A Edimbourg, un automne passionné et passionnel

Publié le 16 septembre 2014 à 20:08

18 septembre. Référendum en Ecosse sur la sortie ou non du Royaume-Uni. Un geste surveillé de près et attendu, pour la jurisprudence, par la Catalogne, par une partie de la Transylvanie, par toutes les petites et grandes régions qui rêvent d'autonomie. Quelle que soit la forme.
"Il y a quelques pays qui, par un heureux concours de circonstances... littéraires, obtiennent une nouvelle identité". Je n'aurais jamais cru si bien être capable alors, à l'automne 2012, de prédire le sort futur de l’Écosse. J'avais atterri, par un hasard géographique, à Édimbourg pour une semaine, en ce mois de novembre, pluvieux mais superbe - car leurs arbres revêtent en automne les couleurs de nos chênes de Transylvanie, je me sentais ainsi chez moi - se prêtait au... travail collatéral.
J'ai donc demandé au rédacteur en chef du principal journal écossais, The Scotsman, une réunion collégiale. Une chose en entrainant une autre, je lui ai demandé ce qu'il pensait des allégations du Premier ministre écossais Alex Salmond concernant la future indépendance de l’Ecosse. Il a souri dans sa barbe (rousse !) et s'est lancé dans une démonstration de plaidoyer qui avait beaucoup de sens: il s’est montré honnête et neutre. Il a avoué, ensuite, lorsque j'étais sur le point de partir, qu'il n'était pas écossais, mais anglais !
Oui, le courant d'opinion principal, porté comme un drapeau par le gouvernement de Salmond, est nationaliste et désire la séparation de l’Écosse. En gardant la monnaie, en restant dans l'UE, conservant de très bonnes relations avec le Royaume-Uni, en bref un divorce de velours. Mais qui suppose aussi bien des désavantages. L’indépendance est perçue aujourd'hui comme un sentiment égoïste. Est-ce le cas ?
Les désavantages seraient d'ordre économique: la flotte de sous-marins britanniques se trouve en Écosse, avec les emplois afférents. Une grande partie de l'économie dépend également de Londres. L’Ecosse possède aussi sa propre Silicon Valley, appelée Silicon Glen. Sans oublier le whisky ou les services bancaires. Ou le tourisme. Depuis 1998, il existe à Edimbourg un Parlement écossais, avec 128 députés, qui votent des lois... d'usage courant, disons, dans une ambiance futuriste. A 50 mètres de la résidence d'été de la reine d'Angleterre, un immeuble tout en bois, conçu par un sculpteur catalan!
Quoi qu'il en soit, comme l'écrivait The Guardian, cité par Courrier International, "l'indépendance écossaise n'est plus un rêve". Le journaliste de The Scotsman me confiait qu'ils regardaient avec beaucoup d'intérêt du côté des autres mouvements indépendantistes, catalan, sicule même (il connaissait vraiment l'histoire des Magyars de Transylvanie et leurs désirs d'autonomie), mais il a expliqué que l’Écosse était un cas à part, car elle a toujours été un pays. Aspect géopolitique qui n'empêchera guère les analystes et même les indépendantistes d'utiliser une scission de l’Écosse comme argument pour la possibilité d'"une Europe des régions".
La contamination n'avait pas encore, en 2012, gagné les rues de la capitale écossaise. "Edimbourg a, en ce début de novembre, quelque chose du charme et de la fraîcheur d'un Cluj ou Sibiu une fois la brume dissipée. Edimbourg en novembre sent la montagne...", écrivais-je dans le reportage publié par Historia. La capitale paraissait sommeiller dans les replis d'un temps qui passe un peu plus lentement que sur le continent.
Mais aujourd'hui, le débat pour le Oui ou le Non échauffe tellement les esprits que c'est même devenu sujet de roman... pour Ian Rankin, auteur de polars célèbre dans l'espace anglo-saxon, "Saints of the Shadow Bible", et sujet de campagnes de presse pour bien d'autres. L'auteure des romans d'Harry Potter, J.K. Rowling, qui par ailleurs écrit ses romans dans une mignonne pâtisserie locale avec vue sur le château d’Edimbourg, a fait ainsi don d'une somme nullement négligeable à la campagne contre l'indépendance. "Je vous demande de vous rappeler les Mangemorts le jour du vote", demande-t-elle aux lecteurs, en espérant que, quelque soit le résultat du référendum, l'on ne "nous reproche jamais d'avoir fait une erreur historique".
Pour revenir à Rankin, considéré récemment comme l'écrivain écossais le plus aimé de tous les temps (et pas seulement en Écosse, mais aussi ailleurs), ce dernier, troublé par la mort de son ami, l'écrivain Iain Banks, en juin 2013, a décidé de prendre une année de pause. Pause pour respirer et observer. D'abord partisan du Non, mais tendant à accepter les opinions de ses amis soutenant le Oui, Rankin a décidé de prendre position à travers son personnage principal, dans ses romans policiers se déroulant sur fond des événements dans la capitale.

l'inspecteur Rebus aurait voté Non. mais l'inspecteur Siobhan Clarke aurait voté Oui. Je suis entre les deux. Essayant désespérément d'être le partisan de personne, car en Écosse être aujourd'hui le partisan de quelqu'un signifie se faire des ennemis.
De sages propos. Pour lui, pour les Écossais qui joueront leur sort au jeu de hasard du référendum comme geste démocratique sine die, pour nous, pour l'Union Européenne, en fin de compte. Nous aurons assurément un passionnant et passionnel automne écossais.

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