L’euro vit-il ses dernières grandes vacances ?

La bureaucratie européenne est lente et l’Allemagne s’obstine à refuser le seul remède capable de sauver l’euro et l’Europe : une prise en charge commune de la dette publique et le renoncement à la souveraineté nationale en matière de politique budgétaire.

Publié le 5 août 2011 à 14:50

Les marchés se sont glissés dans une des nombreuses failles du système européen, générant un énième effondrement boursier et une nouvelle envolée des taux d’intérêts, devenus désormais les accélérateurs de la crise des dettes souveraines au cœur de la zone euro. Mais cette tempête aussi, comme celles qui ont précédé, est le symptôme d’un déséquilibre politique.

Or si une solution n’est pas trouvée à ce déséquilibre, l’Europe pourra difficilement survivre. La brèche qui a offert cette fois le prétexte de l’attaque est l’incroyable retard de la bureaucratie européenne dans la mise en pratique des décisions prises au sommet des chefs de gouvernement le 21 juillet.

Si tout va bien, les décisions qualifiées d’"urgentes" prises en juillet ne deviendront opérationnelles qu’à la fin septembre. Et à ce moment-là, elles s’avéreront insuffisantes. Le 4 août, précisément au moment où le président de la Commission José Manuel Barroso appelait les gouvernements à une rapide mise en œuvre des décisions prises en juillet "qui manifestement n’ont pas l’effet attendu", la Banque centrale européenne (BCE) a tenté de colmater la énième voie d’eau de la barque de l’euro, en annonçant qu’elle avait décidé "à une écrasante majorité" de reprendre les acquisitions sur le marché secondaire [où ces bons sont revendus par leurs acheteurs] de bons du trésor des pays en difficulté.

La BCE a agi de mauvais gré

Depuis mai, Francfort avait suspendu les interventions, demandant que cette responsabilité soit transférée au Fond européen de stabilité financière (FESF). Mais étant donné que le Fond est bloqué par les lenteurs bruxelloises, la BCE a dû encore une fois entrer en action. Et elle l’a fait de mauvais gré. Certes, la décision a été prise à la majorité, probablement malgré un vote hostile des Allemands. Et cela n’a pas suffit à calmer les marchés.

La tempête, donc, est destinée à durer. Ou du moins à se répéter à intervalles de plus en plus rapprochés. Au moins aussi longtemps que les gouvernements ne comprendront pas la nécessité de réfléchir, sur la "complexité et le caractère incomplet des décisions prises jusqu’à maintenant", comme le demande José Manuel Barroso.

À dire vrai, chacun connaît le seul remède capable de sauver l’euro et l'Europe. Mais l’Allemagne d’Angela Merkel continue à refuser la thérapie et les autres gouvernements n’ont pas la force de la faire changer d’avis, tandis que les marchés parient depuis plus d’un an sur la mort du patient avant qu’il ait pu recevoir les soins dont il a besoin.

En dépit de l’extrême complexité de la crise actuelle, la question est simple : les marchés n’ont pas tout à fait tort de ne pas croire que la monnaie unique puisse continuer à exister si l’on reste accroché au principe du chacun pour soi en matière de dette publique, et donc si on continue à appliquer des taux d'intérêts différents pour les titres émis par chaque pays de la même monnaie.

La solution existe, mais elle est bloquée par l'Allemagne

La solution, partagée par plusieurs des acteurs, consiste à accepter une responsabilité commune pour la dette publique accumulée. Cet objectif peut être atteint, au moins en partie, grâce à l’émission d’un eurobond pour une part significative de l’endettement européen. La contrepartie politique de cette manœuvre consiste à renoncer à la souveraineté nationale sur les politiques budgétaires, qui seraient déléguées à un "ministre des Finances européennes". D’ailleurs, les marges d’autonomie des gouvernements nationaux sur la gestion des budgets sont aujourd’hui déjà extrêmement réduites.

Mais jusqu’à maintenant, la solution du problème a été bloquée par l’Allemagne, dont les comptes sont en ordre et qui ne veut pas prendre en charge les énormes dettes accumulées par des pays comme l’Italie ou la Grèce. Pour contourner le veto allemand, on a eu recours à des systèmes extrêmement complexes et peu efficaces, comme le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Mais il est désormais évident que ce type de palliatif a surtout un rôle d’incitation à la spéculation, qui continue à jouer sur les différences entre les taux d’intérêts. Nombreux sont ceux qui ont dénoncé ces derniers mois "l'égoïsme" des allemands et lancé des appels à une fantomatique "solidarité européenne".

En réalité, le problème ne pourra être résolu que si et quand l’Allemagne comprendra que la fin de l’euro et du marché unique et l’inévitable catastrophe financière qui en résulterait, pourraient lui coûter bien plus cher que la prise en charge de la dette commune. Jusqu’à ce jour, aucun gouvernement n'a eu le courage de mettre Angela Merkel au pied du mur.

Mais si les gouvernements se défilent, les marchés sont déjà en train de s’en charger. Avec l'Italie sous le feu des attaques, le moment de la décision finale ne peut guère tarder. Si l’Allemagne dit oui, l'euro et l'Europe seront sauvés. Dans le cas contraire, préparons-nous au pire. L’Allemagne y compris.

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