Le maire de Londres Boris Johnson (AFP)

Le vrai pouvoir est à Bruxelles !

Lors d’un récent séjour à Bruxelles, le maire de Londres, a découvert une ville futuriste devenue, selon lui, le réel centre du pouvoir en Europe, au détriment de Westminster, notamment au sujet de la réglementation des marchés financiers.

Publié le 8 septembre 2009 à 15:22
Le maire de Londres Boris Johnson (AFP)

Voilà donc ce que cela fait d’être dans un de ces films. On s’assoupit 10 minutes et on se réveille 200 ans plus tard. Nous avions à peine posé le pied dans la Gare du Midi à Bruxelles que la transformation fut incroyable. Lorsqu’il y a 20 ans, j’ai été envoyé dans la capitale belge en tant que correspondant du Daily Telegraph, la gare était un endroit extraordinairement lugubre infesté de chats sauvages, jonché de frites écrasées et dont les trains partent lentement pour des destinations de la Première Guerre mondiale telles que Poperinge.

Maintenant, le futur est là. Un vaste terminal Eurostar digne de l’ère spatiale domine le vieux quartier et, lorsque nous avons pénétré dans le cœur d’Euroville, je ne pouvais en croire mes yeux. L'arrivée sur les gigantesques sites des institutions européennes, donne l’impression que d’énormes vaisseaux extraterrestres de verre et d’acier se sont écrasés sur la ville, détruisant les rues pavées et exterminant les pâtisseries et les petits bars glauques que j’adorais.

Prenons l’exemple du Parlement européen, qui, de mon temps, avait son siège, tout riquiqui rue Belliard. Regardez à quoi il ressemble maintenant. Dire qu'il s'agit d'un palace est bien loin de la vérité. C’est une série de palaces, une ville dans la ville, avec des bars, des restaurants et des passerelles reliant une monstruosité moderne à une autre. A mon époque, le Parlement européen, "la belle-mère des parlements" [en référence à l'expression the "Mother of Parliaments" qui désigne Westminster] était un coin paumé, où les ordres du jour consistaient en gros à de copieux déjeuners à Strasbourg précédant des discours virulents et complètement hors de propos sur les famines en Afrique ou les tremblements de terre en Amérique latine.

Le bar du Parlement pullule de jeunes loups

Le meilleur du journalisme européen dans votre boîte mail chaque jeudi

Tout cela a bien changé. Il existait bien peut-être un bar dans le vieux bureau du Parlement européen, mais même le plus désespéré des journalistes ne s’y serait pas rendu à la recherche d’un sujet. Aujourd’hui, ce bar du Parlement pullule de jeunes loups remuants, des deux sexes, munis de lunettes Christian Dior qui scintillent de leur désir de…de quoi au juste ? Eh bien de pouvoir. Pour la première fois dans les 30 ans d’histoire de cette institution moult fois raillée, j’avais l’impression de sentir le pouvoir qui s’échappe des murs bruns en moleskine. Et, en regardant des huissiers courir de long en large, j'ai vu une assemblée fraîchement submergée et luisant d’un vernis de crânerie.

Et je ne pouvais m’empêcher de penser, bien sûr, à la ridicule comparaison avec les députés de Westminster, qui ont été tant tyrannisés et attaqués par les médias qu’ils semblent avoir souffert d’une dépression nerveuse collective. La plupart d’entre eux sont à la retraite, traumatisés par les scandales liés aux dépenses, leur confiance définitivement détruite par la haine publique. Comme pour leur remplacement, ils doivent faire avec un Parlement impopulaire et non réformé, dans lequel ils sont quand même forcés d’utiliser l’archaïque formule de politesse à la troisième personne, quand même forcés de voter à l’aide d’une procédure ancienne qui les oblige à sillonner pendant 15 minutes des couloirs aux murs couverts de lambris.

Quel contraste à Bruxelles et à Strasbourg, où les députés européens n’ont qu’à se présenter et à appuyer sur un bouton pour voter, bénéficiant du plus grand confort possible et ayant un minimum de relations avec leurs électeurs. Alors qu’ici, le Parlement gagne en splendeur physique et en taille - ce sont désormais 750 eurodéputés qui broutent dans ses pâturages -, la tendance à Londres va dans une tout autre direction. Il existe non seulement des projets visant à réduire le nombre des membres du Parlement et le faire passer de 659 à environ 400, mais les députés font également face à une humiliation prolongée. Ils sont obligés par leurs whips [les membres d'un parti chargé d'en faire respecter la discipline au sein du Parlement] de rendre compte de ce qu’ils ont fait à chaque heure de chaque journée.

L'équilibre des pouvoirs a changé

Le nœud de toute cette histoire réside dans le fait que ce changement n’est pas uniquement symbolique. Il reflète une réalité sous-jacente – le changement dans l’équilibre des pouvoirs et le fait que les lois du pays ne sont plus déterminées par le Parlement de Westminster. Il n’est nul besoin de comprendre en détail la directive européenne AIFM (Alternative Investment Fund Managers) [crée dans le but d’instaurer un cadre d’investissement plus sécurisé], pour se rendre compte qu’elle est destinée aux entreprises londoniennes et risque de leur causer de considérables dommages. Et notre Parlement à Londres est pourtant totalement inadéquat. Il existe bien sûr un argument de réglementation judicieuse et nous avons encore le temps d’améliorer cette directive.

Mais qui se chargera de cette tâche ? Cela ne sert pas à grand-chose pour les experts en capital-risque et les fonds de couverture de faire pression sur les ministres britanniques. Selon les nouveaux pouvoirs de codécision du Parlement européen, ces amendements cruciaux seront décidés à Bruxelles par les députés européens. En effet, davantage de directives étant en chantier, l’avenir de toute l’industrie des services financiers du Royaume-Uni est probablement entre leurs mains. C’est la raison pour laquelle il est si impressionnant de voir le contraste physique entre un Westminster disséqué et un Bruxelles élégant et sûr de soi. Le pouvoir a glissé, glisse et, avec le Traité de Lisbonne, continuera de glisser vers le Parlement européen.

VU D'AUTRICHE

Avec Cameron, Londres s'éloignera de l'Europe

Un gouvernement conservateur au Royaume-Uni provoquera une crise en Europe et l'isolement de Londres, prédit Die Presse, faisant le tour des conséquences désastreuses que l'entrée de David Cameron, favori des sondages, au 10 Downing Street pourrait avoir sur le continent. Les tories ont en effet "déjà provoqué la division du principal groupe au Parlement européen", préférant les eurosceptiques tchèques, polonais et d'autres pays aux conservateurs européens, constate le quotidien viennois. Au Conseil européen également, "un vent nouveau soufflera", car Cameron parie sur "le renforcement des Etats", rendant les compromis avec les Britanniques "presque impossibles". De même, une réglementation des marchés financiers relèvera de l'utopie. C'est pourquoi un haut responsable de l'UE confie au journal qu'il s'attend à un isolement du Royaume-Uni à moyen terme, sauf dans le domaine de la sécurité, "car rien ne s'y passe sans lui". Enfin, note Die Presse, "Si les tories réussissent à convaincre le président tchèque Václav Klaus de reporter sa ratification du traité de Lisbonne jusqu'en 2010 [date des élections britanniques], celui-ci serait bloqué, une fois qu'ils accèderont au pouvoir" : il leur sera alors possible d'organiser le référendum sur le traité, et celui-ci pourra être enterré définitivement.

Tags
Cet article vous a intéressé ? Nous en sommes très heureux ! Il est en accès libre, car nous pensons qu’une information libre et indépendante est essentielle pour la démocratie. Mais ce droit n’est pas garanti pour toujours et l’indépendance a un coût. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à publier une information indépendante et multilingue à destination de tous les Européens. Découvrez nos offres d’abonnement et leurs avantages exclusifs, et devenez membre dès à présent de notre communauté !

Média, entreprise ou organisation: découvrez notre offre de services éditoriaux sur-mesure et de traduction multilingue.

Soutenez le journalisme européen indépendant

La démocratie européenne a besoin de médias indépendants. Rejoignez notre communauté !

sur le même sujet