Idées L’UE face à la Turquie

Faible et triste Europe

La question des réfugiés syriens et irakiens est complexe. Il n'y a pas de réponse simple à apporter. Pourtant, nos dirigeants nationaux semblent en avoir trouvé une : tout faire porter à la Turquie.

Publié le 16 mars 2016 à 15:56

Les discussions actuelles avec le gouvernement turc donnent l'impression que l'Union européenne (UE) n'est pas capable d'accueillir ces réfugiés alors que nous sommes un continent de 500 millions de citoyens. Plus que l'Europe forteresse, nous faisons face à une Europe tristesse.

Ce qui donne cette impression en particulier, c'est le fait que les négociations ont lieu de manière asymétrique. D'un côté, la Turquie se sent forte et demande toujours plus d'argent pour mieux contrôler ses propres frontières avec l'Europe. De l'autre, l'UE se sent faible et fait tout pour ne pas critiquer les attaques scandaleuses contre la liberté de la presse menées par le gouvernement turc récemment... Au final, la discussion est biaisée d'autant plus que les dirigeants nationaux européens se sentent sous la pression d'opinions publiques de plus en plus tentées par le vote anti-réfugiés aux élections.

Cela nous donne une Europe faible. Surtout que le mode de négociations diplomatiques avec la Turquie joue en notre défaveur. En effet, quand l'Allemagne pousse dans un sens, la France freine un peu et d'autres pays s'opposent à tout par principe. Nous n'avons aucun discours unique sur les réfugiés, aucune stratégie commune. Dans l'idéal, un gouvernement de l'Europe négocierait avec le gouvernement turc tout simplement. Dans la réalité, rien n'est clair, que cela soit sur ce qu'on est prêt à donner à la Turquie (adhésion, argent,...) ou ce sur quoi on veut bien fermer les yeux (traitement des réfugiés, liberté de la presse,...).

Résultat, le citoyen s'intéresse plus aux élections américaines qu'à ces négociations pourtant tellement plus importante pour lui que le dernier meeting de Donald Trump. Peut-on lui donner tort ? A la fin du sommet, que ce soit le Premier ministre turc, Donald Tusk, Jean-Claude Juncker ou les 28 autres chefs d'Etats et de gouvernements, dans chaque conférence de presse, on nous annonce qu'on a un formidable accord ! Même si cela est pour des raisons totalement opposées parfois...

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Une Europe faible et incompréhensible. Voilà donc le cocktail parfait pour désintéresser les citoyens de la politique européenne. Cette Europe des diplomates satisfait ceux qui sont au pouvoir et ont l'impression d'être au cœur de l'action. Si nous étions une petite souris au milieu de ces négociations, cela serait passionnant... mais quel est l'intérêt si les citoyens sont exclus de ces discussions ?

Il n'y a du reste aucune discussion post-sommet, que cela soit dans les médias ou dans les assemblées nationales de chaque pays. Il faut dire que cela ne servirait à rien puisque le traité a déjà été signé et le dirigeant national s'est engagé à tenir l'accord. Les populistes de droite et de gauche peuvent donc s'en donner à cœur joie pour stigmatiser une Europe si loin des citoyens...

Il est grand temps de repenser l'Europe et ses mécanismes institutionnels. Aujourd'hui, nous sommes embourbés dans un fonctionnement daté du XIXe siècle. Or, nous avons besoin d'aller plus loin et de tirer les conséquences de nos échecs répétés. La Turquie est pratiquement aussi peuplée que l'Allemagne, pays ayant le plus d'habitants en Europe.

Nous devons donc accepter deux choses. Premièrement que nous ne pesons plus dans le monde comme à l'époque de nos colonies. Deuxièmement que nous ne pourrions pas organiser 28 sommets entre Turquie et chaque nation de l'UE. Ce serait trop long et nous sommes trop faibles quand nous sommes séparés. Alors rêvons d'Europe, car nous ne savons que nous défausser sur les autres pour le moment au lieu d'être acteur des changements mondiaux.

Dessin de Bas van der Schot.

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