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Le scandale Mediator

Publié le 17 novembre 2010 à 16:13

Que s’est-il passé dans l’affaire Mediator, le nouveau scandale de pharmacovigilance qui secoue la France ? Cet antidiabétique, largement prescrit comme coupe-faim, commercialisé entre 1976 et 2009 par le laboratoire Servier, est à l'origine de la mort d'au moins 500 patients en France et de plus de 3500 hospitalisations. Alors que ce médicament avait été retiré depuis plusieurs années de la plupart des pays où il était commercialisé– excepté le Portugal et Chypre-, il a fallu attendre novembre 2009 pour que les autorités sanitaires françaises le retirent du marché.

Le 16 novembre, en présentant de nouvelles études de la Caisse nationale d'assurance maladie qui confirment le danger mortel lié au Mediator, Xavier Bertrand, le ministre de la Santé,lançait un appel à tous les patients ayant consommé Mediator : qu’ils filent chez leur médecin se faire examiner, la prise du médicament entrainant quelques problèmes mortels de valves cardiaques...

Ils seraient près de 3 millions en France à avoir consommé Mediator 150 mg (dont le principe actif est le benfluorex) pendant plus de trois mois soit au moins 145 millions de boîtes vendues sur l’hexagone, au plus grand bonheur du laboratoire Servier.

Créé en 1954 , Servier est devenu un géant de l'industrie pharmaceutique française, le deuxième en terme de ventes (après Sanofi-Aventis), avec un chiffre d’affaires de 3,6 milliards d’euros souligne Libération. Un laboratoire "toujours au centre de polémiques, écrit Libé, en raison de sa grande proximité avec le monde politique. Exemple = alors que l'affaire du Mediator s'esquissait, Servier [Jacques, le fondateur de l'entreprise] était fait grand croix de la Légion d'honneur, en janvier 2009." "En France, on ne touche pas à Servier", poursuit le quotidien qui souligne, comme beaucoup de confrères, la lenteur de réaction des autorités de tutelle françaises devant les nombreuses mises en garde des méfaits du Mediator.

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Dès 1999 des signes d'alerte étaient en effet apparus avec la déclaration de pharmacovigilance du cardiologue Georges Chiche sur la dangerosité du produit, écrit Le Figaro. Et le premier cas de valvulopathie reconnu par l'Afssaps date de 2006, poursuit Libé. Enfin, il aura fallu attendrele travail décisif d’Irène Frachon, une pneumologue au CHU de Brest, pour que la molécule soit enfin suspendue dans l’hexagone et fasse l’objet de l'investigation approfondie de la Cnam.

Outre les alertes sur la nocivité de Mediator et sur son inefficacité pour soigner le diabète, l'Isoméride, un médicament de la même classe que Mediator avait été retiré du marché en 1997 et avait déjà valu au laboratoire Servier plusieurs condamnations en justice.

Devant l’inertie des autorités sanitaires, "faut-il évoquer la porosité entre experts et industriels ?" s’interroge Libé qui, pour sa part, donne le dernier mot à un "pharmacologue des plus indépendants" qui conclut plutôt à une série de maladresses "des experts qui manquent de culture de santé publique" et qui restent "enfermés avec leurs données".

Les Echosdans un édito va plus loin. *"O*n est stupéfait d'apprendre qu'il a fallu attendre dix ans après les premiers cas signalés pour que soient diligentées des études à grande échelle", s’indigne le quotidien économique. "Dans la pharmacie, le principe de précaution s'utilise donc à l'envers. Tant que le caractère nocif d'un produit n'est pas démontré, on continue à le vendre. "

"Ainsi au XXIe siècle, poursuit Les Echos, pour protéger leurs ventes, des entreprises prennent encore le risque de la réputation pour elles, et de la santé pour d'autres. Troublant. Comme l'est aussi l'attitude des autorités sanitaires pas toujours très promptes à réagir. La question de l'indépendance du régulateur face aux intérêts industriels et politiques est à nouveau posée. Il est temps d'y apporter une réponse."

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