Idées Referendum sur le “Brexit”

Le rendez-vous manqué de David Cameron au Parlement européen

Tout en évoquant "plus de démocratie" pour l'Union, le Premier ministre britannique a préféré les réunions en petit comité et à huis clos à un véritable débat devant les députés, et face à l'opinion publique européenne.

Publié le 18 février 2016 à 12:49

Cela aurait dû être le grand moment européen de cette semaine du point de vue des médias : la venue de David Cameron au Parlement européen. Malheureusement, le Premier Ministre a décliné l'invitation et s'est contenté de rencontres avec les présidents de groupe politique. Quel dommage, alors que le “Brexit” concerne tous les citoyens européens.

David Cameron a refusé de participer à ce moment démocratique vraisemblablement pour deux raisons. Tout d'abord parce qu'il ne voulait pas que toutes les télévisions britanniques ne retiennent de cet échange que son affrontement avec Nigel Farage. Cela aurait été mettre sur un piédestal le leader anti-européen du Ukip alors que son parti est sur une (petite) pente ascendante au Royaume-Uni. Ensuite parce que David Cameron se serait fait rentrer dedans par la plupart des eurodéputés sans avoir la possibilité de répondre à chaque fois juste après, comme cela est le cas lors des discussions à la Chambre des Communes.

Mais c'est aussi très logique. David Cameron a fondé sa stratégie sur des discussions bilatérales à l'abri du regard du grand public. Il faut dire que sa démarche a tout du chantage : cédez-moi sur des choses fondamentales ou je fais campagne pour la sortie de l'Union européenne. Ce genre de procédé ne peut passer que dans le cadre policé de discussions diplomatiques.

Malheureusement pour nous citoyens, les négociations bilatérales empêchent tout débat public. Bien sûr, dans une démocratie représentative, il y a aussi des négociations cachées, mais le temps du débat public permet de faire évoluer le texte présenté à la fin. Ici, ce ne sera plus possible : si un point très problématique est accepté par des dirigeants nationaux affaiblis suite au marathon des négociations, il n'y aura pas de retour en arrière possible. C'est le principe même des négociations diplomatiques et des traités internationaux. Il n'y aura plus lieu d'avoir un débat public européen, les dirigeants nationaux l'auront confisqué.

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Le manque de débat publique européen

La venue du Premier ministre grec Alexis Tsipras dans l'hémicycle européen avait permis une vraie discussion et avait éclairé le débat pour ceux y ayant assisté. En effet, les propos de Tsipras n'étaient plus déformés par le filtre des médias nationaux. D'habitude, les nouvelles venues de Grèce étaient choisies en fonction d'une grille de lecture nationale, sans réellement tenir compte du contexte grec. De même pour Tsipras, il pouvait enfin s'adresser aux citoyens européens non-grecs et présenter sa propre logique sans être tenu par l'unique enjeu grec. Cela avait été un vrai moment de démocratie européenne.

L'absence de débat public européen est une des plus grandes faiblesses de l'Union européenne. Il y a en effet 28 sphères publiques nationales au lieu d'une seule quand on vient parler de choses à dimension européenne.

Le Brexit est un parfait exemple de ce manque démocratique : la sortie ou non du Royaume-Uni concerne bien l'ensemble des Européens, et non seulement les Britanniques. Or les discussions se sont uniquement déroulées entre diplomates, à l'abri des regards des citoyens. On a au final nationalisé une question européenne. Et cela profite au camp du "Out" car le débat ne se passe que du point de vue britannique (voir anglais...). On ne parle ainsi que des intérêts des britanniques alors qu'on devrait se demander aussi quelles sont les conséquences pour les citoyens européens non britanniques vivant dans cette partie de l'UE. Les pays d'Europe centrale l'ont fait, mais également dans une vision nationale pour protéger "leurs" citoyens.

La nationalisation du débat est décidément ce qui tue l'idée d'Europe aujourd'hui.

Dessin de Nicolas Vadot

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