milliard d’euros. Hapag-Lloyd devra également se séparer des bateaux dont elle n’est pas propriétaire. Il y a toujours eu des hauts et des bas dans le transport maritime, mais cette crise est considérée comme plus grave aux yeux des entreprises concernées. "On n’a jamais manqué de marchandises à livrer auparavant", explique Kranich. C’est pourtant le cas aujourd’hui : l’Occident ne consomme plus assez et l’Orient ne produit plus assez pour remplir les géants de la flotte commerciale mondiale. Ce qui explique l’effondrement des prix.

Dix dollars pour un téléviseur

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Aussi désespérées soient-elles, les entreprises s’efforcent vainement de faire remonter les prix. Le coût du conteneur entre l’Asie et l’Europe serait déjà remonté à 500 dollars, officiellement du moins. Pourtant, ces augmentations ne sont guère ressenties par le consommateur et le producteur car le coût du transport maritime influe peu sur le prix final de la marchandise. Le transport entre l’Asie et l’Europe coûte dix dollars pour un téléviseur, un dollar pour un aspirateur et un cent pour une bouteille de bière. C’est l’invention du conteneur qui a permis de réduire ainsi les coûts du transport. Rien n’a autant fait progresser la mondialisation depuis les années 80 que l’arrivée de ces grosses caisses de métal. C’est grâce aux conteneurs que la Chine a pu se hisser au rang de grande puissance économique. Grâce à eux, il est devenu rentable de faire pousser des tomates en Espagne, de les transformer en Chine et de les revendre en Espagne sous forme de concentré.

Effet domino

Sur les 4619 bateaux cargos qui sillonnent le globe, près de 1644 appartiennent à des armateurs allemands. Presque à l’insu de l’opinion publique, une petite dizaine d’armateurs, de banquiers et de fonds d’investissement ont fait d'Hambourg, le premier port pour le financement et la construction de navires cargos modernes. Au lieu d’exploiter leurs bateaux sur leurs propres liaisons, ils se contentent de les affréter, généralement avec un équipage. Le secteur est donc menacé par un effet domino : les compagnies maritimes risquent de ne plus pouvoir payer la location de leurs navires, les armateurs et les investisseurs ne pourront plus rembourser les banques qui sont elles mêmes déjà affectées par la crise. Mais le pire est encore à venir : en 2008, les compagnies maritimes allemandes ont commandé 1550 navires supplémentaires, qui devraient être livrés dans les prochaines années. Afin de réduire cette surcapacité, certains bateaux sont d’ores et déjà déclassés. Partout dans le monde, des navires délaissés ont jeté l’ancre dans des ports, des embouchures de fleuve ou des baies. Selon les experts, il faudra attendre 2012 avant que le trafic commercial maritime ne retrouve son niveau de 2008. Pendant des années, Hambourg a connu la plus forte croissance d’Europe, triplant ses revenus en l’espace de dix ans pour accueillir près de 10 millions de conteneurs. Il devait en faire transiter 20 millions d’ici 2015. Plus personne n’y croit à présent. Les revenus du port ont diminué d’un tiers au premier trimestre et son programme de développement (à hauteur de 750 millions d’euros) a été suspendu. "Pourquoi dépenser des milliards pour des navires qui n’arriveront peut-être jamais ?", s’interroge un responsable du secteur.

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