Le faux bio, une affaire en or

En matière de fraude à l’UE, chacun a sa spécialité : les Grecs inventaient des oliviers en plastique, les Italiens des oranges virtuelles. En Pologne, les fausses fermes bio ont la cote. Sauf qu’elles sont parfaitement légales, rapporte Polityka.

Publié le 8 août 2011 à 13:44

Avant 2004, à l’époque où l'État ne subventionnait pas encore les agriculteurs mettant en place des cultures biologiques, le pays ne comptait que 3 700 fermes de ce type. Les quelques irréductibles qui s’y lançaient, le faisaient avant tout pour des raisons idéologiques, et avec la conviction de produire des aliments plus sains. Faire de l’argent avec du bio, était plutôt difficile. Actuellement, la Pologne ne compte pas moins de 21 000 exploitations biologiques, qui s’étendent sur une superficie de 519 000 hectares.

Un bond qui devrait alerter les responsables de la Politique agricole commune (PAC) au sein de l'UE, quelque chose paraissant là à l’évidence trop beau. En effet, durant les six dernières années où des subventions agricoles ont été accordées à l’ensemble des agriculteurs de notre pays, la taille moyenne d’une exploitation agricole n’a toujours pas dépassé les 6,8 ha. La superficie moyenne d’une ferme biologique a en revanche explosé, atteignant 25,2 ha en moyenne. Sans parler d’exploitations de plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’hectares qui ont également vu le jour.

Dorta Metera, membre du Conseil de l'agriculture biologique, et dirigeante de la société Bioekspert, qui certifie des produits par le label Eko, souligne que dans les pays comme l'Allemagne, qui fournissent un véritable soutien au secteur biologique, les producteurs insistent sur la nécsesité de remplir une série de conditions strictes. "*En Allemagne, les subventions sont versées [seulement] lorsque le champ produit des cultures de haute qualité.*" Il n’en va pas de même pour le ministère polonais de l'Agriculture, qui a ouvert une première porte aux fraudeurs. Après 2004, l’agriculture biologique a attiré des personnes qui, avant même d’aller dans les champs, ont d'abord soigneusement étudié les conditions d’obtention des précieuses subventions européennes avec l’aide de cabinets d’avocats spécialisés. Certaines des exploitations bio sont d’ailleurs la propriété de ces mêmes cabinets.

La noix bio vaut de l'or

La culture des légumes bio, pour lesquels l'Agence pour la restructuration et la modernisation de l'agriculture, distribue aux maraîchers une dotation de1 550 złotys [environ 380 euros] par hectare cultivé, reste un domaine réservé aux véritables écolos, et non à des spéculateurs attirés par les profits. Ceux-ci préfèrent investir dans la noix bio, particulièrement rentable en terme de subventions. On fait une véritable affaire, si la subvention concerne quelques centaines, voire un millier d'hectares : dans ce cas la dotation peut atteindre 2.800.000 zł [près de 700 000 euros]. Tout le monde sait ici que la noix vaut de l’or.

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Tout le monde, y compris les sociétés de certification biologique, qui, de leur propre aveu, ne vérifient sur le terrain ni les cultures ni les récoltes, car la loi ne les y oblige pas. "Si l'entreprise de certification exprime néanmoins quelques réserves, l’agriculteur biologique lui préférera une autre, plus indulgente", explique Teresa Ropelewska d'Agro Bio Test. La remise en question du caractère bio d’une exploitation par des certificateurs trop rigoureux peut même leur valoir un procès. Les sociétés de certification, qui tiennent à garder leurs clients, deviennent ainsi très disciplinées et discrètes.

Les plus importantes d’entre elles appartiennent par ailleurs à des personnes liées à des milieux politiques de tous bords. Et elles se limitent souvent, en cas d’irrégularité, à les signaler à l'Agence pour la restructuration et la modernisation de l'agriculture. Cette agence, qui gère l’attribution des subventions, n’est cependant pas à l’origine de la législation qui encourage l’escroquerie. Le berceau de la loi se trouve au ministère de l'Agriculture, particulièrement indifférent aux suggestions de l’agence en faveur d’une révision des règles en vigueur.

La loi était supposée évoluer, après qu’il a été révélé que le vice-ministre de l'environnement dans l’actuel gouvernement possédait une plantation fictive de noix écologiques. Et si les subventions pour la culture des noix ont effectivement considérablement diminué, les escrocs ont trouvé une autre échappatoire : "Désormais, les plantations, envahies de mauvaises herbes, sont investies par des petits pommiers, plantés à tout va, souvent sur les marécages, où ils n'ont aucune chance de survivre. Les aides financières aux cultures des pommes sont actuellement supérieures à celles allouées aux noix. Quant à la récolte, tout comme avant, personne n’en demande le détail", déplorent les représentants des sociétés de certification.

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