Après Toulouse

Publié le 23 mars 2012 à 13:49

Le drame en trois actes a choqué l’Europe. D’abord, l’assassinat de trois militaires d’origine nord-africaine à Toulouse puis à Montauban, dans le sud-ouest de la France, sans que l’on soit sûr d’un lien entre les deux faits. Puis celui de trois enfants et un adulte devant une école juive de Toulouse, et la peur d’un “loup solitaire”, peut-être néo-nazi, qui s’empare de la population. Enfin, le long siège du domicile du suspect numéro un, et la révélation qu’il était un islamiste de 23 ans, auteur de petits délits devenu tueur fanatique.

Si le parcours meurtrier de Mohamed Merah a eu autant d’écho, c’est parce qu’il combine des éléments inhérents à nos sociétés modernes : la fascination du tueur en série, le spectre ancien de l’antisémitisme et le nouveau de l’islamophobie, la médiatisation des faits divers, la volonté de contrôler la société pour empêcher les actes de terreur, la recherche de repères communs entre les populations de souche et celle issues de l’immigration du dernier demi-siècle, et bien sûr, en pleine campagne électorale française, l’utilisation politique de ce genre d’événements.

C’est à cette aune qu’il faudra observer, à court terme, la manière dont va se poursuivre la campagne en France, et à long terme, quelles mesures seront adoptées. Car déjà, la gauche française accuse les services de renseignements de ne pas avoir été capables d’arrêter Merah, et le président Nicolas Sarkozy propose de criminaliser la consultation de sites internet extrêmistes.

Tout comme Le Monde, habituellement mesuré, les responsables poltiques semblent estimer que l’équipée meurtrière de Merah pose la question de la menace terroriste, et en particulier celle d’Al-Qaida. Pourtant rien ne prouve encore que le jeune toulousain, malgré ses voyages en Afghanistan et au Pakistan, n’ait fait partie d’une cellule terroriste organisée. Son parcours semble plutôt démontrer la persistance d’une frange radicalisée de jeunes musulmans, nés en Europe mais en rupture avec la société européenne, et qui passent à l’acte pour des raisons aléatoires et donc difficilement prévisibles à coup sûr.

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Encore une fois se posent donc la question de ce que les Britanniques ont appelé les “home grown terrorists” après les attentats de Londres en 2005, et celle des moyens à mettre en oeuvre pour contrer des actes terroristes nourris par des citoyens qui évoluent parfois hors des cercles terroristes classiques.

La première question nécessite un débat ouvert, tolérant mais franc sur la manière dont les sociétés européennes doivent accepter une religion, l’islam, qui a toute sa place en Europe, tout en refusant les comportements extrêmistes qui nourrissent la méfiance et la haine.

Mais ce débat doit inclure la reconnaissance des inégalités dont souffrent beaucoup de descendants d’immigrés (et donc citoyens européens), à l’école et pour accéder à un travail. Il doit également inclure la manière de lutter contre le racisme et la violence d’extrême droite. Les valeurs européennes imposent d’être intransigeant de la même manière contre ce que La Stampa appelle nos “cauchemars opposés”.

La seconde question nécessite d’être vigilant et cohérent vis-à-vis des libertés individuelles. Vigilant parce que la surveillance des communications et de la navigation sur Internet n’est pas plus acceptable aujourd’hui qu’après le 11 Septembre. Cohérent, parce qu’on ne peut pas d’une part défendre les libertés individuelles et d’autre part exiger l’omnipotence des services de renseignement.

Le débat sur la protection des données individuelles fait rage depuis plusieurs années entre certains Etats, leur justice, la Commission européenne, le Parlement européen et les organisations d’internautes et de de défense des droits de l’homme. Il ne doit pas être stoppé par une menace terroriste réelle mais imprécise.

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