Une oeuvre de l'artiste israélien Ori Melamed réalisée en janvier 2004 pour protester contre l'installation d'une plasticienne suédoise mettant en scène une kamikaze palestinienne lors d'une exposition à Stockholm. (AFP)

Mauvais sang entre l'UE et Israël

La visite du Premier ministre israélien en Europe, le 25 août, ne pouvait se dérouler sous de pires auspices : la présidence suédoise de l'Union est empêtrée dans une crise diplomatique avec Israël depuis la publication d'un article dans le quotidien de Stockholm Aftonbladet accusant des soldats israéliens d'avoir tué des Palestiniens pour prélever leurs organes.

Publié le 24 août 2009 à 14:36
Une oeuvre de l'artiste israélien Ori Melamed réalisée en janvier 2004 pour protester contre l'installation d'une plasticienne suédoise mettant en scène une kamikaze palestinienne lors d'une exposition à Stockholm. (AFP)

En quelques jours, note Le Temps, de Genève, "l'affaire s’est transformée en incident diplomatique majeur entre les deux pays. Mais également entre Israël et l’Union européenne". Euboserver.com explique qu'alors que "le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, attendu le 25 août à Bruxelles pour des discussions centrées sur l'expansion des colonies juives, demande que la Suède condamne formellement l'article", le ministre des Affaires étrangères suédois s'y refuse. Carl Bildt a ainsi écrit le 21 août dans son blog que "le principe de la liberté d'expression tel qu'il est entendu en Suède comporte que le gouvernement n'a pas tendance à condamner les articles parus dans les journaux", raconte encore euobserver.com. Le site bruxellois ajoute également que "la tension diplomatique est montée d'un cran, après que le ministre des Finances israélien Yuval Steinitz a déclaré que M. Bildt, qui doit se rendre en Israël le 10 septembre, n'est plus le bienvenu".

Le Temps rapporte quant à lui que "le ministre de l’Intérieur de l’Etat hébreu, Elie Yshaï, a confirmé dimanche qu’il ne renouvellerait pas le visa et le permis de séjour de plusieurs journalistes suédois basés en Israël. Dans la foulée, l’Office de presse gouvernemental ne leur délivrera plus les cartes officielles leur permettant, entre autres, de circuler librement dans les territoires palestiniens". Euobserver.com rappelle enfin que "les relations entre l'UE et Israël n'ont cessé de se dégrader depuis le début de l'année, avec l'attaque israélienne contre Gaza : Bruxelles a suspendu depuis le renforcement des relations et annoncé qu'il n'y aurait pas de changement tant qu'Israël n'arrêtera pas l'expansion des colonies dans les territoires palestiniens occupés".

Pour Der Spiegel il s'agit de "la plus profonde crise diplomatique entre la Suède et Israël depuis des années". L'hebdomadaire allemand tente également d'expliquer le point de vue israélien: "Cette accusation de vol d'organes rappelle les stéréotypes antisémites datant du moyen-âge selon lesquels les juifs auraient utilisé le sang des chrétiens pour leurs rituels religieux". Sur son blog, le journaliste israélo-polonais Eli Barbur affirme que "dans la perception des Israéliens, la Suède, avec ses 9 millions d'habitants, est le pays le plus anti-israélien de l'Union (40% des Suédois reconnaissent avoir des sentiments antisémites)", et il ajoute qu'"en tant que présidente de l'UE, la Suède ne pourra pas négocier de façon efficace sur le Moyen-Orient (malgré sa volonté farouche, avec le reste de l'Europe, d'y parvenir), si elle ne présente pas d'excuses officielles".

Diabolisation contre liberté d'expression

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Dans le quotidien israélien Jerusalem Post, l'ancien ambassadeur d'Israël Zvi Mazel affirme que "pendant ces vingt dernières années, Israël a été attaqué de façon indiscriminée par les gouvernements européens, tandis que la presse européenne déforme les informations en provenance du Moyen-Orient. La presse suédoise a été à la pointe de cette tendance, et, avec l'article publié la semaine dernière par Aftonbladet, elle a clairement passé la limite". M. Mazel rappelle ensuite le passé pro-nazi du principal quotidien suédois et "la sorte de dictature exercée par les sociaux-démocrates et les syndicats - tous deux anti-israéliens - sur la presse" (y compris sur Aftonbladet), et invite Israël à réagir aux "attaques provenant de l'Europe, et en particulier d'Europe occidentale et des pays de l'UE. Cette diabolisation d'Israël est une véritable menace, qui doit être prise au sérieux".

Un autre grand quotidien israélien, Haaretz, tente, lui, de remettre les événements dans le contexte et il cite pour cela Lena Posner, présidente du Conseil officiel des communautés juives de Suède, selon laquelle "la demande israélienne au gouvernement suédois de condamner l'article d'Aftonbladet a rendu l'affaire complètement disproportionnée. Personne n'avait remarqué l'article – qui était certainement antisémite et faux – car il était enseveli au fin fond du journal. Mais la réponse israélienne a poussé le journaliste qui l'a écrit, Donald Boström, sur le devant de la scène et dans le cœur de l'opinion publique dominante en Suède. Ce qui est pire", note Lena Posner, c'est que "le débat est passé de l'antisémitisme à la liberté de presse en Suède : au lieu de se consacrer à vérifier l'article, ils en ont fait une affaire de liberté d'expression. Le gouvernement ne condamnera pas l'article", conclut Lena Posner : "ici, la liberté d'expression est sacro-sainte". A ce propos, fait remarquer le quotidien autrichien Die Presse, "lorsqu'il avait été question des caricatures de Mahomet, le ministère des Affaires étrangères suédois avait envoyé une lettre de protestation au gouvernement danois".

Dans les colonnes d'Aftonbladet enfin, la rédactrice en chef Helle Klein, affirme que les réactions du gouvernement israélien "battent le record de l´exagération". D'après elle, "le gouvernement israélien, un des plus conservateurs de l´histoire du pays, a besoin de rassembler l´opinion publique autour d´un ennemi extérieur". L´article d'Aftonbladet serait ainsi devenu "l´occasion pour le gouvernement israélien de montrer sa détermination contre le prétendu antisémitisme", ce qui devrait susciter, écrit-elle "l'inquiétude même chez les amis les plus ardents d'Israël".

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