Idées France-Allemagne

Amour, gloire et échec.

Mais où est le couple franco-allemand ? Souvent divisé, parfois invisible, il semble plus être sur la voie de la rupture que sur celle de la réconciliation. Pourtant, le couple franco-allemand est essentiel à la construction européenne (sans oublier les autres membres fondateurs évidemment). Si les deux nations ne coopèrent pas, la construction européenne ne pourra jamais avancer.

Publié le 15 avril 2016 à 09:15

Rien ne marche. La relation entre l’Allemagne et la France n’est pas au beau fixe, et rien ne nous échappant, une certaine animosité entre les deux nations paraît émerger. Ce couple a toujours eu des hauts et des bas, mais les divergences de point de vue n’ont jamais été aussi fortes 

Un couple divisé ou porté disparu

Si Nicolas Sarkozy a fait de l’imitation du modèle allemand sa priorité, il semble, par l’échec de sa politique mais aussi par sa relation parfois houleuse avec Angela Merkel, qu’il n’ait pas atteint son objectif. Idem pour François Hollande, qui a préféré reculer devant l’austérité à l’allemande mais qui a détourné son regard de la crise des réfugiés et donc de l’effort entrepris par l’Allemagne. La France a donc adopté une position paradoxale vis à vis de l’Allemagne, position ne concordant pas, de plus, à l’étiquette politique du gouvernement actuel.

Inversement, Angela Merkel n’a montré que peu d’indulgence face au déficit Français et a préféré négocier un accord presque seule avec la Turquie (en le faisant directement, notamment lors d’une rencontre aux Pays-Bas avec le Premier Ministre Turc).

Monsieur Hollande et Madame Merkel sont, me semble-t-il, dans une perspective d’accord bilatéral avancé, pas d’une coopération aboutie. Si le couple franco-allemand ne tient pas son rôle aujourd’hui, c’est parce que nos dirigeants, et nous-mêmes, envisageons cette relation comme une possibilité de satisfaire nos intérêts nationaux, de nourrir les égocentrismes nationaux, pas comme une possibilité de construire l’Europe. 

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Et si ce couple, qui ressemble plus à un mariage forcé, est essentiel à la construction européenne, il semble que chaque conjoint se fait donc plus de soucis pour lui-même que pour l’autre. Drôle de couple tout de même.

Le couple franco-allemand actuel n’est en fait que le symbole de la victoire des égoïsmes nationaux sur le projet européen. On montre des signes d’apaisement, de consensus, tout en poignardant son partenaire dans le dos. L’un avec l’imposition de mesures économiques rigides, l’autre avec un manque de solidarité criant et un repli sur soi absolument effarant. 

Il est donc presque hilarant (un rire jaune, tout de même) de voir un seul point commun dans un couple qui , dans la vie normale, aurait déjà rompu tous liens : chacun a envie de construire l’Europe, mais à son image, tant que c’est à son avantage.

L’échec de ce couple franco-allemand va, inévitablement, se casser les dents (et les reins) sur le difficile sujet de la sécurité européenne. C’est déjà mal parti du côté français, avec les déclarations Monsieur Cazeneuve sur la possibilité de créer un renseignement européen, bien approuvées par Manuel Valls. L’ Allemagne ne paraît pas bien emballé non plus, et sa réticence à s’engager dans ce genre de projet est plutôt connue.

Le problème, ce n’est pas de refuser ces projets mais l’absence de discussion, de débat entre les deux pays. Aucun des deux pays ne veut prendre des risques, par peur de l’extrême droite ou par égoïsme. On a presque l’impression que la construction européenne n’intéresse même plus François Hollande et Angela Merkel. Pourtant on sait que ce n’est pas le cas !

La voie Européenne

Mais comment mettre ce couple franco-allemand sur la voie européenne ? Il est compliqué de le faire nous, simples citoyens, hormis voter pour un candidat pro-européen, ce qu’était a priori François Hollande (connu pour être un fédéraliste). Il faut donc que le couple franco-allemand se réveille, il faut qu’il s’inspire, l’année prochaine en vue des élections dans les deux pays, des couples qui l’ont précédé, comme Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt ou encore François Mitterrand et Helmut Kohl. 

La France et l’Allemagne sont deux pierres (parmi tant d’autres !) du grand édifice qu’est l’Union Européenne. Mais ce sont des pierres angulaires, des pierres fondatrices. Si la France et l’Allemagne ne coopèrent plus en faveur de l’Europe, alors cette dernière ne pourra jamais changer, et elle restera embourbée dans ses difficultés, se jetant droit dans les bras des europhobes et des nationalistes, pourfendeurs d’un projet qui est l’un des plus vieux et des plus beaux jamais conçu en Europe. 

Si le couple franco-allemand reste tel quel, nous nous dirigeons vers une Europe des nations, encore moins intégrée que l’Europe intergouvernementale, ce qui signifierait la mort du projet européen, pour revenir à un modèle confédérale. 

La France et l’Allemagne représentent près de 147 millions d’habitants, soit presque 30% de la population de l’UE, et comptent pour près de 35% du PIB de l’UE à 28. C’est donc le rôle de ces pays d’entreprendre les démarches visant à construire l’Europe. Et pour l’instant ces démarches sont isolées, inefficaces voire inexistantes. 

Ne serait-ce donc pas cet égoïsme national, face aux difficultés, qui empêche le moteur franco-allemand de fonctionner ? Ne serait-ce pas cette tentation du repli sur soi, en se persuadant qu’on est meilleur seul, qui maintient la discorde dans ce duo le plus improbable de l’Histoire ? Où alors, est-ce cette volonté de faire l’Europe à la seule condition qu’elle soit à son image ? Tous ceux qui ont voulu avoir une Europe homogénéisé, sans respecter les différences de chacun, ont du le faire par la guerre, parfois même par des massacres ignobles.

Si beaucoup de dirigeants ou de journaux ne parlent pas de fédéralisme tout en épousant ses formes, le couple franco-allemand ferait bien d’entrevoir cette alternative. Et seul ce binôme peut mener cette proposition en Europe. Les populations ne sont pas prêtes et elles ne le seront jamais si on ne fait pas campagne sur ces sujets, si l’on informe pas les citoyens de ce qu’est l’Europe, à quoi elle sert. Une fédération d’États-nations permettrait d’unifier nos nombreux points communs, tout en respectant nos différences.

Ce qui est évident, c’est que le couple franco-allemand ne prend pas les responsabilités qui lui incombent, freinant même certaines tentatives (comme celle de l’Italie) visant à renforcer l’intégration et la coopération entre États-membres de l’UE. Il est temps, messieurs, mesdames les dirigeants, d’arrêter de s’abriter derrière la peur et le souverainisme et il est temps de mener à bien la mission qui fut confié par Schumann et Monet, celle pour laquelle nous avons voté, nous les citoyens européens, celle de cette Europe politique toujours plus aboutie.

Cartoon :PLASSMANN, Thomas, dans Frankfurter Rundschau 16.05.2012. Le titre est : l'Europe vers l'avant. François Hollande dit à Angela Merkel "ravi de vous rencontrer !", Angela Merkel lui répond "Mon plaisir"

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