La Bulgarie rencontre son passé communiste

Publié le 25 juillet 2011 à 16:12

Se souvenir du communisme s’avère un exercice compliqué pour les Bulgares. Sans être taboue, la période socialiste semble être un sujet évité – c’est le paradoxe de nier et de négliger son propre passé. L’époque communiste semble intéresser uniquement les cercles d’intellectuels et les discussions n’arrivent pas à impliquer une plus grande partie de la société. Du moins c’était le cas jusqu'à il y a quelques années.

En 2006 Guéorgui Gospodinov, écrivain bulgare, publie un recueil titré "J’ai vécu le socialisme". Ce sont près de 200 histoires personnelles, souvenirs de l’époque communiste en Bulgarie, tirées du site spomeniteni.org, créé spécialement pour le projet. C’est la première publication qui s’intéresse directement à l’expérience personnelle pendant le communisme et des souvenirs des gens ordinaires de cette époque. Parmi les récits, certaines sont drôles, d’autres - dramatiques, mais toujours réels – racontent le communisme différemment, comme les manuels et les historiens ne l'ont jamais fait.

L'une des participantes dans "J’ai vécu le socialisme" est Diana Ivanova. Journaliste, docteur en psychologie, elle crée un jour le Festival des mémoires dans le village de Bela Rechka.

La première édition a eu lieu en 2003. Fin mai, le festival réunit les participants et les habitants du village autour d’un sujet lié à la mémoire et au passé. Le festival évoque des questions comme "qu'est-ce qu'on a gardé du totalitarisme?", "comment existait la foi à cette époque?", "pourquoi les gens ont émigré?". Le village se transforme en lieu de rencontres d’artistes, photographes, écrivains et philosophes qui travaillent ensemble sur les histoires personnelles et le regard sur le passé. Les organisateurs essayent de populariser les activités du festival par des expositions photographiques, des café-discussions, des bourses pour jeunes artistes qui s’intéressent au sujet de la mémoire collective et personnelle.

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Ces projets mis à part, le communisme est utilisé pour des fins commerciales par la publicité et le cinéma.

Le communisme fait vendre. En témoigne le succès des publicités télévisées, qui reprennent les logos des produits et les paroles des films de l’époque. Les auteurs des vidéos disent que c’est la nostalgie qui fait vendre les produits, reprenant les marques socialistes – des symboles de qualité à l’époque. Légères, humouristisques et souvent rétro, les publicités amusent un large public. Les gens préfèrent acheter le chocolat de leur enfance ou la charcuterie qu’ils mangeaient chez leur grand-mère.

Le film "Dzift", du réalisateur Yavor Gardev constitue un message plus direct sur le communisme. La production bulgare de 2008, grand succès aux festivals de Moscou, Toronto, Reykjavik, décrit l’histoire d’un homme mis en prison pour assassinat avant le communisme et libérée après son instauration. Le film est une histoire personnelle, pleine d’humour, qui représente la réalité communiste dans un style noir, sans prétendre à être un récit historique.

"Dzift" remplit un vide artistique, notamment sur le sujet du communisme, et gagne l'enthosiasme du public bulgare. Les Bulgares ont besoin de revenir sur la période socialiste, et puisque cela ne se produit pas via les discours politiques ou l’éducation, ce sont les artistes qui s'en chargent.

Le silence des artistes et l’absence de position officielle prise par rapport au passé fait du communisme une époque inconnue pour une grande partie des jeunes bulgares. Les débats sur l’héritage du socialisme et son intégration à l’histoire contemporaine restent éloignés du centre d’intérêt public. Cependant, ces nouvelles initiatives artistiques laissent espérer que la Bulgarie tente peu à peu d'assimiler son passé communiste.

Photos: Nova Kultura

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